« Je voudrais que la santé mentale soit la Grande cause nationale en 2025 », a annoncé Michel Barnier le 22 septembre 2024 lors du 20 heures sur France 2. « Une cause presque familiale à l'origine », ajoute le Premier ministre, en référence à sa mère qui fut présidente de l'Union nationale des familles et amis avec un handicap psychique (Unafam), en Savoie.
L'Unafam se félicite de cette décision, qui « devra s'accompagner d'engagements politiques forts », notamment pour « favoriser le recours précoce aux soins ainsi qu'un accompagnement efficace pour le rétablissement des personnes vivant avec un trouble psychique ».
Explosion des troubles psychiques
« Les crises récentes (sanitaire, économique, géopolitique, environnementale) ont imposé la santé mentale (...) comme un enjeu sociétal majeur », affirme l'association PSSM (Premiers secours en santé mentale). En France, 13 millions de personnes, soit une sur cinq, présentent des troubles psychiques (dépression, troubles anxieux, alimentaires, bipolaires, schizophréniques, etc.) dont trois millions considérés comme « sévères ». « Pour elles comme pour leurs proches, à la maladie s'ajoutent trop souvent des situations d'errance diagnostique, de retard d'accès aux soins, de traitements non adaptés et d'exclusions sociale et professionnelle », déplore-t-elle.
La psychiatrie en crise
Face à l'afflux des demandes, le secteur de la psychiatrie a du mal à suivre. Manque de personnels médicaux et paramédicaux, professionnels à bout de souffle, manque de moyens, manque de lits, délais de prise en charge trop longs provoquant des ruptures de soins... La crise s'intensifie au fil des années. La santé mentale représente à elle-seule 23,3 milliards d'euros, soit près de 14 % des dépenses totales de la santé.
Une revendication du Sénat et des associations
Face à ce constat alarmant, le Sénat invitait déjà en janvier 2024 le gouvernement à ériger la santé mentale des jeunes en Grande cause nationale, observant que celle-ci « s'était dégradée au cours de ces dernières années », et notamment depuis la pandémie de Covid-19 (Santé mentale des jeunes : future Grande cause nationale?). En effet, selon une étude de Santé publique France publiée fin 2023, près de 21 % des 18-24 ans vivent avec des troubles dépressifs, contre 11,7 % en 2017. Pour appuyer cette revendication, aussi bien en faveur des jeunes que des adultes, un collectif, réunissant 20 acteurs représentant plus de 3 000 structures dont l'Unafam, avait vu le jour et lancé une pétition.
Label « Grande cause » : un « levier de transformation » ?
« Le label 'Grande cause' serait un formidable levier de transformation avec la conduite de larges campagnes d'information et de sensibilisation et la mobilisation conjointe des pouvoirs publics et des forces vives du pays », espérait-il. L'enjeu ? Mieux comprendre la santé mentale et apprendre à identifier les facteurs de risque dès le plus jeune âge, faire progresser la prévention et le repérage précoce mais aussi « faire évoluer les représentations sur les troubles psychiques pour restaurer l'espoir ». En résumé : informer, prévenir, déstigmatiser.
Leur appel a, semble-t-il, été entendu. Sera-t-il suivi d'effets ? Très attendu, un Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la santé mentale était prévu cet été mais il avait été annulé après la dissolution de l'Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron. Sera-t-il reconduit ? Affaire à suivre...
Grande cause nationale, quèsaco ?
Mais, au fait, c'est quoi la « Grande cause nationale » ? Il s'agit d'un label officiel attribué par concours public, chaque année depuis 1977, par le Premier ministre à un organisme à but non lucratif ou un collectif d'associations. Cet agrément leur permet, tout au long de l'année, d'organiser des campagnes de générosité publique et de diffuser gratuitement des messages sur les sociétés publiques de télévision et de radio. En 2024, année olympique et paralympique, le sport était logiquement à l'honneur. L'autisme l'avait été en 2013 et le handicap en 2003 et 1995.
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