Après un parcours chaotique, la proposition de loi Bâtir une société du bien vieillir est en bonne voie. A la suite du vote de l'Assemblée nationale le 19 mars 2024, elle sera sans grand doute adoptée définitivement par le Sénat le 27 mars. Evolution notable : à « bien vieillir » a été ajouté « autonomie », ouvrant également la porte aux personnes en situation de handicap. Suffisamment ?
Le handicap sur la touche !
Le Collectif handicaps, qui réunit une cinquantaine d'associations, ne se dit pas « dupe ». Comme un vieux serpent de mer, il déplore que le gouvernement n'ait pas proposé la « grande loi en faveur de l'autonomie de toutes et tous », initialement promise après la création de la 5e branche de la Sécurité sociale dédiée. Après un an de débats et d'alertes du milieu associatif du handicap, rien n'a changé (Proposition de loi bien vieillir : le handicap encore exclu?). « La politique publique de l'autonomie se résume à l'accompagnement de la perte d'autonomie liée à l'âge », et les « personnes en situation de handicap sont exclues du débat », martèle ce collectif depuis des années. Quant à la Fédération générale des PEP, elle regrette à son tour que la place qui leur est accordée soit « réduite à portion congrue » mais aussi que « cette loi ne comporte aucune mesure concrète de nature à instaurer un véritable droit au relai pour les proches aidants ».
Une ministre à deux casquettes
Une segmentation préjudiciable alors même que Fadila Khattabi est reconduite à son poste de ministre en chapeautant désormais les deux publics, « personnes âgées et handicapés ». « Cette opposition systématique n'a pas lieu d'être. Déjà, parce qu'il n'y a aucune raison -si ce n'est de la discrimination- d'écarter des politiques du 'bien vieillir' les personnes en situation de handicap. D'une part car elles aussi vieillissent et doivent pouvoir le faire dans les meilleures conditions. D'autre part car de nombreuses personnes, en avançant en âge, seront en situation de handicap (cognitif, sensoriel, physique ou psychique) », fait valoir le Collectif. Ce dernier déplore que toutes ses propositions n'aient pas été retenues par le gouvernement et le parlement, portant notamment sur une compensation intégrale, personnalisée et effective du handicap, sans reste à charge.
Un SPDA pour tous ?
Cette PPL entérine la création du Service public départemental de l'autonomie (SPDA), sorte de guichet unique, qui impactera directement le parcours d'accès aux droits des personnes en situation de handicap (Pour tout savoir, lire notre article complet : SPDA : un guichet unique handicap et autonomie en 2025?) et permet d'organiser la réponse au plus près du terrain. Mais, selon le Collectif, il « se construit essentiellement autour des professionnels et institutions liées aux personnes âgées ».
Des dispositions utiles
De son côté, l'Uniopss (Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux) observe, dans les 40 articles de cette PPL en cours d'adoption, « des dispositions utiles » qui, pour certaines, concernent les deux publics : le rapprochement des structures sociales et médico-sociales par territoire, des modulations de tarifs pour les usagers ne relevant pas de l'aide sociale, la lutte contre l'isolement, l'habitat inclusif ou encore la promotion de la bientraitance.
Pour le domicile, la reconnaissance par l'attribution d'une carte pour les professionnels et la prise en compte des déplacements est à l'ordre du jour, tout comme l'assouplissement pour la création des nouveaux Services à domicile (SAD). Et, pour les résidents d'Ehpad, l'affirmation du droit de visite ou de l'accueil d'animaux de compagnie. Mais ces mesures restent, selon l'Uniopss, « très insuffisantes » ; elle lance un « cri d'alarme » face à la « situation de déficit budgétaire et de pénurie des métiers qui mettent en péril leur survie à court ou moyen terme ».
Un budget ad hoc !
Selon le Collectif handicaps, ce texte manque donc « d'ambition » et « n'apporte que des bouts de solutions aux difficultés rencontrées par les personnes et les professionnels qui les accompagnent ». D'une même voix, les associations réclament, enfin, des mesures législatives structurelles et budgétaires dont le gouvernement et les parlementaires ne se sont pas saisis jusqu'à présent. Pour l'Uniopss, « continuer de ne pas décider, c'est choisir, de fait, dans un avenir proche, une société où la perte d'autonomie ne sera pas accompagnée pour toute une partie de nos concitoyens ». Elle compte bien réaffirmer ses exigences lors de son congrès annuel, à Lyon, les 3 et 4 avril 2024. Une pétition « pour sonner l'alarme » a déjà recueilli plus de 18 000 signatures.
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