Handicap psychique : un accueil "esprit village" à Paris

A Paris, 280 personnes avec un handicap psychique vivent dans un quartier huppé et disposent de prestations haut de gamme. Le credo de l'OHT, c'est l'inclusion en milieu ordinaire et la qualité. Découverte d'un projet pilote qui brise les clichés !

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Un jardin, des bâtiments modernes, des studettes confortables, des espaces de vie pour partager un repas… Cet élégant havre de paix au cœur du 16ème arrondissement de Paris a l'allure d'un hôtel de charme. Le site à l'esprit village a pourtant une toute autre vocation : accueillir des personnes avec un handicap psychique. Esthétique soignée et confort au cœur de ce quartier huppé, c'est le cheval de bataille de l'association OHT. Elle inaugurait officiellement le 16 mai 2019 la réouverture de son site historique après six ans de travaux. Détruire puis reconstruire pour offrir à ses résidents un cadre et des prestations haut de gamme ! « Et ça ne coute même pas plus cher », assure la direction.

140 ans d'accueil

Plus d'un siècle d'accueil ont vu évoluer les pratiques en matière de prise en charge du handicap psychique. Presque une leçon d'histoire ! Tout commence en 1880 alors qu'Auteuil n'est encore qu'un village à la campagne qui attire pourtant la prostitution. Pour venir en aide aux prostituées et leur offrir un emploi, un homme met à disposition un terrain pour y construire une blanchisserie. C'est ainsi que l'Œuvre de l'hospitalité du travail voit le jour. Après la guerre, l'association décide de se consacrer aux femmes avec un handicap mental ou psychique. La mixité n'est entrée dans les murs qu'en 2012. Aujourd'hui, sur un même site, quatre établissements médico-sociaux (esat, foyer de vie, foyer d'hébergement et foyer d'accueil médicalisé)  permettent d'accueillir tous les profils et de passer de l'un à l'autre sans rupture. Le plus jeune résident a 18 ans, le plus vieux 98.

Ouvert sur le quartier

L'Esat promeut l'ouverture vers le milieu ordinaire, à la fois en proposant des prestations, par exemple de blanchisserie, de coiffure, de broderie, aux habitants du quartier, mais également en encourageant les travailleurs qui le peuvent à trouver leur voie dans des entreprises extérieures. « Nous favorisons la mise à disposition, qui est un bon levier », explique Marie-Hélène Abeille, directrice de l'établissement. L'un des travailleurs a ainsi eu cette opportunité dans deux hôpitaux publics parisiens, et l'équipe se félicite « d'un très bon retour qui a permis de briser les stéréotypes sur le handicap psychique ». Une jolie boutique, esprit solidaire, a été inaugurée à quelques mètres, sur une avenue passante ; tenue par les travailleurs, elle propose, « à des prix raisonnables » des produits élaborés par différents Esat en France, « afin de valoriser le talent des personnes handicapées de A à Z » se réjouit Luc Dangeard, secrétaire général de l'association. Il poursuit : « Ils sont capables de produire des choses aussi belles que les entreprises du milieu ordinaire ». Son nom est sans équivoque : « Les biens faits ».

Un accompagnement permanent

« Le souci, c'est parfois la fatigue liée aux traitements », poursuit Marie-Hélène Abeille. Les travailleurs sont embauchés en CDI de 35h par semaine mais bénéficient de 4h de soutien qui leur permettent de rencontrer des psychiatres, des psychomotriciens mais aussi des professeurs de théâtre, de dessin ou d'informatique… « Avoir ces équipes sur le site est un privilège », poursuit Luc Dangeard. 150 professionnels pluridisciplinaires sont en charge de 280 travailleurs ou résidents. L'établissement accueille des personnes avec un handicap psychique sévère, observant une recrudescence de cas de schizophrénie. Certains sortent d'hôpitaux psychiatriques et ont besoin d'un étayage important et d'un accompagnement permanent. L'objectif est de les stimuler le plus possible via un large éventail d'activités, explique Marie-Hélène Abeille : une salle Snoezelen, des balnéo, de la musique, des ateliers cuisine, mémoire ou de vie citoyenne…Une large place est accordée au bien-être, à la relaxation et à l'estime de soi.

Cap vers l'autonomie

Pour favoriser leur autonomie, quatre cantines en self-service sont à disposition des résidents afin de les inciter à « faire des choix » et les responsabiliser avec l'aide d'une diététicienne car « le problème de surpoids » est récurrent. Les internes peuvent également prendre leur repas dans la cuisine de la « maisonnée » où se rassemblent ceux qui le souhaitent. « Cela leur permet d'avoir une vie sociale et de ne pas s'enfermer sur eux-mêmes. Ils sont même encouragés à faire des courses et à préparer leur repas sous la houlette du personnel », explique la direction.

Et lorsque des couples se créent, quelle place pour la vie affective ? « Ce sujet est abordé, notamment via des groupes de parole, mais nos studios ne permettent pas d'accueillir deux personnes. Nous les orientons alors vers une autre structure ». Le lieu est victime de son succès : « Les seules places qui se libèrent sont en cas de décès », explique Luc Dangeard. A ce titre, parce que les listes d'attente s'allongent, l'établissement ne peut accueillir que des Parisiens.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr.Toutes les informations reproduites sur cette page sont protégées par des droits de propriété intellectuelle détenus par Handicap.fr. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, sans accord. Cet article a été rédigé par Emmanuelle Dal'Secco, journaliste Handicap.fr"
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