"Respectez les sourds!" ou "Liberté, égalité, choix de scolarité" proclamaient les banderoles des manifestants, réunis le 4 avril 2019 à l'appel à une grève des syndicats Smast-CGT, CFDT, CFTC, APA-INJ, FO, SNJSJA-Unsa et Sud), de l'Association des parents et amis des Instituts nationaux.
Redouter l'école inclusive
Ils craignent que la volonté affichée par le ministère d'avancer vers "l'école inclusive" se traduise par le démantèlement à terme des Instituts, qui accompagnent la scolarité d'un millier d'élèves sourds et aveugles, à la fois dans leurs classes et à l'extérieur, dans le milieu scolaire ordinaire. "Multiplier les parcours d'inclusion, oui, mais si les moyens basculent sur l'école inclusive on compromet l'accompagnement fait par les professionnels des Instituts", met en garde Julien Berthier, professeur d'histoire-géographie à l'Institut des jeunes aveugles. Il enseigne à la fois à l'INJA et dans des collèges et lycées en soutien à des enfants aveugles scolarisés en milieu ordinaire. "J'aide les jeunes à s'approprier des contenus complexes, par exemple une carte de géographie va se décomposer en cinq cartes en relief pour un aveugle, qu'il va falloir synthétiser".
Contre le tout inclusif
Les enseignants craignent que la politique du "tout inclusion" ne tarisse l'expertise des Instituts, et que les élèves soient abandonnés à eux-mêmes en milieu scolaire ordinaire, ou aidés par des personnels moins spécialisés (auxiliaires de vie scolaire ou AESH qui accompagnent les élèves handicapés). "J'interviens au lycée Rodin, où j'accompagne deux élèves sourdes", explique Catherine Lozac'hmeur. "Je prends des notes pour elles, je traduis en langue des signes ou en langage parlé complété, il faut de vraies compétences". Le gouvernement se réfère à un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de mai 2018 qui recommande "de développer les pratiques d'inclusion dans des réseaux d'écoles et d'établissements d'enseignement partenaires".
Transfert de tutelle
Le rapport prévoit de transférer la tutelle des Instituts aux Agences régionales de santé. "Nous n'aurons plus de recrutement national des élèves, et on devra fermer certaines filières", craint Hélène Sester, secrétaire générale Unsa Education et professeure de mathématiques en INJS. L'intersyndicale demande un moratoire sur la réforme en cours dans l'attente d'une concertation et la mise en place d'un calendrier de réunions de travail avec la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel (interview et article en lien ci-dessous).