IA : 2 logiciels innovants prédisent l'impact de la SEP

Personnaliser la prise en charge des personnes vivant avec une sclérose en plaques grâce à l'intelligence artificielle, c'est l'enjeu du projet Primus. Il s'appuie sur 2 outils révélant avec précision l'impact de chaque traitement. Dès 2025 ?

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Améliorer la prise en charge de la sclérose en plaques grâce à l'intelligence artificielle ? « Une réalité en France dès 2025 ! », affirme le Professeur Gilles Edan, responsable scientifique et technique du programme RHU* Primus promu par le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Rennes. Comment ? Grâce à un service unique d'aide à la décision médicale, élaboré dans le cadre du projet Primus (projection in multiple sclerosis ou projection dans la SEP),  prochainement évalué par le réseau de recherche clinique FCRIN4MS. Son credo ? « Choisir le bon traitement, pour le bon patient, au bon moment. » Celui qui se définit comme « l'un des plus anciens neurologues experts de la SEP », avec 50 ans d'exercice à son actif, a participé à la création de ce programme innovant. Il expose ses enjeux et ses forces, en amont de la Journée mondiale dédiée à cette maladie auto-immune du système nerveux central du 30 mai 2024.

Handicap.fr : Comment se diagnostique la sclérose en plaques aujourd'hui ?
Pr Gilles Edan : Son diagnostic s'est affiné en 2024. Jusqu'alors, elle concernait exclusivement les patients ayant présenté au moins un épisode évocateur (trouble sensitif, baisse de l'acuité visuelle...). Sur l'impulsion du docteur Christine Lebrun du CHU de Nice, on va désormais vers la possibilité de poser un diagnostic avant la première poussée, sur la base d'examens complémentaires qui associent l'IRM et la ponction lombaire.

H.fr : Un exemple concret ?
GE : Après un choc au cerveau lors d'un match de football ou de rugby, un adolescent semble groggy, on lui fait passer une IRM. On peut alors découvrir une signature qui évoque une SEP, qui va conduire à débuter un traitement. Ces nouveaux critères pourraient donc permettre de faire un diagnostic de SEP à la suite d'examens réalisés dans un contexte qui n'est pas celui de l'expression clinique de la maladie.

H.fr : Quel est l'enjeu ?
GE : C'est avant tout de prévenir la maladie afin de mieux en contrôler l'impact. Les progrès réalisés dans le traitement de la SEP concernent essentiellement les patients qui ont bénéficié d'un diagnostic et d'une prise en charge précoces. Nous sommes beaucoup moins armés face aux maladies lorsqu'elles sont bien installées et entraînent des handicaps.

H.fr : En quoi l'intelligence artificielle est-elle un atout pour améliorer le diagnostic ?
GE : En cas de SEP, des lésions focales s'accumulent au niveau du tissus cérébral et médullaire. L'IRM est un mouchard exceptionnel pour repérer de nouvelles lésions ; c'est ce qui a permis de révolutionner la confiance accordée aux traitements.

Pour analyser leur évolution avec précision, notre ambition est de mettre à disposition des radiologues et des neurologues des outils ayant appris à reconnaître les changements qui surviennent via des techniques d'intelligence artificielle. Ainsi, le premier outil technologique mis au point dans le cadre du projet Primus lit et interprète l'IRM des patients puis détecte de manière beaucoup plus opérationnelle chaque changement. Objectif ? Offrir à tous les patients une lecture savante, précise et certaine de leurs examens pour, in fine, leur prescrire le traitement adapté.

H.fr : Concrètement, cet outil de lecture automatique permettra d'identifier de nouvelles taches éventuelles au niveau du cerveau ?
GE : Exactement, mais aussi de la moelle épinière, qui sont particulièrement difficiles à distinguer des artefacts (ndlr : perturbation de l'image due au flux pulsatile du sang ou du liquide cérébrospinal qui peut être interprété à tort par le médecin comme une lésion).  

H.fr : Comment cet outil a-t-il été mis au point ?
GE : Pour s'assurer d'identifier de réelles lésions, il a dû s'entraîner. Pour cela, nous avons nourri le logiciel de « vérités terrains » (des IRM authentifiées par des neuroradiologues) afin qu'il puisse intégrer la différence avec un artefact.

H.fr : Mais les erreurs sont-elles possibles ?  
GE : Cette lecture automatique doit être validée par un radiologue mais c'est une aide précieuse pour conforter l'interprétation de cet examen et un gain de temps dans la lecture pour le radiologue et le neurologue.

H.fr : Quelle est l'autre fonction du projet Primus ?
GE : Mettre à la disposition de tous les neurologues un logiciel permettant d'observer l'impact de différents traitements sur un large panel de patients issus d'une base de données spécifique. Concrètement, il permet de confronter les données de chaque patient à d'autres patients de même sexe, même tranche d'âge, même âge à l'apparition de la maladie et mêmes caractéristiques cliniques et IRM, mais ayant reçu des traitements différents. L'enjeu est d'observer les divergences au niveau du nombre de poussées, de lésions et de la progression du handicap selon les différents traitements. Les données d'environ 10 000 patients, suivis sur plusieurs années, ont été enregistrées. Pour résumé, l'enjeu est que toutes les connaissances accumulées au fil du temps soient accessibles en quelques clics. C'est une vraie révolution !

H.fr : Quand ces deux outils technologiques seront-ils mis en place ?
GE : Avec l'aide de FCRIN4MS, ils seront testés, ensemble, dans 28 services de neurologie français en 2025 ; la moitié sont des centres experts (CHU) et le reste des services de neurologie des hôpitaux généraux. Près de 500 patients vont participer à cette étude coordonnée par le CHU de Nantes.

H.fr : A quand une généralisation ?
GE : Cela prend du temps. Dans cinq ans, nous devrions être en mesure de pouvoir mettre ces deux outils à disposition des neurologues traitants.

H.fr : En vous basant sur vos travaux, l'IA permettra-t-elle, selon vous, de révolutionner le secteur médical et la manière d'accompagner les patients ?
GE : Oui, à condition qu'elle soit utilisée de manière intelligente et réfléchie et que les données utilisées soient authentifiées de « haute qualité ». C'est le cas de celles que nous utilisons dans le programme Primus. Les données proviennent des essais thérapeutiques effectués pour obtenir une autorisation de mise sur le marché des médicaments et de l'Observatoire français de la sclérose en plaques (OFSEP). L'IA ne va pas prendre la décision, elle va apporter des connaissances qui enrichissent la capacité du médecin à prendre la bonne décision. Un médecin va peut-être avoir en mémoire, lors de sa consultation, cinq ou dix patients avec les mêmes caractéristiques alors qu'avec notre outil, l'IA peut en emmagasiner des milliers.

Envie d'en savoir plus ? 

Pour en savoir plus sur le réseau d'excellence F-CRIN et deux autres recherches prometteuses sur la SEP (traitement précoce et remyélinisation), poursuivez votre lecture dans notre second article : Sclérose en plaques : 3 études innovantes made in France!.

* Recherche hospitalo-universitaire

© Stocklib Sergey Nivens

Un médecin regarde un écran qui regroupe des dizaines de données numériques.
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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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