Handicap.fr : Dans quel contexte le programme La Relève a-t-il été créé ?
Jean Minier, directeur des sports, qui coordonne le programme depuis sa création : Il a vu le jour en 2019 face aux difficultés que rencontraient les fédérations qui organisent des compétitions de para sport d'entrer en contact avec des candidats potentiels. Il y a une vingtaine d'années, ces derniers étaient accueillis plus longtemps dans des centres de rééducation ou dans des établissements spécialisés pour leur scolarité. Aujourd'hui, ils sont, fort heureusement, au bénéfice de la loi de 2005 notamment, parmi nous, plus fréquemment à l'école ordinaire et font une majeure partie de leur rééducation à la maison. C'est donc beaucoup plus compliqué de les informer des possibilités de faire de la compétition.
H.fr : D'autant plus que le paysage para sportif a beaucoup évolué ces dernières années...
JM : Effectivement. Jusqu'en 2021, deux fédérations géraient l'ensemble des para sports : la Fédération française handisport (FFH), pour tous les handicaps physiques et sensoriels, et la Fédération française de sport adapté (FFSA), pour les handicaps psychiques et mentaux. A nouveau dans l'élan de la loi de 2005, l'Etat a de plus en plus responsabilisé les fédérations sportives locales dans l'accueil de ce public. Difficile, alors, de s'y retrouver parmi tous ces interlocuteurs et de savoir à qui s'adresser...
H.fr : Quel impact ces difficultés ont-elles eu sur la pratique des personnes en situation de handicap ?
JM : On constate qu'elles ont tendance à pratiquer une activité plutôt en fonction des opportunités pratiques, et notamment la proximité d'un club adapté, que d'une réelle adéquation avec son profil, son gabarit et ses envies.
H.fr : Face à ce constat, quel est l'objectif de ce programme ?
JM : Identifier, sur l'ensemble du territoire, des amateurs qui seraient partants pour se lancer dans le sport de compétition ou même de haut-niveau. L'idée est de susciter des envies et de leur faire gagner du temps ! Ce projet est aussi né dans l'élan des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, que l'on brandissait comme un étendard, un objectif possible.
H.fr : Combien de vos athlètes ont participé aux Jeux ?
JM : Depuis 2019, nous avons rencontré environ 200 athlètes et nous nous sommes entretenus, au total, avec près de 1 000. Parmi eux, 10 % ont intégré les collectifs des fédérations avec un projet de haut-niveau, une dizaine ont participé aux Jeux paralympiques et une (Erika Sauzeau) a décroché une médaille en para aviron à Tokyo en 2021. Dix de nos sportifs ont participé à Paris 2024, on espère qu'ils seront autant à Los Angeles 2028. Mais le but de notre programme n'est pas de faire émerger des multi médaillés paralympiques, puisque ces profils-là sont déjà dans des circuits spécifiques. Tous les athlètes avec lesquels nous échangeons n'accèderont pas au haut-niveau mais la pratique de la compétition apporte déjà beaucoup et permet notamment aux personnes handicapées d'avoir de nouveaux projets.
H.fr : Comment les athlètes sont-ils détectés ?
JM : Au départ, nous les rencontrions dans des gymnases à travers la France pour leur faire passer des tests physiques (sprint sur 5 et 20 mètres, lancer, test de souplesse ou encore de vitesse des membres supérieurs...) puis nous les mettions en lien avec les fédérations qui correspondaient le plus à leur profil. Au fil des années, les tests, de même que le concept, ont évolué.
H.fr : Les entretiens se déroulent désormais en visio...
JM : Exactement, depuis la pandémie de Covid-19. Lors de ces échanges qui durent entre 30 minutes et une heure, nous évoquons la nature de leur projet (loisir, compétition, haut-niveau), leurs limitations fonctionnelles ou visuelles, leurs expériences passées qu'ils pourraient réinvestir, dans quel périmètre envisagent-ils de pratiquer un sport, ce qu'ils aiment ou n'aiment pas... A partir de ces informations, on fait un premier tri parmi les sports qui correspondent le plus à leurs envies et leurs capacités. Ceux qui ont un profil compétitif sont ensuite accueillis deux jours à l'Insep (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance) pour effectuer plusieurs tests physiques, sous l'œil avisé des fédérations, et essayer quatre ou cinq disciplines. L'objectif est d'en recevoir une quarantaine par an. On se réunit ensuite avec les fédérations pour faire un point sur chaque candidat afin de leur proposer prioritairement un ou deux sports, qu'ils sont évidemment en droit de refuser.
H.fr : Quels sont les limites d'âge pour intégrer le programme ?
JM : Il n'y a pas de limite « stricte », tout dépend des profils, mais en moyenne entre 16 et 35 ans. En deçà, les fédérations locales ne disposent pas d'énormément d'offres pour les sports de compétition, et les fédérations handisport et de sport adapté proposent déjà des programmes spécifiques pour les très jeunes donc le but n'est pas d'entrer en concurrence.
H.fr : Tous les types de handicap sont acceptés ?
JM : Oui, même si le programme, qui est centré sur les disciplines paralympiques, est moins adapté aux personnes avec un handicap psychique ou mental. Mais s'il peut leur profiter, elles ne sont évidemment pas exclues.
H.fr : Quel sport nécessite des nouvelles recrues en priorité ?
JM : Principalement l'athlétisme parce que cette discipline totalise 160 épreuves sur les 540 au programme des Jeux paralympiques, et que nous n'avons eu aucune médaille d'or à Paris. Il faut absolument recruter, notamment des féminines. Aux Jeux paralympiques de Paris, la France a terminé 29e sur 30 en termes de pourcentage de médaillées. On est complètement largué par rapport aux autres pays ! Il nous manque également des pratiquants pour les sports collectifs, comme le para hockey sur glace, qui est en plein essor en France. En outre, le volley assis a beaucoup bénéficié du soutien de notre programme.
H.fr : Combien d'athlètes souhaitez-vous « recruter » pour les Jeux paralympiques d'hiver de 2030 qui se dérouleront dans les Alpes françaises ?
JM : Difficile de savoir pour l'instant car c'est loin d'être notre spécialité. Nous sommes justement en train de plancher sur une déclinaison du programme qui serait adaptée aux sports d'hiver -probablement un stage de plusieurs jours à l'hiver 2025.
H.fr : Quel profil recherchez-vous ?
JM : Des personnes très motivées à se lancer dans un sport de compétition, qui désirent s'engager, se mesurer aux autres et à elles-mêmes. Peu importe leurs envies et leurs motivations, on leur trouvera un sport dans lequel elles s'épanouiront. Parmi tous les sports paralympiques, il y a matière à trouver un point de chute intéressant pour chacun. Il n'y a pas d'autres « conditions » pour intégrer le programme, le fait d'avoir déjà fait du sport est un plus mais pas une nécessité. Le monde paralympique permet encore des itinéraires atypiques, par rapport aux olympiques, il faut en profiter !
H.fr : Quelle est la marche à suivre pour participer à la prochaine détection ?
JM : Il suffit de se rendre sur le site Internet de La Relève, hébergé par le Comité paralympique et sportif français (CPSF), et de s'inscrire au programme en répondant à quelques questions. Nous reviendrons ensuite vers les candidats, dans un délai de quinze jours, pour fixer un rendez-vous. La période propice est de décembre à fin février, alors n'attendez plus !
© La Relève
La Relève : sportifs handicapés, entrez dans la compétition!
Tentés par le haut-niveau ? Créé en 2019, le programme La Relève vise à favoriser l'accès des sports de compétition aux personnes handicapées. Quand et comment se déroulent les détections ? Quel est le profil recherché ? Toutes les réponses.
"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"