Malformations : la justice déboute une famille face à Bayer

La justice a jugé irrecevable la demande des parents de Théo Grataloup, 18 ans, de lier ses malformations congénitales à l'exposition de sa mère, enceinte, au glyphosate, un herbicide produit phare du géant allemand de la chimie Bayer-Monsanto.

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Zoom sur une main qui frappe le marteau de la justice.

Par Daniel Abelous

« C'est bien sûr une déception », a réagi dans un communiqué la famille Grataloup, qui avait lancé en 2018 une action au civil contre Bayer, pour faire reconnaître le « lien de causalité » entre le glyphosate et le handicap de leur fils Théo, 18 ans. Mais le jeune homme a retenu aussi « tout le travail de lanceur d'alerte qu'il y a eu à travers les médias, tout au long des différentes étapes du procès », a-t-il confié le 31 juillet 2025 à l'AFP. « C'est ce qui symbolise cette action pour moi. »

Les avocats de la famille ont indiqué leur intention de faire appel du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vienne (Isère).

55 opérations pour pouvoir respirer et manger 

Né avec l'œsophage et la trachée qui ne se sont pas séparés correctement, Théo a subi 55 opérations qui lui permettent de manger normalement, de respirer et de parler par un trou dans la gorge.

Sa mère, Sabine Grataloup, est convaincue que le handicap de son fils trouve sa source en août 2006, quand elle était enceinte et avait utilisé du Glyper, un générique à base de glyphosate de l'herbicide Roundup de Monsanto, distribué par la société Novajardin, pour désherber une carrière d'équitation.

Absence de preuve formelle de l'utilisation de Glyper

Le tribunal a jugé « irrecevables les demandes » des Grataloup « sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle à l'encontre de la société » Bayer-Monsanto, selon le jugement consulté par l'AFP. Il estime que la famille de Théo n'a pas apporté la preuve suffisante que le glyphosate de Bayer-Monsanto a bien été utilisé par Mme Grataloup, en l'absence de « facture ou autres pièces propres à établir l'achat d'un bidon de Glyper au cours de l'été 2005 qui aurait pu être utilisé au cours de l'été 2006 ».

Un lien probable, mais juridiquement insuffisant

Si les éléments avancés par les parents de Théo permettent au tribunal de retenir que sa mère « s'est servie d'un désherbant total au glyphosate » à l'été 2006, ils « ne permettent de retenir avec la certitude requise que ce désherbant était du Glyper », a conclu le tribunal. Ce dernier reconnaît néanmoins que Bayer-Monsanto « pouvait être considéré comme étant le producteur » du produit incriminé, « un premier point marqué » pour Me Bertrand Repolt, l'un des avocats des Grataloup.

Un appel à changer la loi plutôt que blâmer les juges 

« Ce qui a manqué, ce sont des détails. Le fait de ne pas avoir la facture du produit que j'ai passé il y a 19 ans. Quelle famille garde toutes les factures de tous les produits qu'elle passe en permanence et se prend en photo en train de passer chaque produit de façon à hypothétiquement pouvoir aller attaquer en justice s'il arrivait quelque chose ? », a regretté Sabine Grataloup auprès de l'AFP.

« N'attaquez pas les juges (qui) prennent leurs décisions en fonction du droit », mais « alertez le législateur pour lui dire que le droit français doit évoluer », a-t-elle demandé, soulignant que le niveau de preuve demandé « empêche les victimes des pesticides d'obtenir justice ».

Bayer affirme que le glyphosate n'est pas tératogène

Bayer, qui a racheté l'Américain Monsanto en 2018, « prend acte du jugement (...) qui n'a retenu aucune responsabilité à l'encontre du groupe », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Cette décision intervient après plus de 7 ans de procédure, dans un contexte humain douloureux, que l'entreprise n'a jamais ignoré », ajoute-t-il. Il affirme encore que le glyphosate « fait l'objet d'un consensus scientifique validé par les autorités sanitaires européennes et françaises » et que le produit « n'est notamment pas classé comme substance tératogène, c'est-à-dire susceptible de provoquer des malformations congénitales, ni même toxique pour la reproduction ou le développement ».

Une molécule pourtant toujours controversée à l'international

Herbicide le plus vendu au monde (800 000 tonnes en 2014), le glyphosate a été classé néanmoins en 2015 comme un « cancérogène probable » par le Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé. Il est interdit en France depuis fin 2018 pour un usage domestique.

Depuis le rachat de Monsanto, les soucis judiciaires et financiers pour Bayer se sont multipliés à travers le monde, et notamment aux États-Unis. Il a dû verser plus de 10 milliards de dollars en dommages et intérêts dans plus de 100 000 dossiers à cause du glyphosate, accusé d'avoir causé des cancers, ce que le groupe nie.

© Katrin Bolovtsova de Pexels

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