Londres coupe 6 milliards d'euros dans les aides au handicap

Le gouvernement britannique annonce des coupes drastiques dans les aides aux personnes handicapées ou malades, notamment via des critères d'éligibilité durcis, suscitant des tensions. Objectif : économiser 6 milliards d'euros par an d'ici 2029-30.

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Un drapeau britannique au 1er plan et Big Ben au second.

Desservi par une croissance molle, le gouvernement britannique de centre gauche a annoncé, le 18 mars 2025, des coupes de 5 milliards de livres (près de 6 milliards d'euros) par an dans les aides aux personnes handicapées ou malades, suscitant une fronde dans le camp travailliste. "Le système de Sécurité sociale dont nous avons hérité des Conservateurs échoue à aider les personnes qu'il est censé soutenir et freine notre pays", a déclaré la ministre du Travail Liz Kendall, envoyée au front pour détailler ces coupes drastiques devant les députés.

Des critères d'éligibilité durcis

La mesure la plus contestée vise à durcir les critères d'éligibilité à une aide pour personnes handicapées ou touchées par une maladie de longue durée, la Personal independence payment (PIP). Quelque 3,6 millions de personnes, parmi lesquelles certaines travaillent, bénéficient de cette aide sans conditions de ressources, destinée à couvrir les coûts liés à leur maladie, dont 38 % en raison de troubles psychiatriques.

"Surdiagnostic" des troubles mentaux

L'exécutif défend sa réforme par la nécessité de redessiner un système de protection sociale qui "coûte trop cher" et enferme dans les allocations des personnes, notamment les jeunes, qui pourraient travailler, selon la ministre des Finances Rachel Reeves."Il y a à la fois un argument moral et économique", assure un porte-parole du Premier ministre Keir Starmer. Il a expliqué le 17 mars que le nombre de bénéficiaires du PIP finira par être insoutenable et que, depuis le Covid, beaucoup d'entre eux déclarent "l'anxiété et la dépression comme principale affection". "Nous devons nous assurer que le PIP va aux bonnes personnes", a-t-il ajouté, des propos qui renvoient à ceux, la veille, du ministre de la Santé Wes Streeting, selon lequel les médecins "surdiagnostiquent" les troubles mentaux.

Le pays confronté à une économie stagnante

Le gouvernement britannique, confronté à une économie stagnante, n'a d'autres choix que de couper dans les dépenses s'il veut tenir sa promesse de rééquilibrer les comptes sans nouvelles hausses d'impôts, après la très impopulaire augmentation des cotisations patronales annoncée en octobre. Le pays a dépensé 296,3 milliards de livres (352 milliards d'euros) en aides sociales en 2023/24, soit 11 % de son PIB, d'après les calculs de l'Office for budget responsibility, qui contrôle les dépenses du pays.

Les droits de douane de Donald Trump et sa politique diplomatique illisible poussant les Occidentaux, Royaume-Uni compris, à accroître leurs dépenses militaires compliquent encore la position des travaillistes. "Le monde a changé", a résumé la semaine dernière Rachel Reeves, attendue le 26 mars pour un très important discours sur les finances publiques.

La colère des associations et des personnes handicapées

Le plan gouvernemental a, sans surprise, provoqué l'ire des associations. L'exécutif "devra gérer les conséquences" de ces coupes "dans d'autres parties du système, avec une pression accrue sur un NHS (le système de santé) déjà saturé", a souligné James Taylor, de Scope, une organisation de soutien aux personnes handicapées. "Sans le PIP, je serais obligé de travailler à plein temps. Chaque fois que j'ai travaillé à temps plein au cours des 18 dernières années, j'ai fini à l'hôpital, gravement malade", a raconté à l'AFP Alicia Cartwright, 40 ans, qui vit avec un trouble bipolaire. "C'est une menace pour ma vie."

L'existence de moyens "alternatifs et plus compatissants"

Les fuites du plan gouvernemental dans la presse avaient fait bondir les députés travaillistes les plus à gauche, qui ont tenté en coulisse de modérer les ardeurs gouvernementales. "Mon gouvernement essaie de faire deux choses très incompatibles : réparer notre système de protection sociale défaillant et faire des économies", avait réagi le 17 mars Clive Lewis, le député de Norwich, pour l'AFP. "C'est doublement impossible si nous voulons adhérer aux valeurs travaillistes pour lesquelles les gens ont élu ce gouvernement", avait-il ajouté. Mes électeurs, mes amis, ma famille sont très en colère et ne pensent pas que ce soit le genre d'action qu'un gouvernement travailliste doit prendre."

"Pauvreté encore plus grande" pour les personnes handicapées

"Il existe des moyens alternatifs et plus compatissants pour équilibrer les comptes, plutôt que sur le dos des personnes malades et handicapées", a abondé l'élue du Labour Debbie Abrahams. De son côté, la députée d'York, Rachael Maskell, avait mis en garde contre les "conséquences tragiques" de telles coupes, qui placeraient les personnes handicapées "dans une situation de pauvreté encore plus grande".

Les Britanniques divisés sur les aides sociales

Outre les coupes, Liz Kendall a aussi proposé la mise en place d'un "droit à essayer", permettant aux allocataires de tenter de retourner sur le marché du travail sans perdre leurs aides. Ainsi qu'un investissement supplémentaire d'un milliard de livres pour les accompagner.

Les Britanniques restent plutôt divisés sur les aides sociales, selon un sondage YouGov publié le 17 mars : 53 % jugent "pas assez stricts" les critères d'obtention, mais 45 % pensent que les personnes handicapées perçoivent trop peu.


© Nataliiazhekova

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