Nouvelle affaire impliquant un parent d'enfant handicapé. Déjà en février 2015, une mère de famille était jugée pour le meurtre de son fils handicapé mental à Rouen (article en lien ci-dessous). D'autres tragédies de ce type ont malheureusement défrayé la chronique. Le 14 septembre 2015, c'est le procès d'une mère accusée d'avoir étranglé sa fille de huit ans lourdement handicapée avant de tenter de se suicider qui s'ouvre devant la cour d'assises de Rennes. Les jurés devront déterminer s'il s'agit d'un meurtre ou d'« un acte d'amour ». Laurence Nait Kaoudjt, 44 ans au moment des faits, est jugée pour meurtre sur mineure de moins de quinze ans particulièrement vulnérable. Qualifiant son infanticide « d'acte d'amour », elle a tué sa fille, Méline, en août 2010, peu après l'installation de la famille sur la commune de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
Une immense solitude
Très affectée, elle ne s'est pas exprimée mais a éclaté en sanglots avant d'entrer dans le tribunal, puis une deuxième fois juste avant que ne débute l'audience tandis qu'elle patientait dans le box des accusés. « Elle est très éprouvée évidemment : pas facile pour elle de comparaître aux Assises, d'affronter son geste et en même temps, elle en meurt d'envie », a expliqué son avocat Me Éric Dupont-Moretti. « C'est une immense solitude, c'est une femme qui est submergée par l'émotion, par la difficulté, par le handicap de sa fille... C'est un crime et c'est un acte d'amour en même temps, c'est à la fois terrifiant et sublime ». « En cela, ce procès sort bien évidemment de l'ordinaire », a-t-il ajouté.
« Notre histoire se termine ainsi »
Inquiète pour l'avenir de sa fille lourdement handicapée, qui n'avait aucune autonomie, ne savait pas parler et dont elle s'occupait seule depuis la naissance, l'accusée a expliqué lors de l'enquête avoir décidé de mettre un terme à leurs existences. Le matin du 23 août 2010, les sapeurs-pompiers de Saint-Malo, alertés par la grand-mère de Méline qui vivait avec sa fille et sa petite-fille, découvrent le corps sans vie de la fillette. Laurence Nait Kaoudjt explique alors avoir administré des médicaments à sa fille, avant de l'étrangler dans son lit à l'aide d'une écharpe. Par la suite, elle a toujours affirmé avoir tenté de se suicider à diverses reprises dans la nuit du drame, sans y parvenir. Elle avait laissé plusieurs documents attestant de sa volonté de mettre fin à ses jours, dont un sur lequel il est écrit : « Je choisis librement de partir avec ma fille Méline pour faire le grand voyage, ce choix je l'avais fait depuis longtemps... notre histoire se termine ainsi ».
Conflit d'experts psychiatres
Les experts psychiatres mandatés pour examiner l'accusée ne retiennent pas tous le même diagnostic : certains la décrivent comme étant en pleine possession de ses moyens, d'autres comme une femme maniaco-dépressive et ayant des crises de délire. La cour devra déterminer si Laurence Nait Kaoudjt était atteinte d'un trouble psychiatrique grave ayant aboli son discernement ou si elle était lucide au moment du meurtre de sa fille. Placée sous contrôle judiciaire, elle comparaît libre. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité, même si, dans ce genre d'affaire, la justice se montre en général clémente, rappelant le droit de vivre de ces enfants différents mais prenant en compte le désespoir de certains parents.
8 millions d'aidants en France
Car ce procès relance surtout le débat sur l'épuisement physique et psychique des parents d'enfants handicapés, et plus globalement des aidants. Ils sont plus de 8 millions en France à s'occuper d'un proche malade, handicapé ou âgé, nombreux à se sentir dépassés, laissés seuls face à une tâche qu'ils assument pour certains à temps plein. Et les associations de personnes handicapées de rappeler qu'ils vivent souvent dans un immense isolement ; elles réclament donc une réforme ambitieuse visant à faciliter, notamment, le maintien dans l'emploi des mères d'enfants handicapés.