Marie est caissière-libre-service. Des problèmes de dos lui permettent de tenir une caisse mais plus de faire de manutention. Aujourd'hui, les médecins du travail sont les seuls habilités à prendre des décisions relatives à l'aptitude des salariés et peuvent, le cas échéant, demander l'aménagement d'un poste pour inaptitude. Pour Marie, pas de licenciement, donc, mais une activité plus adaptée. Mais qu'en sera-t-il demain ? Un avenir que redoute la CFE-CGC face à la prochaine publication du rapport Issindou. Ce dernier, député socialiste de l'Isère, a planché durant six mois sur le thème « Aptitude et médecine du travail ». Dans le prolongement des premières dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la santé, mais également du train de 50 simplifications pour alléger les contraintes administratives des entreprises, il a été missionné fin 2014 par le Gouvernement pour, notamment, « clarifier la notion d'aptitude et d'inaptitude professionnelle » mais également « simplifier la « visite médicale ».
La visite d'embauche
Le député isérois doit, en premier lieu, réfléchir sur le caractère obligatoire et systématique des visites médicales à l'embauche. Son travail devra permettre de confirmer la véracité de deux constats : les services de santé au travail disposent de moyens humains limités et les compétences médicales sont aujourd'hui affectées à des tâches dont l'utilité sanitaire et sociale n'est pas toujours établie. Selon lui, « il conviendrait au contraire de cibler ces ressources vers les publics les plus exposés aux risques associés aux formes modernes de travail. » A l'ère de la simplification, une ambition plutôt louable ? « Pas vraiment, explique Martine Keryer, secrétaire nationale du secteur Santé au travail et handicap au sein de la CFE-CGC, car le caractère impératif des décisions du médecin du travail apparaît à une partie du patronat comme une entrave intolérable. » Si cette visite venait à disparaître, ce serait donc une affaire entre l'employeur et le salarié qui serait alors contraint à parler ouvertement de ses problèmes de santé. Une personne mal voyante, porteuse d'une sclérose en plaque, d'une polyarthrite rhumatoïde candidate à un poste administratif adaptable devrait-elle alors avoir l'obligation « d'avouer » à son employeur la nature de son handicap ?
En cas d'inaptitude
Autre point conflictuel… Lorsque l'inaptitude est avérée, elle mène vers deux voies : celle du reclassement dans le meilleur des cas ou vers le licenciement, hélas majoritaire. Mais cela pourrait-il encore empirer ? L'inaptitude, qui ouvre parfois droit à des aménagements de poste (Article L 4624-1 du code du travail) que l'employeur est tenu de prendre en considération, est prononcée pour le moment uniquement par le médecin du travail et semble une protection fondamentale contre les discriminations pour raison de santé ou de handicap. « Sans cette visite, poursuit Martine Keryer, que va-t-il se passer quand, après une hernie discale en accident du travail, une infirmière ne pourra plus reprendre la totalité des soins aux patients. Jusqu'à présent, elle pouvait être affectée avec l'aide du médecin du travail à un poste avec des patients autonomes ce qui limitait la manutention. Fini, elle sera inapte au poste et licenciable ! »
Mobilisation auprès des députés
A quelques jours de la remise de ce rapport, le 18 mai 2015, qui sera débattu en juin dans le cadre des lois sur le dialogue social, la CFE-CGC a donc décidé de se mobiliser pour alerter les députés afin que ces préconisations soient abrogées. « Avant qu'il ne soit plus possible de revenir en arrière, selon Martine ! ». Une opération de lobbying qui a déjà porté ses fruits sur d'autres dossiers. « Il faut que toutes les parties qui travaillent sur la question du maintien dans l'emploi se mobilisent, conclut-elle. La FNATH (Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés) nous a déjà rejoints. »
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