Paris, 11 juin 2014 (AFP) -
L'Assemblée nationale a voté dans la nuit de mercredi à jeudi le projet de loi habilitant le gouvernement à légiférer par ordonnance sur la mise en accessibilité des lieux publics et transports aux personnes handicapées, dans de nouveaux délais, de trois à neuf ans.
Soutenu par les socialistes, les écologistes mais aussi l'UDI malgré des réserves, ce texte déjà adopté au Sénat a été voté par 23 voix contre 7, après plus de trois heures de débats où l'UMP s'est affichée à l'offensive et après quelques modifications. Le principal parti d'opposition et le Front de Gauche ont voté contre. Pour éviter la multiplication de contentieux en 2015 (la loi de 2005 prévoyant des sanctions pénales en cas de non respect), ce texte doit habiliter le gouvernement à adopter des mesures par ordonnance pour modifier la loi de 2005 et donner aux acteurs publics et privés qui ne pourront pas se mettre en conformité avec les règles d'accessibilité d'ici à 2015 trois à neuf ans supplémentaires pour le faire. Principal orateur de l'UMP, Damien Abad a critiqué "un rendez-vous manqué" et un manque de "volontarisme politique" dénoncé notamment par les associations comme l'APF.
Si elle a concédé que "le texte tente d'apporter des réponses", Jacqueline Fraysse a expliqué que son groupe refusait de "participer à un leurre", car "une fois de plus, les espoirs seront déçus" pour raisons financières, tant
"le gouvernement prive les communes de moyens". "Ce qui est proposé n'est pas parfait, mais c'est une tentative de sortie par le haut de la situation à quelques mois de la date butoir de 2015", a jugé le coprésident des députés écologistes François de Rugy. Le rapporteur Christophe Sirugue (PS) a plusieurs fois insisté sur un nécessaire "pragmatisme", reprochant à l'UMP de vouloir laisser penser aux personnes handicapées qu'il serait possible de régler tous les problèmes avant l'échéance de février 2015. Comme d'autres orateurs de gauche, il a épinglé l'UMP pour n'avoir pris aucune mesure lorqu'elle était au pouvoir pour contrer les retards constatés.
Alors que le nombre total d'établissements recevant du public, publics ou privés, est estimé à 2 millions, seuls 330.000, soit 15% ont fait l'objet de travaux d'ensemble ou partiels, selon les estimations de l'Association des
paralysés de France (APF). L'accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments et de la voirie ne concerne pas que les personnes avec une déficience, mais également les personnes âgées, les femmes enceintes, etc. En contrepartie des délais allongés sera rendu obligatoire le dépôt "d'agendas d'accessibilité programmés", détaillant un calendrier de travaux, pour les acteurs publics comme privés qui n'ont pas accompli les mesures prévues par la loi de 2005. L'exigence d'un bilan à mi-étape sera réservée aux agendas complexes de plus de trois ans, en vertu d'un amendement du gouvernement voté mercredi soir et affichant un objectif de simplification. La secrétaire d'Etat Ségolène Neuville s'est voulue rassurante notamment sur la possibilité de contrôles aléatoires par les commissions départementales.
Les élus du principal parti d'opposition ont particulièrement critiqué les nouveaux délais pour les transports publics "financés par des fonds publics", évoquant une situation "scandaleuse" en France comparé à d'autres pays européens. A leurs yeux, la responsabilité incombe surtout à la RATP, "nullissime" selon Marc Le Fur, davantage qu'à la SNCF. Ils se sont aussi déclarés inquiets "pour le monde rural", sous l'effet notamment de mesures dérogatoires pour les communes de moins de 500 habitants. Mais il sera possible de confier la réalisation d'un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics aux
structures intercommunales, prévoit un amendement du rapporteur adopté.
Entre autres modifications, les députés ont aussi voté un amendement gouvernemental pour permettre à un nombre accru de chiens guides d'aveugle ou de handicapés l'accès à tous les transports et lieux publics mais aussi aux lieux d'exercice d'une activité professionnelle, formatrice ou éducative.