Dernière minute du 26 avril 2021
Chaque année, la veille de la cérémonie des Oscars se déroule, Outre-Atlantique, une drôle de cérémonie, qui récompense les pires performances cinématographiques. Le 24 avril 2021, le premier film de Sia, Music, faisait carton plein (ou pas) lors de la 41e édition des « Razzie awards ». Pire réalisation, pire actrice (Kate Hudson), pire second rôle féminin (Maddie Ziegler)... Une sacré « razzia ».
Article initial du 15 février 2021
La chanteuse australienne Sia, interprète iconique de Chandelier, est en proie depuis des mois à une violente polémique. Music, son premier film en tant que réalisatrice, fait face à une levée de boucliers, principalement de la part de la communauté de personnes autistes outre-Atlantique. Music, c'est aussi le surnom de sa protagoniste, une jeune fille autiste qui vit et sourit grâce à la musique. Or on reproche à Sia le choix de l'actrice Maddie Ziegler, qui n'est pas autiste.
Déchaînement de réactions
La réalisatrice a expliqué qu'elle avait essayé de travailler avec une jeune fille non verbale mais que celle-ci avait trouvé l'expérience déplaisante et stressante. D'autres voix dénoncent, dans cette comédie musicale, de nombreux stéréotypes sur l'autisme, jugés pour certains « dangereux », notamment une scène qui dépeint une technique de contention. La réalisatrice s'est néanmoins défendue en précisant que ce n'était pas un « documentaire mais une fiction ». Sur Twitter, les internautes se sont pourtant déchaînés via #NothingAboutUsWithoutUs et #ActuallyAutistic tandis qu'une pétition, ayant recueilli plus de 18 000 signatures, a réclamé l'annulation du film nommé à deux reprises pour les Golden globes. Celle qui en est à l'origine, Hannah Marshall, reproche à Sia de « n'avoir montré aucun remords pour sa représentation inexacte et blessante de la communauté ».
Le fruit d'une rencontre
Sia a écrit cette histoire il y a quinze ans en s'inspirant d'une rencontre avec une jeune femme handicapée qui l'avait beaucoup marquée. Elle rêvait d'en faire un film plein d'espoir sur l'acceptation de la différence. La pop star a alors mené des recherches durant trois ans avec le soutien d'établissements spécialisés et de deux consultants autistes. Face à ce tsunami de critiques sur un projet qui lui tenait tant à cœur, Sia s'est d'abord emportée. « Bordel de merde, pourquoi ne regardez-vous pas mon film avant de le juger ? », a-t-elle notamment tweeté. Avant de s'excuser quelques jours plus tard, annonçant qu'un message figurerait au début du film et promettant que la scène de contention serait supprimée au montage. Ses mea culpa répétés n'ayant pas permis de calmer les esprits, elle a dû se résoudre à supprimer son compte.
Au nom de la liberté d'expression
A la veille de sa sortie aux Etats-Unis, le 12 février 2021, en streaming sur la plateforme Apple (prévue en France le 29 mars), Vaincre l'autisme s'est exprimée dans un communiqué pour apporter son soutien à Sia. L'association « condamne formellement tous types de censures réalisées à l'encontre d'œuvres culturelles » et dit soutenir ce film qui « doit librement être vu ». « L'ensemble de ces critiques remet en cause le libre arbitre de la réalisatrice, qui devrait pourtant disposer pleinement de la liberté de choix de ses acteurs ou comédiens, et du contenu des scènes de son propre film », a-t-elle ajouté. Elle salue son initiative, son idée n'étant pas de « faire une généralité des personnes autistes mais d'en illustrer l'une de ses formes majoritaires, celles dites non verbales ». Interrogées, l'Unapei et Autisme France n'ont pas souhaité réagir au motif qu'elles n'ont pas vu ce film. « L'autisme reste un sujet sous-représenté à l'écran, sous-estimé par nos pouvoirs publics et encore trop méconnu par nos citoyens », précise Vaincre l'autisme. Ne serait-il pas plus constructif de soutenir ceux qui participent à la mise en lumière de trouble qui touche, aujourd'hui dans le monde, 1 enfant sur 50 ?
D'autres films sur la sellette
Ce débat ne concerne pas seulement le milieu de l'autisme et émerge de manière récurrente lors de la sortie de films traitant du handicap. En 2020, cinquante stars d'Hollywood signaient une lettre ouverte réclamant plus de rôles pour les acteurs en situation de handicap (article en lien ci-dessous). Parmi les 61 personnages handicapés nommés aux Oscar seuls deux étaient joués par une personne réellement concernée. En France, on a aussi reproché à La famille bélier de ne pas avoir casté des comédiens sourds et à Intouchables d'avoir choisi François Cluzet plutôt qu'un acteur tétraplégique… Pour tenter de changer de scénario, en 2019, un réalisateur crée le premier Syndicat des professionnels du cinéma en situation de handicap (article en lien ci-dessous). Leitmotiv : personne ne doit être empêché d'accéder au 7ème art et à l'audiovisuel. En attendant, let the « Music » play ?