Recouvrer la vue grâce à de simples ultrasons. C'est ce que promettent des chercheurs franco-suisses*. Le nom de cette thérapie « visionnaire » ? La sonogénétique. Son principe : « Modifier génétiquement certains neurones afin de pouvoir les activer à distance par des ultrasons », expliquent les chercheurs qui ont publié le 3 avril 2023 une étude dans la revue Nature Nanotechnology. Cette technique a d'abord été testée en culture in vivo avant d'être reproduite chez l'animal et bientôt… chez l'homme ! Première étape : introduire le code génétique d'un canal ionique mécanosensible dans les cellules. En résumé, le principe est de moduler l'activité neuronale après l'expression de protéines sensibles aux ultrasons.
Une méthode sans contact et non invasive
Ensuite, les « neurones qui expriment ce canal peuvent être activés à distance par des ultrasons de faible intensité appliqués à la surface du cerveau sans nécessiter de contact », poursuit l'Inserm. Cette méthode non invasive permet en effet de cibler des zones du cerveau très précises, le cortex visuel ou la rétine, et, ce, même en profondeur, depuis la surface de la dure-mère qui entoure le cerveau. Une innovation majeure par rapport aux dispositifs avec électrodes déjà existants. Parmi les patients qui pourraient en bénéficier, ceux qui ont perdu la fonction du nerf optique à la suite d'un glaucome, d'une rétinopathie diabétique ou encore dans le cadre d'une neuropathie optique héréditaire ou alimentaire. Soit autant de situations pour lesquelles la connexion entre les yeux et le cerveau a été rompue. La sonogénétique doit permettre justement de rétablir cette liaison.
« Restaurer la vue de manière stable »
Les premiers résultats ont montré que cette stimulation sonogénétique induisait une réponse comportementale associée à une perception lumineuse chez le rongeur. En d'autres termes, l'animal cherche à boire dès qu'il perçoit la lumière. Les promesses offertes par cette nouvelle étude sont importantes : « Cette thérapie sonogénétique pour restaurer, à terme, la vision de personnes aveugles illustre la puissance d'un projet pluridisciplinaire », affirme Mickael Tanter, directeur de recherche Inserm au laboratoire Physique pour la médecine de Paris. Si tous les espoirs sont permis, l'accès à cette thérapie innovante n'est pas pour tout de suite, tempère Serge Picaud, directeur de recherche Inserm et de l'Institut de la vision : « Le développement d'un essai clinique demande encore de passer par de nombreuses étapes pour valider son efficacité et sa sécurité. Si les résultats se confirment, cette thérapie pourrait réussir à restaurer la vue des patients de manière stable et en toute sécurité ».
* de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du laboratoire Physique pour la médecine, de l'Institut de la vision à Paris, en partenariat avec l'Institut d'ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (Suisse)