On l'appelle d'ordinaire le « patient expert ». Mais l'Académie nationale de médecine lui préfère un autre terme, celui de « patient partenaire ». C'est l'une des recommandations qu'elle fait dans son rapport adopté le 14 mai 2024. Sa version intégrale, c'est par ici.
Le patient partenaire c'est quoi ?
Ce concept, qu'il soit défini comme partenaire ou expert « est un tournant majeur sur le long chemin de l'évolution sociétale en médecine », explique l'Académie, issu notamment de la loi sur les droits des malades du 4 mars 2002. Ce fut à l'origine une revendication des personnes touchées par le SIDA qui ont créé des associations pour mettre fin à l'ostracisme dont elles étaient victimes et accélérer la recherche de traitements, donnant ainsi naissance au principe d'une « médecine participative ». Pour en finir avec l'omnipotence des médecins ?
L'existence d'un « savoir »
C'est reconnaître chez le patient atteint d'une maladie chronique l'existence d'un « savoir » fondé sur sa propre expérience, qui lui permet, tout d'abord, de participer de manière active à son propre traitement et de s'impliquer dans les décisions médicales. Mais c'est aussi l'inviter à la partager avec d'autres patients ; on parle alors de pair-aidance. Les champs d'application sont vastes mais deux exemples… Suite à l'amputation d'un membre, il peut aider à faire face au psycho-trauma et guider ses pairs sur le chemin de la réadaptation. Ou encore accompagner des patients avec des troubles psy en partageant son vécu de malade (Pair-aidance en psy : 10 ans après les débuts, où en est-on?).
Son rôle s'est ensuite élargi à la collaboration avec des étudiants en santé (rôle de patient-enseignant), des chercheurs (rôle de co-chercheur) ou encore les instances décisionnelles (rôle des Associations de patients).
Pourquoi plutôt partenaire ?
Pourquoi privilégier le terme partenaire à celui d'expert ? « Cette décision découle de plusieurs arguments, notamment la difficulté de définir l'expertise, le risque d'opposer l'expertise du patient à celle des professionnels de santé et la restriction du terme par rapport à la diversité des rôles des patients dans le système de santé », justifie l'Académie. « Le concept de patient partenaire doit être vu comme un moyen d'améliorer l'efficacité des soins en général et la relation thérapeutique en particulier », ajoute son rapport qui vante la nécessité d'une « co-construction ».
« Le développement à côté de la médecine de précision (pour les patients) d'une médecine participative (avec les patients) contribue au développement d'une médecine apportant en même temps les meilleurs traitements médicaux et les meilleurs soins humains », ajoute l'institution.
Des garde-fous nécessaires
En 19 pages, ce rapport éclairant passe en revue de nombreux points : ne pas déresponsabiliser les médecins, faire éventuellement de ces patients des « co-chercheurs » ou encore envisager une rémunération… Il appelle également à la vigilance. « Des garde-fous doivent être mis en place pour éviter des démarches illégitimes pouvant aboutir à des non-sens médicaux ou des dérives mercantiles, voire sectaires ». Pour éviter la recrudescence de patients autoproclamés, chacun doit « pouvoir bénéficier d'une formation », actuellement délivrée dans plusieurs universités et/ou par des associations de patients (Formation intervenant pair : aider l'autre face à l'épreuve). Ses auteurs entendent donc « vérifier la légitimité des patients partenaires via une charte ».
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