97 millions. C'est le nombre de personnes susceptibles d'avoir recours à la communication alternative et améliorée (CAA) dans le monde. « CAA », kesako ? Selon l'International society for augmentative and alternative communication (Isaac francophone), cet acronyme regroupe « l'ensemble des outils et des stratégies visant à remplacer ou soutenir les modes habituels de communication comme le langage oral, le plus communément utilisé » (Lire : CAA : des solutions pour s'exprimer en cas de handicap ?). Troubles du spectre de l'autisme, polyhandicaps, troubles du développement intellectuel, paralysie cérébrale, lésions cérébrales, aphasies ou dysphasies, maladies neurologiques (…), de nombreux handicaps entraînent des troubles de la parole ou du langage, emmurent dans le silence, créant ainsi des sur-handicaps.
Boom des technolgies numériques
A l'heure du boom des aides techniques et notamment numériques, tous les espoirs se tournent vers les nombreuses possibilités qu'offre la CAA. Celle-ci peut être multimodale, via la high-tech (eye-tracker, synthèse vocale…), la low-tech (pictogrammes, livres, symboles, classeurs de communication…) ou par des canaux extra-verbaux (regards, gestuelle, postures, utilisation d'objets courants…). Or, malgré l'annonce du Comité interministériel au handicap (CIH) du 5 juillet 2021, qui promettait une « généralisation de la démarche de communication alternative et améliorée afin que chaque personne en situation de handicap, quels que soient son handicap, son âge ou son lieu de vie, puisse bénéficier d'un moyen de communication », la France reste à la traîne.
Communiquer : un besoin fondamental
A tel point qu'un collectif d'associations s'est réuni le 24 janvier 2023 à l'initiative du Groupement national de coopération handicaps rares (GNCHR) pour réclamer une « stratégie nationale d'appui et de développement de la communication alternative et améliorée », invoquant le principe de « citoyenneté » et « d'autodétermination ». « Pouvoir communiquer est un besoin aussi fondamental que d'avoir accès à une aide à la mobilité, c'est un outil du quotidien structurant dans la vie de tous les jours », revendique le collectif. Le plaidoyer signé par une vingtaine d'associations du champ du handicap vise « le déploiement de l'accès à la CAA sur tout le territoire d'ici 2025 ». Il s'appuie sur deux constats : « D'une part, le maillage incomplet du territoire sur l'offre d'aides techniques et, d'autre part, l'absence de sources de financement pérennes, notamment en termes de moyens humains ». Le collectif a ainsi identifié trois axes de travail « prioritaires ». D'abord la mise en œuvre des promesses du CIH de 2021, puis le « besoin de formation pour les professionnels et les familles » et enfin la « normalisation de l'usage de la CAA dans la vie quotidienne et les démarches officielles ».
Mieux structurer l'offre des aides techniques
Pour ce faire, les signataires évoquent la création de pôles ressources pour faciliter « l'identification des besoins des personnes concernées, la structuration de l'offre d'aides techniques et leur financement, l'évolution des pratiques professionnelles et l'avancement de la recherche ». Ils recommandent notamment une évaluation des besoins en communication dans les crèches, les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) et de protection maternelle infantile (PMI) afin de diminuer la perte de chance en matière de communication dès le plus jeune âge. Une sensibilisation pluridisciplinaire doit aussi être engagée selon eux, à la fois du côté des professionnels des Agences régionales de santé (ARS), des Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), du secteur sanitaire, paramédical, du corps enseignant, du droit, des services publics…
Des acteurs sur chaque territoire
Le collectif plaide également pour une amélioration de l'accès aux aides techniques existantes. Il rappelle notamment la présence d'un certain nombre d'acteurs spécialisés sur tout le territoire, qui peuvent aiguiller les bénéficiaires. Il s'agit par exemple des Centres d'information et de conseil sur les aides techniques (CICAT), des Equipes locales d'accompagnement sur les aides techniques (EQLAAT) et des six centres ressources nationaux sur la CAA. Enfin, les associations suggèrent que le financement de ces outils soit pris en charge, soit par les ARS dans le cadre d'un établissement médico-social, soit par les MDPH en usage privé. « Il est temps de mettre la communication alternative et améliorée en haut de l'agenda politique », conclut le collectif.
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