Tout commence en août 2015. Nathan est grognon. Ce bébé de deux mois et demi semble souffrir de sa cheville sans que ses parents ne parviennent à l'apaiser. Ils décident alors de le conduire aux urgences du CHU de Grenoble. La radio révèle des lésions osseuses inexpliquées. L'équipe suspecte une maladie osseuse grave, telle que l'ostéogénèse imparfaite (maladie des os de verre) mais les tests s'avèrent négatifs. Les parents sont soulagés… pour un temps seulement ! Car en l'absence de réponse à cette énigme médicale, la machine s'emballe. Suspectés de maltraitance, les parents sont signalés au procureur de la République qui leur retire la garde de leur fils. Nathan est placé en pouponnière le 26 août 2015. Provisoirement, dit-on, pour en avoir le cœur net !
Suspicion de maltraitance ?
La justice attend de disposer d'éléments médicaux complémentaires, et fait donc appel au Centre de référence des maladies osseuses constitutionnelles à l'hôpital pour enfants malades Necker (Paris). La juge préfère jouer la prudence et estime devoir protéger l'enfant le temps de préciser si les lésions ont un lien avec des faits de maltraitance ou une origine médicale méconnue jusque-là. Six mois maximum, quand même ! Pendant lesquels Nathan ne pourra être auprès de ses parents que quelques heures par semaine, et toujours en présence d'un professionnel. L'allaitement maternel n'est pas autorisé. Un choc ! Un avocat est sollicité ainsi que l'aide des associations de malades atteints de maladies osseuses rares, qui connaissent malheureusement d'autres situations semblables en France.
Necker confirme une maladie
Tous croient à un heureux dénouement lorsque Necker rend son verdict : Nathan est atteint d'une ostéopénie significative diagnostiquée grâce à un examen spécialisé (densitométrie). Une fragilité osseuse, suffisante pour expliquer ses lésions. Cette fragilité semble réversible et se réduire au fil des mois. Elle était donc plus forte dans les trois premiers mois de vie, et n'est pas considérée comme rare par les spécialistes de l'hôpital Necker, quoique apparemment méconnue des spécialistes de l'hôpital couple-enfant de Grenoble, puisque difficile à diagnostiquer chez un bébé si jeune. La spécialiste de l'hôpital Necker confirme que cette ostéopénie a engendré des microlésions lors des manipulations habituelles pour changer ou habiller le bébé, et un évènement comme l'accouchement ou un pied coincé dans le barreau de lit peut suffire à provoquer une fracture. La réponse, enfin ? « Absolument pas, s'indigne la grand-mère paternelle de Nathan. La justice sollicite Necker parce que c'est une pointure dans ce domaine et, lorsqu'il rend son diagnostic, elle n'en tient pas compte. »
Comment sortir de cette impasse ?
Nous sommes en juillet 2016, et, depuis, rien n'a changé. Voilà dix mois que cette famille est entrée dans un engrenage cauchemardesque qu'elle n'arrive plus à arrêter. Les autorités compétentes refusent toujours de lui rendre Nathan. Pour faire valoir leur innocence, ses parents ont présenté plusieurs fois aux juges le rapport d'un pédiatre mettant en évidence des failles dans le dossier médical du CHU de Grenoble et les risques d'une séparation pour un enfant de cet âge. Bataille d'experts, rendez-vous médicaux, procédures judiciaires. Tous les combats ont été menés, toutes les portes enfoncées. Et rien, toujours rien ! En mars, le Président du tribunal administratif ordonne pourtant la remise immédiate de l'enfant à sa famille mais la pouponnière du Charmeyran, où il est hébergé, s'y refuse. « C'est à ne rien comprendre, poursuit la grand-mère. Nous cherchons à faire examiner Nathan par des équipes hospitalières de référence, et l'Aide sociale à l'enfance (ASE) complique tout. Le juge d'Instruction qui a mis les parents de Nathan en examen le 12 avril poursuit son enquête et a ordonné une expertise psychologique, avec un délai en octobre. En attendant, le temps file. C'est insoutenable. ».
Un cas pas isolé
Selon Annie Moissin, présidente de Solhand, qui milite aux côtés des personnes atteintes de maladies rares, « ce cas n'est malheureusement pas unique, surtout dans les fragilités osseuses. Le parcours de la famille de Nathan est très similaire à celui de nombreux parents qui découvrent que leur bébé souffre (article en lien ci-dessous). Et, une fois arrivés à l'hôpital, lorsque les fractures et traumatismes sont découverts, le couperet tombe, surtout lorsqu'il n'y a pas de prédisposition familiale connue ou que les parents sont jeunes. Ensuite, s'engage la bataille entre les médecins et l'ASE qui en rajoute, prive les parents de droit de visite même lorsque la pathologie est détectée. C'est fou encore à notre époque. Pour moi, c'est « NON assistance à enfants malades ». J'ai même témoigné dans un procès à Avignon il y a quelques années et soutenu bien d'autres familles dans le même cas. Avec le médecin référent de Necker, j'ai démontré aux juges que l'on pouvait être OI (NDLR : atteint d'ostéogénèse imparfaite) sans pour cela être un cas grave ; toutes les formes ne sont pas apparentes. »
Son papa atteint également
Pour la famille de Nathan, la situation est d'autant plus inquiétante que, selon sa grand-mère, « il est malade et ne bénéficie d'aucun suivi. Pas d'examens sérieux pour rechercher les risques, juste de la vitamine D en dose habituelle. La justice n'est-elle pas censée le protéger ? ». Prochaine étape ? Des nouveaux examens médicaux. Sur le fils, sur le père ? Car, depuis, le papa a, lui aussi, été diagnostiqué porteur d'une ostéopénie et d'une ostéoporose, un argument supplémentaire en leur faveur. « Alors s'il n'est pas possible de faire des tests sur Nathan, c'est son papa qui les fera », conclut sa mère, scandalisée mais pas résignée ! Sur son blog, cette famille supplie : « Rendez-nous Nathan ! ».
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