Par Shingo Ito
Le thème de la cérémonie d'ouverture est We have wings (Nous avons des ailes) ! "C'est un événement précieux", dit à l'AFP Masaaki Suwa, un para-canoéiste japonais de 35 ans. Quelque 4 400 para-athlètes de 162 délégations du monde entier vont concourir aux Jeux paralympiques jusqu'au 5 septembre. Comme les JO avant eux, l'événement avait été reporté d'un an en 2020 à cause de la pandémie. Les paralympiens "accomplissent de grandes choses, mais ce ne sont pas des super-héros. Je veux que les gens sachent qu'ils sont des êtres humains, comme n'importe qui", ajoute ce para-athlète regrettant de n'avoir pas pu se qualifier pour les Jeux.
Inclusion manquant d'ambition
Depuis l'attribution des Jeux à Tokyo en 2013, le Japon s'est surtout efforcé d'améliorer l'accessibilité dans les transports publics notamment, mais celle-ci était déjà élevée auparavant dans ce domaine par rapport à de nombreux autres pays. A titre d'exemple, des ascenseurs sont désormais installés dans 96% des stations de métro et gares à Tokyo, contre 91% en 2013. Mais ces progrès quantitatifs masquent des barrières invisibles toujours élevées pour la pleine intégration des personnes en situation de handicap dans la société japonaise. "En termes de nombre d'installations accessibles, le Japon apparaît avancé" dans ce domaine, reconnaît Miki Matheson, une responsable de la délégation japonaise aux Paralympiques. Mais "je suis souvent traitée comme une personne handicapée lorsque je suis de retour au Japon", remarque cette ancienne para-athlète triple médaillée d'or en luge aux Jeux paralympiques de Nagano en 1998, qui vit aujourd'hui au Canada. "Au Canada, je vis sans remarquer du tout mon handicap", explique encore cette femme de 48 ans se déplaçant en fauteuil roulant.
Exclues du monde du travail
Les personnes handicapées sont toujours largement exclues du monde du travail au Japon ; un quota d'à peine 2,3% d'employés avec handicap est prévu pour les entreprises à partir d'une quarantaine de salariés. Et, au lieu de montrer l'exemple pour le secteur privé, de nombreux ministères et agences de l'Etat avaient artificiellement gonflé leurs ratios de travailleurs handicapés, un scandale pour lequel le gouvernement s'était excusé en 2018. Motoaki Fujita, un professeur en sociologie du sport à l'université Nihon Fukushi près de Nagoya (centre du Japon), pense que la société nippone est devenue plus inclusive qu'avant mais que ce changement est "encore marginal". Environ 57% des personnes sondées par son équipe de recherche en 2020 estimaient que les gens avec un handicap étaient des êtres fragiles et éprouvaient des difficultés à vivre avec des personnes valides, contre 61% lors d'un sondage identique en 2014.
Impact du huis clos ?
"Les Jeux paralympiques sont une très bonne opportunité de changer les mentalités", déclare Shigeo Toda, un responsable d'un institut de recherche de Tokyo étudiant les modes de vie avec le handicap. "Mais on ne peut pas s'empêcher de penser que la dynamique pourrait s'affaisser si les gens ne peuvent pas y assister en personne", prévient ce chercheur. Les Paralympiques se dérouleront pratiquement sans spectateurs du fait de l'actuelle vague record de Covid-19 au Japon. Organisateurs et autorités locales souhaitent toutefois que des écoliers y assistent, si leurs parents et établissements scolaires y sont favorables. Saki Takakuwa, une sprinteuse paralympique japonaise de 29 ans, a confié ses doutes au quotidien nippon Mainichi : "Comparé aux Jeux précédents, c'est difficile pour moi d'espérer que les gens vont ressentir quelque chose" en étant absents des sites de compétition. Dans un récent entretien à l'AFP, le président du Comité international paralympique (CIP) Andrew Parsons a lui aussi reconnu que le huis clos représentait un "défi", tout en voulant croire que la portée des Jeux de Tokyo resterait "incroyable" malgré tout. "Nous croyons pouvoir toucher plus de quatre milliards" de téléspectateurs (article en lien ci-dessous), "nous toucherons plus de nations et plus de gens que jamais", y compris au Japon, a-t-il assuré.
Sophie Cluzel sur place
A l'occasion de son déplacement à Tokyo cette semaine, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap doit rencontrer de nombreuses personnalités, notamment le vice-ministre de la santé, du travail et du bien-être en charge des questions de handicap ou encore le président du Comité paralympique japonais, et va rencontrer des entreprises des nouvelles technologies appliquées au handicap.
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