Kenya: une réfugiée handicapée se protège grâce au taekwondo

Dans un camp de réfugiés au Kenya, des adolescentes, dont une jeune fille sourde et muette, apprennent le taekwondo pour se protéger. Un programme salutaire aujourd'hui menacé par les coupes budgétaires américaines.

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Deux adolescentes noires font du taekwondo face à face.

Réunies dans une sorte de gymnase précaire, quelque 80 adolescentes répètent des coups de pied ou de poing, ponctués de cris aigus. Ces jeunes réfugiées, qui ont grandi dans un camp au Kenya, pratiquent le taekwondo, un art martial sud-coréen, pour apprendre à se défendre. Parmi les néo-combattantes, Salha, sourde et muette, compte bien mettre ces techniques en pratique au prochain acte de violence.

Un handicap cible de violences

Au camp, « quand elle allait puiser de l'eau, elle ne pouvait pas communiquer avec les autres et donc ils finissaient par la battre », raconte son père Ismail Mohamad. Les autres enfants, peu au fait de son handicap, la frappaient pour les mêmes raisons. Grâce au taekwondo, aujourd'hui, « elle peut tout gérer par elle-même », se félicite-t-il.

Salha s'entraîne face à sa sœur jumelle de 15 ans, Samia. Cette dernière, la tête couverte d'un voile jaune, lance avec souplesse sa jambe droite en direction de sa sœur, coiffée d'un foulard rouge. « Avant, quand on nous frappait, on ne pouvait pas se défendre. Mais maintenant si », se réjouit Samia.

« La nécessité de savoir se défendre »

Les deux sœurs habitent Kakuma, le deuxième plus grand camp de réfugiés du Kenya, créé en 1992, qui accueille plus de 300 000 personnes originaires du Soudan du Sud, de Somalie, d'Ouganda et du Burundi. Samia et Salha sont elles-mêmes d'origine burundaise. Leur père, âgé de 47 ans, a fui ce pays il y a 15 ans. Initialement réticent à laisser ses filles faire du taekwondo, il a finalement accepté du fait de la nécessité pour elles de savoir se défendre.

Une discipline physique et mentale

Caroline Ambani, professeure de taekwondo et ceinture noire, insiste sur la discipline requise par le sport à chaque cours. Criant au milieu des discussions, elle tente de calmer les filles surexcitées : « On y va pour transpirer ! ». Mais son affection et sa fierté pour ses élèves, comme Salha, sont évidentes. « Certaines de ces filles ont réussi à se protéger de leurs agresseurs », se réjouit-elle, interrogée par l'AFP.

Menace sur le programme

Le programme de trois ans, géré par l'ONG International rescue committee (IRC) et soutenu par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), arrive pourtant à son terme. Et le démantèlement par l'administration Trump de l'agence américaine de développement USAID, qui soutenait à elle seule 42 % de l'aide déboursée dans le monde avec ses 42,8 milliards de dollars de budget, pourrait y mettre un point final. Quelque 83 % des programmes financés par les États-Unis sont désormais supprimés. Des manifestations ont éclaté le mois dernier dans le camp lorsque les rations ont été réduites en raison des coupes américaines.

L'espoir d'une transmission

Les instructeurs espèrent malgré tout que les compétences qu'ils ont transmises aideront les filles dans les années à venir. L'une des capitaines, Ajok Chol, 18 ans, inquiète de la violence dans le camp, semblable à celle qu'elle vivait au Soudan du Sud qu'elle a fui à l'âge de 14 ans, affirme qu'elle poursuivra sa formation. « Nous avions tellement peur », confie-t-elle à l'AFP. « Nous sommes venues ici à Kakuma pour être en paix. » Ajok Kol espère devenir à son tour instructrice, « pour apprendre à mes camarades (...) à protéger la communauté ».

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