Dix jours après le retour de tous les élèves à l'école, qu'en est-il de ceux accueillis en externats médico-sociaux ? Le retour à la normale se fait très progressivement et pas de manière uniforme sur tout le territoire. Certaines familles s'impatientent…
22 juin 2020, tous les élèves sont invités à retourner à l'école. Deux jours plus tard, tombent les consignes pour ceux accueillis dans les établissements médico-sociaux, notamment en externats. L'Etat ayant décidé d'assouplir le protocole sanitaire, il leur est « demandé » d'accueillir « l'ensemble des enfants pour lesquels les familles souhaitent un retour à temps plein (…) », précise le document émanant du secrétariat d'Etat au Handicap. « Demandé » ? Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat, a été catégorique ; légalement, aucun établissement ne peut refuser un accueil, quel qu'en soit le motif.
Une certaine disparité
Pourtant, si la plupart ont respecté ces consignes, certaines familles se plaignent que leur enfant n'a pas pu réintégrer leur externat (IME, IEM), prolongeant, de fait, leur désarroi... C'est le cas pour Sonia dont le fils de 10 ans, polyhandicapé, n'a été accueilli que deux jours et demi par semaine dans son IEM (institut d'éducation motrice) alors qu'il y est d'ordinaire à temps complet ; il a fallu plus d'une semaine pour que les choses rentrent dans l'ordre. Cette maman se dit soulagée, « à condition que ce ne soit pas une garderie », regrettant que le calendrier des séances de kiné ait été « allégé » pour laisser le temps de désinfecter les équipements. Pour Anne Gautier, maman de Valentin, 13 ans, les horaires ont été restreints matin et soir pour assurer également le nettoyage des locaux. « Mais je dis quoi à mon employeur lorsque je dois arriver à 10h et quitter le boulot à 15h, s'impatiente-t-elle. Cette nouvelle organisation chamboule tout notre quotidien et jusqu'à quand ? ».
Des témoignages de familles mécontentes
Si les PEP, selon leur vice-président Dominique Quinchon, ont pu maintenir l'accueil des enfants en situation de handicap dans leurs établissements, ils n'ont pas eu connaissance de refus au sein du réseau. Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, assure de son côté qu'elle reçoit tous les jours des SOS de familles mécontentes. Cette disparité, Anne Gautier, coordinatrice du collectif Handi-actif, l'a également constatée auprès de ses membres : « J'ai l'impression que certaines ARS (agence régionale de santé) ne suivent pas les directives du secrétariat d'Etat au Handicap. Mais on a aussi deux sons de cloches au sein de centres qui dépendent d'une même ARS. Ça semble être au bon vouloir de chacun… ». « Certains établissements ont rouvert mais seulement à dose homéopathique, poursuit la présidente d'Autisme France. L'accueil se fait par exemple un jour sur deux ou seulement le matin. Certains enfants ont même été refusés au motif qu'ils ne pouvaient pas supporter le port du masque, comme dans de nombreuses écoles d'ailleurs. Même si les choses se sont bien passées pour de nombreuses familles, d'autres se sont réellement senties maltraitées, déjà épuisées par deux mois de confinement ». Elle déplore que « l'immense majorité des enfants autistes sont dans IME généralistes dont les pros ne sont pas forcément formés à ce handicap et donc pas en mesure de leur permettre d'accéder à la compréhension des gestes barrière ».
Tout est rentré dans l'ordre ?
Une réunion est organisée chaque semaine entre les associations gestionnaires et Sophie Cluzel pour faire le point sur la situation. « Ils affirment que tout est rentré dans l'ordre, explique Danièle Langloys, qui y assiste. Mais ont-ils seulement demandé aux usagers ? » Elle se dit « démunie », faisant remonter ces situations à la délégation autisme auprès du ministère. « Sophie Cluzel conseille aux parents de solliciter l'ARS mais il fait comment le parent 'de base' pour la saisir et en combien de temps ? ».
Injonctions sanitaires d'une grande rigueur
Dans des circonstances inédites, combien de temps pour tout remettre en ordre de marche ? Un aspect du problème, selon Dominique Quinchon, c'est qu'il a « fallu jongler avec des injonctions sanitaires d'une grande rigueur, notamment en ce qui concerne la restauration, parce que certains de nos jeunes ont des santés plus fragiles ou du mal à respecter les gestes barrière ». Par ailleurs, davantage que pour les écoles ordinaires, parce que les établissements sont parfois loin du domicile, la question des contraintes sanitaires dans le transport a pu jouer. « Une paroi vitrée ou plastifiée doit séparer le chauffeur des passagers, témoigne un parent. Sinon le minibus de neuf places ne peut prendre qu'une personne ». En attendant, la direction de l'établissement demande aux parents d'accompagner eux-mêmes, exceptionnellement, leur enfant.
Des familles réticentes
Autres familles, autre cas de figure… Certaines redoutent en effet un retour en collectivité. « Malgré leur demande et besoin de répit, elles ont manifesté une crainte très forte de la contamination », observe la Fédération des PEP. Stéphane Gracia, directeur territorial des PEP 64, explique en effet qu'il n'y a « aucune obligation des parents à renvoyer leur enfant dans son centre ». Selon lui, ce choix est « à corréler à la hauteur des difficultés de l'enfant ». Il observe que plus il présente de difficultés, notamment en termes de troubles associés, « plus le retour a été prompt, demandé et est régulier ». A l'inverse, bon nombre de jeunes déficients légers ne sont toujours pas de retour et n'ont pas rencontré de difficulté durant la période. « Cela doit, a minima, nous interroger sur nos interventions, sur nos structures et modes de fonctionnement », ajoute-t-il.
Mobilisation autour des vacances
Et cet été ? A l'approche des vacances, Sophie Cluzel appelle à une mobilisation de tous les acteurs alors qu'un grand nombre de séjours adaptés ont été annulés. « Le problème c'est que de nombreux établissements vont fermer ; mais un enfant autiste il le reste 365 jours par an », déplore Danièle Langloys. « Les choses avancent et nous travaillons surtout dans le cadre des colos et vacances apprenantes et des offres adaptées pour proposer aux jeunes qui fréquentent nos établissements des activités éducatives », poursuit Dominique Quinchon. Cette fédération cherche également à mettre à dispo ses établissements médico-sociaux dans un environnement proche pour que les jeunes, qu'ils soient en situation de handicap ou pas, puissent avoir des moments de répit et de reconstruction et un peu d'espace. Les parents auront-ils alors la possibilité de transférer leur enfant dans un autre établissement maintenu ouvert ? « Oui, répond M. Quinchon. Mais il ne sera pas forcément à proximité et on peut être face à des contraintes logistiques importantes, notamment liées au transport ».
Recruter des intérimaires ?
« Il faut tenir compte de la disponibilité des équipes, qui ont posé leurs congés, et pour certaines mises fortement à contribution durant le confinement », ajoute Dominique Quinchon, reconnaissant qu'il peut y avoir « une vraie difficulté de gestion des personnels » qui doivent évidemment être, selon lui, « qualifiés ». Or des directives ont été données pour permettre aux établissements de recruter des intérimaires, qui ne sont pas forcément formés au handicap, s'inquiète Danièle Langloys. Elle salue l'intention « louable » du gouvernement mais émet des doutes sur sa mise en œuvre concrète et surtout rapide. Au sein des PEP 64, la continuité de l'accueil sur l'été (écoute, visite à domicile, externat voire internat de répit) a été construite sur l'ensemble du territoire entre tous les acteurs médico-sociaux (20 établissements et 8 associations). Une offre de séjours a également été imaginée avec le secteur PEVLC (Politique éducative vacances loisirs culture). Des raisons d'espérer ? « Nous travaillons avec les différents ministères pour qu'à la rentrée de septembre tout se passe dans les meilleures conditions », conclut Dominique Quinchon.