L'emploi, obstacle suprême pour les personnes avec un handicap psychique ? Selon une enquête menée par l'Unafam, union de familles qui luttent contre les idées reçues liées à ces troubles, il demeure effectivement à la première place des droits les plus difficiles d'accès. Pour changer la donne, l'Agefiph a publié, le 24 avril 2025, son observatoire Santé mentale, handicap et emploi. 42 pages regroupant ressources et témoignages pour (re)motiver et briser les préjugés ! « Si l'évolution de la reconnaissance des troubles psychiques depuis la loi de 2005 a permis certaines avancées en matière d'accès aux droits, d'accompagnement et d'emploi, il reste encore beaucoup à faire pour et avec les personnes concernées », estime le président de l'Agefiph, Christian Ploton.
Le handicap « le plus complexe » à intégrer en entreprise
En 2023, 72 % des adhérents de l'Unafam déclarent que leur proche en situation de handicap a eu l'occasion de travailler, mais seuls 21 % exercent actuellement une activité rémunérée. « Un gâchis terrible que nous ne cesserons jamais de dénoncer ! », proclame la vice-présidente de l'association, Emmanuelle Rémond, au sein de l'observatoire. « Il n'y avait aucun suivi sur son parcours d'emploi, témoigne ainsi la mère d'une jeune femme vivant en Île-de-France. Elle a pu faire quelques missions mais qui ne prenaient absolument pas en compte son handicap ; elle n'a pas pu continuer. » Et pour cause... Selon les recruteurs, le handicap psychique demeure le plus complexe, après le polyhandicap, à intégrer en entreprise : seuls 24 % d'entre eux (et 20 % des salariés) le considèrent « facile », contre 62 % pour un handicap auditif et 60 % pour une maladie invalidante.
Un manque d'accompagnement de l'école à l'emploi
Des millions de personnes avec un handicap psychique voient ainsi leur parcours professionnel « fragilisé par un manque de repérage, de prise en compte, de reconnaissance, d'accompagnement et d'adaptation de leur environnement de travail. L'isolement, l'incompréhension et parfois la stigmatisation viennent s'ajouter aux autres difficultés rencontrées », observe Christian Ploton. Faute d'accompagnement à tous les niveaux et à toutes les étapes du parcours de vie (à l'école, à l'université, dans les organismes de formation, dans la recherche d'emploi ou dans l'emploi), ces salariés potentiels se découragent et se retirent du marché du travail, fragilisant un peu plus leur santé mentale déjà éprouvée, abonde l'Unafam.
Un levier puissant du processus de rétablissement
Or, tous les spécialistes sont unanimes : « l'accès à l'emploi et le maintien en activité constituent des éléments déterminants du bien-être mental ». « Permettre aux personnes en situation de handicap psychique de travailler, c'est leur permettre de se rétablir et diminuer l'impact du handicap sur leur vie », affirme Emmanuelle Rémond. Comment ? Grâce au « sentiment d'utilité que le travail nourrit, la reconnaissance qu'il procure, les liens sociaux qu'il permet (en plus des revenus qu'il apporte et qui soutiennent une sécurité psychologique indispensable) », répond Claire Le Roy-Hatala, directrice du collectif La Place (conseil, accompagnement, formation santé mentale, handicap, travail et rétablissement).
Le rôle déterminant des employeurs
Mais « ce processus de rétablissement n'est possible qu'à condition de se dérouler dans un environnement non-stigmatisant », ajoute-t-elle. Mme Le Roy-Hatala déconstruit les clichés sur les troubles psychiques au travail dan notre interview vidéo exclusive. En cela, les employeurs ont un rôle déterminant à jouer, selon cette coach, qui liste plusieurs leviers : soutien de proximité, écoute, bienveillance, regard non discriminant, respect de l'autodétermination, attention portée aux signaux d'alerte. Quatre piliers d'action doivent ainsi être activés, ajoute Angèle Malâtre-Lansac, déléguée générale de l'Alliance pour la santé mentale : la prévention des risques psychosociaux, la mise en place d'une culture ouverte et inclusive facilitant la prise de parole sur le sujet, le soutien aux personnes en souffrance psychique et enfin le retour et le maintien dans l'emploi des personnes concernées par ces troubles.
Sensibiliser et former les acteurs
De son côté, Emmanuelle Rémond appelle également à « former les acteurs de l'accompagnement aux spécificités de ce handicap pour rétablir une vision juste et respectueuse de la réalité, rendre cet accompagnement possible sur présentation d'un certificat médical, sans RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) pour éviter les ruptures de parcours, intégrer des chargés d'insertion professionnelle dans les équipes de soin, sensibiliser les managers sur les lieux de travail, généraliser la possibilité du temps partiel sans diminution de l'AAH (Allocation adulte handicapé) dès le mi-temps comme c'est le cas actuellement ».
Hotline, coaching personnalisé...
En attendant un sursaut national, des dispositifs émergent à l'échelle « locale » pour faciliter le quotidien professionnel de ces salariés avec des besoins spécifiques, à l'instar d'Assystem qui propose une hotline gratuite, offrant une écoute psychologique confidentielle et accessible 24/7 afin de favoriser le bien-être de ses collaborateurs. La mission handicap travaille également en étroite collaboration avec les équipes pour identifier les besoins et offrir des solutions sur-mesure aux salariés en situation de handicap psychique, comme le coaching personnalisé et un accompagnement via des professionnels spécialisés en santé mentale, la mise en relation avec des pairs ou encore des ajustements dans l'organisation du travail.
Les plateformes de réhabilitation psychosociale
Les plateformes de réhabilitation psychosociale, telles que Réhab'Paris Nord, favorisent également une insertion professionnelle durable en tenant compte des besoins spécifiques liés au handicap psychique. S'appuyant sur un réseau de partenaires professionnels et médico-sociaux, elle propose une évaluation individualisée pour identifier les freins et les motivations de chaque personne. Une équipe pluridisciplinaire, incluant des job-coachs, met en place des parcours adaptés : remobilisation via des thérapies, développement des compétences, mise en relation avec des entreprises, ateliers emploi...
Emploi accompagné : suivi médico-social et soutien à l'employeur
De même, l'emploi accompagné leur permet d'obtenir et de garder un emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre repose sur un accompagnement global, associant un soutien à l'insertion professionnelle et un suivi médico-social adapté au salarié, mais aussi un soutien à l'employeur, public ou privé. « Grâce à un suivi hebdomadaire avec mon conseiller et le soutien d'une neuropsychologue, j'ai pu clarifier mon projet professionnel et réussir mon insertion », témoigne Jugurta, accompagné depuis 2021, en CDI dans la restauration depuis un an et demi.
Clubhouse : une réinsertion sociale et professionnelle
Enfin, les Clubhouse, créés par l'association éponyme, accompagnent des personnes - une dizaine aujourd'hui - concernées par un trouble psychique vers une réinsertion sociale et professionnelle. « Notre méthode innovante s'articule autour d'une approche collective basée sur le 'faire ensemble' et la pair-aidance, et d'une approche individuelle basée sur l'autodétermination de chacun, véritable acteur de son Projet personnalisé de rétablissement », détaille Pascale Groisard, directrice générale Clubhouse France, qui compte actuellement neuf sites à travers le territoire. « Avec la santé mentale reconnue comme Grande cause nationale en 2025, nous espérons de nouvelles opportunités pour consolider et développer nos actions. » Affaire à suivre...
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