« Une femme de 45 ans qui souhaite emprunter 200 000 euros sur 20 ans pour un projet immobilier, devra régler une prime d'assurance de 14 500 euros, en moyenne. En cas de cancer du sein infiltrant, la facture s'élève à 58 000 euros, soit une surprime de 300 %. » Pour un emprunt de 300 000 euros, une personne séropositive devra, quant à elle, se délester de 90 000 euros de prime d'assurance de prêt. Une situation « inacceptable » pour Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France (IDF), qui a signé, le 9 juillet 2020, une convention de partenariat avec plusieurs banques, annoncée fin 2019, pour faciliter l'accès au logement des personnes présentant un risque aggravé de santé. Ce texte définit les modalités de mise en œuvre de la garantie immobilière solidaire, qui vise à lever les freins à l'accession à la propriété et à lutter contre les discriminations.
Droit à l'oubli
« Quatre millions de personnes ont vécu ou vivent avec un cancer. Mais même après s'en être débarrassé, elles sont rattrapées par ces surprimes d'assurance qui impactent leur projet de vie et peuvent les faire revenir assez violemment à leur condition de 'malade' », déplore Sandrine Mouchet, rédactrice en chef de Rose magazine, réclamant « le droit à l'oubli ». En conséquence, « bien souvent, les personnes malades dissimulent leur état de santé ou leur handicap pour obtenir un prêt », révèle Thomas Sannié, ancien président de l'association française des hémophiles. Une option qui présente un risque majeur.
Annuler les surprimes d'assurance
« L'idée que l'emprunt n'est pas accessible à tous, que les plus fragiles auront des surprimes démentes qui les empêcheront de devenir propriétaires, c'est une injustice à laquelle nous ne sommes pas résignés. » La garantie immobilière solidaire se veut complémentaire du dispositif « Aeras » (pour s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). Selon Valérie Pécresse, « ce dispositif, tel qu'il a été conçu par l'Etat ne fonctionne pas bien ». Principaux reproches : il est « trop peu connu du grand public » et « se contente d'écrêter les surprimes d'assurance » attachées au prêt immobilier. Résultat : « ladite femme ayant un cancer du sein infiltrant devra encore payer 17 500 euros... de trop ». Objectif de cette mesure complémentaire : « annuler complètement ces surprimes ». Cette part non prise en charge par « Aeras » sera absorbée par un fonds régional de garantie de 3,7 millions d'euros.
Quels critères ?
Plusieurs critères pour en bénéficier : être francilien, primo-accédant, avoir moins de 71 ans et contracter un prêt inférieur à 320 000 euros, « montant moyen emprunté en Ile-de-France à cet effet », explique Mme Pécresse. Pathologies prises en compte, outre le cancer du sein infiltrant : VIH/sida, hépatite virale chronique, astrocytome pilocytique (tumeurs du système nerveux central), leucémie, mucoviscidose ou encore adénocarcinome (tumeur maligne) de la prostate. Pour l'obtenir rendez-vous chez votre banquier, « s'il est partenaire de la région IDF, précise Valérie Pécresse. Après s'être assuré que vous étiez éligible à l'Aeras auprès des assureurs, il vous présentera la garantie solidaire. »
Un dispositif pérenne ?
Selon elle, 1 000 personnes bénéficient de la convention Aeras, « nous espérons ainsi en toucher plusieurs milliers ». Ce nouveau dispositif sera déployé du 25 août 2020 au 31 décembre 2021. « C'est une première pierre à l'édifice, assure Valérie Pécresse. Il a vocation à être pérenne. Pour se faire, il sera évalué fin 2020 puis potentiellement amélioré. » Et d'évoquer l'allongement de la liste des pathologies éligibles. « Il en manque ! Je pense notamment au diabète qui ne diminue pas l'espérance de vie et cause, pourtant, des surprimes », poursuit-elle. Pierre Tastet, directeur général adjoint de la Banque populaire rives de Paris, se félicite de prendre part à cette nouvelle action qui contribue à « améliorer l'inclusion bancaire ». Depuis 2016, cette banque propose d'accueillir ses clients sourds et malentendants dans une agence dédiée, baptisée « Rives en signes » et située au 41 avenue des Gobelins à Paris. Tous les collaborateurs de l'agence sont formés à la Langue des signes française (LSF) et disposent d'outils pour faciliter la relation client, tandis que la directrice est elle-même malentendante. Deux dispositifs régionaux innovants à essaimer ?