« NON à l'inclusion systématique et forcée, NON à l'acte 2 de l'école inclusive ! », clame la Fédération nationale action sociale Force ouvrière (FNAS-FO), appelant à faire grève et à manifester le 25 janvier 2024 à Paris. Leitmotiv ? « Stop au chaos et à la mise en danger des personnels et des élèves dans les établissements scolaires. » Selon cette confédération qui regroupe une centaine de syndicats, « le 100 % inclusif laisse un grand nombre d'enfants en situation de handicap et leur famille sur le carreau » et les « installe dans la souffrance ».
L'impact sur les professionnels du médico-social
Par ailleurs, « des nouvelles formes de travail 'hors des murs' des établissements modifient de façon drastique les métiers de l'éducation spécialisée », estime-t-elle, se disant « contre la marchandisation du secteur ». « Cet accompagnement à la carte dégrade, de fait, nos conditions de travail. Nous ne sommes plus dans une logique de places suffisantes mais de 'file active', qui place les établissements en un système 'ambulatoire' », poursuit la FNAS-FO dans un communiqué. Pour rappel, plusieurs mesures de l'acte 2 de l'école inclusive nécessitent de repenser la fonction de ces professionnels : déployer des équipes mobiles médico-sociales pour favoriser la scolarisation, développer cent projets pilotes d'instituts médico-éducatifs (IME) dans l'école (Lire : Elèves handicapés : quelles mesures pour la rentrée 2023?)... Ainsi, la confédération exhorte notamment au retrait de l'acte 2 de l'école inclusive, à l'abandon des Pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) mais aussi à la « défense de l'enseignement spécialisé et adapté » et à la création des « postes nécessaires » dans les établissements sociaux et médico-sociaux.
Un syndicat « ignoble » et « dégueulasse »
Cette déclaration a suscité la colère de nombreux internautes, à commencer par Florian Deygas, membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), qui qualifie ce syndicat « d'ignoble ». « Cet appel à manifester contre les enfants en situation de handicap à l'école est purement et simplement dégueulasse », réagit-il sur X fin décembre 2023 (photo ci-dessus). Il en profite pour rappeler « l'absolue nécessité » d'obtenir « plus de moyens pour renforcer l'école inclusive et soulager les familles ». « Ce qui permettrait peut-être au moins d'éviter ce genre d'ignominies », estime ce conseiller municipal.
Des avis contraires
D'autres internautes réagissent : « Honteux », « écœurant », « à vomir »... « FO se prononce clairement pour un système d'exclusion. En contradiction totale avec les valeurs du syndicalisme... », dénonce l'un d'eux. « C'est une plaisanterie ? Comment peut-on s'opposer à une démarche qui permet aux élèves handicapés d'avoir les mêmes chances que les autres ? », s'insurge la maman d'une élève avec autisme et trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) « qui réussit ». Face à eux, des arguments contraires… « Venez exercer en tant que professeur des écoles sans moyen supplémentaire... L'inclusion sans AESH, sans aide spécifique, c'est un enfer », répond une internaute. « Tout est une question d'équilibre. Trop est l'ennemi du bien », nuance une autre.
Une scolarisation « adaptée » ?
Les syndicats de la FNAS-FO ne sont pas les seuls « détracteurs » du « tout inclusif ». « Il faut absolument sortir (de cette logique). De nombreux enfants très dépendants, non verbaux, dans l'incapacité même de tenir un stylo, sont souvent oubliés de notre modèle actuel. Il faut encourager le déploiement par exemple des unités externalisées de manière systématique », affirmait Servane Hugues, députée Renaissance, ancienne professeure des écoles et mère de deux enfants handicapés, en novembre 2023 (Lire : Ecole : un rapport pointe les limites du tout inclusif?). Dans sa mission d'information sur l'instruction des enfants handicapés, elle prône une « scolarisation adaptée ». L'élue incite notamment à « favoriser les passerelles (aller-retour) entre l'école ordinaire et l'établissement médico-social pour que l'élève puisse changer d'environnement selon ses besoins ».
L'école ordinaire : « pas pour tous les enfants »
Un avis partagé par l'ancien ministre de l'Education nationale Pap Ndiaye, qui déclarait un an plus tôt devant le Sénat : « L'école inclusive, c'est une démarche extrêmement positive dont nous devons être fiers (...) mais, dans le même temps, il faut aussi reconnaître que tous les enfants ne peuvent pas être en milieu ordinaire », rappelant « l'éventail des dispositions dédiées aux enfants présentant des besoins spécifiques » (Lire : L'école inclusive pas pour tous: "dérapage" de Pap Ndiaye?). Il s'était alors attiré les foudres de certaines associations.
Des handicaps plus tolérés que d'autres ?
Qu'en pensent les autres enseignants ? Selon un sondage de 2023 Ifop/ Collectif Ma place est en classe*, 95 % des enseignants sont favorables à l'insertion, au sein de l'école ordinaire, des élèves avec un handicap... physique. Mais ce chiffre tombe à 44 % en cas de troubles psychiques (Lire : Sondage des enseignants, des handicaps qui bousculent?). L'école inclusive, oui, mais à géométrie variable, selon eux ?
* ANPEA, APF France handicap, ASEI, Droit au savoir, Gapas, FCPE, FISAF, FNASEPH, Fédération PEEP, Trisomie 21 France, UNANIMES