Maroc : amputé après le séisme, Saïd face à sa nouvelle vie

"J'ai regardé le bas de mon corps et j'ai crié", relate Saïd Yahia après avoir perdu ses jambes durant le puissant séisme au Maroc. A 24 ans, il doit désormais apprendre à composer avec sa nouvelle vie qui nécessite un besoin d'assistance permanent.

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Par Kaouthar oudrhiri

Le soir du tremblement de terre, le 8 septembre 2023, Saïd Yahia, 24 ans, dîne avec sa famille quand leur maison "commence à trembler", dans le village de Tamatert, à une centaine de kilomètres au sud de Marrakech. Ils sortent tous à la hâte mais son bébé d'un an et demi est toujours à l'intérieur. Saïd rentre en courant, deux de ses sœurs et son frère le suivent en panique. Il réussit à récupérer l'enfant vivant mais au moment de sortir, un rocher tombe sur le toit, le heurte et lui écrase les jambes, avant d'emporter son frère qui meurt sur le champ.

Les deux jambes coupées

"A ce moment-là, je n'avais pas conscience que j'avais perdu les deux jambes. J'avais mon enfant dans les bras, c'est ce qui importait. C'est ma femme qui m'a dit que mes jambes étaient coupées", raconte-t-il à l'AFP sur son lit d'hôpital. "J'ai regardé le bas de mon corps et j'ai commencé à crier", ajoute le jeune homme, posément. Cette nuit restera "gravée" dans la mémoire de son cousin, Abdelaziz Aoussam, qui est arrivé juste au moment où Saïd était extrait de sa maison en ruine.

"Des efforts phénoménaux"

"Nous l'avons d'abord porté à pied sur quelques kilomètres avant de trouver un pick-up qui a accepté de nous prendre. C'était compliqué car la route était coupée, on l'a déblayée à mains nues", explique cet homme de 25 ans qui est resté au chevet de son cousin depuis son hospitalisation le 16 septembre. Mais au niveau de Oumnass (à 97 km au nord de Tamatert), les rochers sur la route étaient trop grands pour les déplacer et avancer. L'accès aux villages reculés, frappés de plein fouet par le séisme, a d'ailleurs été le principal défi dans les premières heures suivant la catastrophe. "Ils m'ont porté et ont marché jusqu'à ce qu'on trouve une ambulance. Les personnes qui m'accompagnaient ont fait des efforts phénoménaux", lance Saïd Yahia, qui est obligé de marquer des temps d'arrêt à cause de la douleur.

Ne pas oublier la santé mentale

Six heures plus tard, il arrive enfin à l'hôpital provincial de Tahanaout, à une trentaine de km au sud de Marrakech, où il est rapidement pris en charge avant d'être envoyé d'urgence au CHU de la ville ocre. Les urgences de l'hôpital ont accueilli 1 200 blessés en une semaine, note auprès de l'AFP son directeur, Lahcen Boukhanni. Les blessés les plus graves ayant désormais été pris en charge, "il ne faut pas oublier le travail sur la santé mentale", note le directeur, dont l'établissement a mis en place une cellule d'écoute.

Besoin d'assistance permanent

Une semaine après le séisme, qui a fait plus de 2 900 morts, Saïd doit apprendre, petit à petit, à vivre avec son lourd handicap. "Je n'arrive plus à bouger, c'est mon cousin qui m'assiste jour et nuit. Pour le moindre geste, j'ai besoin d'assistance", constate l'homme qui vivait de petits boulots dans la maçonnerie à Marrakech et dans d'autres villes. "J'ai l'impression d'être un nouveau-né qui ne peut rien faire tout seul". Sans savoir quand elle sera possible, il appréhende sa sortie d'hôpital et le retour dans son village de 200 âmes, perché à 2 300 mètres. "Je vis dans un endroit reculé dans les montagnes, je ne sais pas ce que je vais devenir. Ma vie va changer mais je n'y pense pas, dit-il. Ce qui m'importe aujourd'hui, c'est d'être resté en vie."

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