Depuis un siècle, plus de films sur le handicap mais toujours trop peu d'acteurs handicapés, c'est ce qu'observe une étude américaine publiée le 28 juillet 2021. Menée par Nielsen et RespectAbility, une ONG américaine, elle est rendue publique à l'occasion du 31e anniversaire de l'Americans with disabilities act, un texte fondateur pour les droits des personnes handicapées. Même si, aux Etats-Unis, ces dernières représentent un quart de la population (bien plus qu'en France), le handicap reste largement invisible ou dépeint de manière inexacte, sur les écrans, qu'ils soient petits ou grands. Un écart entre fiction et réalité que cette étude juge « flagrant ».
Film handicap : +175 % en 10 ans
Sur les 90 000 films et émissions de télévision tournés depuis un siècle (de 1920 à 2020), 3 000 ont pour thème le handicap. La bonne nouvelle, c'est qu'au fil du temps, les scénaristes semblent intégrer davantage d'expériences diversifiées en matière de handicap dans leurs intrigues. Ainsi, le volume de contenus sur ce thème a augmenté de plus de 175 % en dix ans (il est passé de 41 films entre 2000 et 2010 à 150 entre 2010 et 2020), surtout au cinéma puisque près de 70 % des productions portant sur le handicap sont des longs métrages. Le hic, c'est que les Américains passent encore beaucoup de temps devant leur télé ! Or les séries sur ce thème ne représentent que 16 %. D'où le sentiment d'une représentation réduite à peau de chagrin… Enfin, l'éventail des thèmes liés aux handicaps s'est également considérablement élargi ces dernières années. On y aborde de plus en plus les expériences personnelles du protagoniste plutôt que, jusqu'alors, les relations familiales.
Les acteurs handicapés au placard
Si Hollywood a manifestement fait des progrès en matière de représentation, elle reste néanmoins à la traîne en ce qui concerne le casting d'acteurs en situation de handicap. En 2021, Music, le film de la chanteuse Sia a suscité une vague d'émois Outre-Atlantique car son rôle phare, celui d'une jeune femme autiste, est joué par Maddie Ziegler, une actrice non-autiste (article en lien ci-dessous). La même année, Sound of Metal, qui raconte l'histoire d'un batteur perdant l'ouïe (article en lien ci-dessous), est à son tour critiqué pour avoir choisi Paul Raci, un comédien entendant. L'adaptation par CBS du roman de Stephen King Le fléau fait face aux mêmes critiques, boycotté par la communauté sourde. Cette indignation n'a pas épargné la France lors de la diffusion de La famille Bélier. Le choix d'un acteur en situation de handicap est pourtant possible, en témoigne Sans un bruit, où la jeune actrice Millicent Simmonds est bel et bien sourde (article en lien ci-dessous). Une exception ?
Des personnages « qui font pitié ou à guérir »
Début 2020, 80 acteurs et professionnels du divertissement américain décident donc de se mobiliser contre cette discrimination via la campagne #DontDismissDis (article en lien ci-dessous). « On estime que 95 % des rôles disponibles sont interprétés par des acteurs valides », précise Lauren Appelbaum, vice-présidente de RespectAbility et auteure de The Hollywood disability inclusion toolkit (traduction : La boîte à outils d'inclusion du handicap à Hollywood). « Lorsque le handicap fait partie de l'histoire d'un personnage, trop souvent, il apparait comme quelqu'un qui fait pitié ou à guérir, au lieu de le dépeindre comme un membre à part entière de notre société », ajoute-t-elle. Elle encourage donc à promouvoir le recrutement de professionnels concernés, devant et derrière la caméra, afin de donner vie à des personnages plus réalistes et moins stéréotypés. L'industrie des médias et du divertissement a mené la charge en plaidant pour la diversité sous toutes ses formes. Maintenant, « Action » !
Cette enquête était la première d'une série de trois. Les suivantes, publiées en août 2021, analyseront les représentations du handicap dans la publicité et les médias.