SEP : bientôt un traitement adapté pour chaque patient?

"Offrir à tous les patients atteints de sclérose en plaques le bon traitement au bon moment", c'est l'ambition du projet Primus. Focus sur cet outil d'aide à la décision médicale prometteur et sur les avancées thérapeutiques des 2 dernières décennies

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120 000 Français vivent avec une sclérose en plaques. Cette maladie auto-immune constitue la première cause de handicap neurologique d'origine non traumatique chez les jeunes adultes. En 20 ans, « des progrès considérables ont été réalisés », se réjouit le réseau de recherche clinique FCRIN4MS : diagnostic précoce et mise en place rapide d'un traitement adapté, meilleur suivi des patients sur leur tolérance et efficacité, prise en charge multidisciplinaire, augmentation du nombre de molécules accessibles... Pour quel impact ? Une diminution du risque de handicap (passage d'une forme rémittente à progressive) de 50 % il y a 20 ans à 15 % aujourd'hui. Trois experts du réseau font le point sur ces avancées thérapeutiques, et notamment sur le projet Primus, un nouvel outil qui vise à choisir le meilleur traitement pour chaque patient, à l'occasion de la Journée mondiale de la SEP, le 30 mai 2023.

SEP : pas de cause unique

Mais, avant cela, petite piqûre de rappel. Cette maladie neurologique, se déclarant le plus souvent entre 20 et 40 ans, touche trois fois plus les femmes que les hommes. Elle est causée par un processus inflammatoire provoquant une destruction de la myéline (gaine protectrice des fibres nerveuses du cerveau et de la moelle épinière) et la dégénération de cellules nerveuses. Elle entraîne des séquelles qui peuvent être définitives, invalidantes, touchant la motricité, la sensibilité, la vision, le contrôle des sphincters ou encore les fonctions intellectuelles. Son origine ? Mystère... « Il n'existe pas une cause unique mais plutôt un ensemble de facteurs de risques liés à l'environnement (infection initiale par le virus EBV, origine géographique, déficit en vitamine D, tabac, exposition à des pesticides, obésité chez l'enfant) et des facteurs de susceptibilité génétique (plus de 200 variants de gènes sont identifiés à ce jour) », explique FCRIN4MS, dont l'objectif est de « faciliter et dynamiser », en France, la recherche clinique sur la SEP et les maladies inflammatoires rares du système nerveux central.

Le réseau FCRIN4MS, quèsaco ?

Il réunit un ensemble de professionnels et d'experts scientifiques multidisciplinaires au sein de 34 centres dont les 23 CRC-SEP (centres de ressources et de compétences sur la sclérose en plaques) qui « travaillent activement » à la recherche de traitements. Depuis 2018, il a totalisé 68 projets de recherche industrielle (laboratoires pharmaceutiques) ou académique (hospitalo-universitaires) et inclus près de 2 500 patients dans des essais. Quatre questions à trois neurologues, co-coordinateur du réseau FCRIN4M...

Question : Quels sont les traitements existants ?
Pr Pierre Labauge, coordinateur des 23 CRC-SEP : Il existe trois grands types de traitements pour la SEP :
• les traitements d'urgence de la poussée (corticothérapie à fortes doses et de durée brève) ;
• les traitements de fonds, une quinzaine de molécules actives, adaptées au statut évolutif des patients, ciblant le ou les mécanismes impliqués dans la maladie (en particulier le système immunitaire), pour réduire l'inflammation, ralentir son évolution, améliorer le pronostic et limiter le handicap ;
• les traitements symptomatiques, à adapter suivant les symptômes présentés par chaque patient (fatigue, douleurs, troubles vésico-sphinctériens, spasticité...).

Q : Quelles sont les dernières avancées de la recherche clinique ?
Pr Céline Louapre, responsable du centre d'investigation clinique de l'Institut du cerveau de Paris (ICM) : Les progrès thérapeutiques apportés par la recherche ces dernières années ont permis une meilleure connaissance de l'évolution de la maladie dans le temps, de ses différences entre adultes et enfants, ainsi qu'une réelle amélioration de la qualité de vie en cas de formes rémittentes (avec successions de poussées et de rémissions). Les molécules actuelles permettent de contrôler l'apparition de nouvelles lésions et le risque de poussées. Les patients, souvent jeunes, peuvent désormais envisager des projets (vie commune, enfants, travail, loisirs, voyages...), et les femmes une grossesse, en adaptant si besoin les traitements en amont. L'efficacité et la sécurité des médicaments étant en permanence évaluées et le suivi renforcé grâce à l'imagerie, les effets des nouveaux traitements sont mieux anticipés. Actuellement, des études industrielles visent à développer de nouvelles molécules ciblant les cellules inflammatoires du système nerveux central (Burton tyrosine kinase inhibitrice ou Btki) ; leurs résultats sont très attendus mais ne seront pas disponibles avant 2024 ou 2025. Des travaux sur la remyélinisation (mécanismes de réparation et de neuroprotection) ou encore sur l'optimisation du parcours de soin (évaluation de nouveaux traitements ciblés, réévaluation de stratégies thérapeutiques actuelles ou repositionnement de traitements existants) font l'objet de plusieurs projets de recherche académique (ou fondamentale, ndlr).

Q : En quoi consiste le projet Primus ?
Pr Gilles Edan, coordinateur du projet Primus (Projection in multiple sclerosis ou Projection dans la SEP, en français) : Porté par le CHU de Rennes, il vise à mettre au point un outil d'aide à la décision médicale avec des algorithmes issus de l'intelligence artificielle. Destiné aux neurologues, ce dernier permettra de choisir, parmi la quinzaine de molécules actives pour traiter la SEP, la plus adaptée à chaque patient. La base de données de ces algorithmes rassemble près de 9 600 patients issus d'une cohorte « haute définition ». Cet outil permettra aux neurologues de visualiser les évolutions possibles de la maladie sous différents traitements. L'outil intègre et analyse des données cliniques (âge, durée de la maladie, sexe, handicap résiduel, nombre de poussées, traitements antérieurs...), des données d'imagerie (IRM du cerveau, de la moelle), et permet une lecture automatique des IRM et la visualisation des modifications de traitements.

Il intégrera demain des données immunologiques et génétiques pour définir des sous-populations de référence pour chaque patient. D'autre part, les neurologues pourront partager les informations avec le patient, ce qui va transformer considérablement la relation avec le médecin. En résumé, il entend permettre d'harmoniser et de personnaliser les prises en charge, de réaliser des économies (orientation vers les médicaments efficaces et les examens utiles) et d'offrir à tous les patients le meilleur traitement au bon moment. Evolutif, il sera en permanence mis à jour avec de nouvelles données pour alimenter les algorithmes.

Q : Quel message souhaitez-vous faire transmettre aux patients ?
Pr Pierre Labauge : Ces progrès scientifiques et thérapeutiques n'ont été possibles que grâce à la participation des patients dans les essais cliniques. Dans les années à venir, nous pouvons espérer une baisse du coût des traitements permettant un accès de façon plus large (quel que soit le pays d'appartenance du patient), mais aussi la découverte de nouvelles molécules pour lutter contre les formes progressives et la possibilité de traitements favorisant la remyélinisation. Il reste encore d'importants besoins dans la recherche, notamment sur les formes progressives de SEP, pour prévenir le handicap à long terme. Ces recherches nécessitent votre participation aux études car c'est vous qui faites avancer la recherche pour les générations futures !

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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