"Mon enfant après moi" : le docu poignant signé Arte

Quelle fin de vie pour les aidants ? Quelle perspective pour leurs enfants handicapés vieillissants ? Des questions que soulève le docu "Mon enfant après moi", diffusé sur Public Sénat le 18 février et disponible en replay sur Arte jusqu'en juin 2023

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« Et toi quand tu vas mourir, qu'est-ce que je vais devenir ? » La question d'Arnaud, 50 ans, tombe comme un couperet. Polyhandicapé depuis une opération cérébrale qui s'est mal passée à l'âge de quatre ans, il a intégré avec sa mère Anne, 84 ans, le château de Boistissandeau, une structure de l'association Handi-Espoir située en Vendée, à mi-chemin entre l'Ehpad et l'établissement d'accueil spécialisé. Unique dans l'Hexagone, ce lieu où cohabitent parents et enfants apparait dans le film Mon enfant après moi, signé Arte. Après une première diffusion sur Arte en août 2022 (disponible en replay sur sa plateforme jusqu'au 19 juin 2023), il est à nouveau programmé le 18 février 2023 à 21h, cette fois-ci sur Public Sénat (canal 13 de la TNT). Ce documentaire de 58 minutes met en lumière un sujet tabou, celui des parents âgés et de l'avenir de leurs enfants handicapés, eux-mêmes vieillissants.

« Continuer à vivre ensemble »

Comme Anne et Arnaud, Annie et Marie-Madeleine ont fait le choix de cette maison d'accueil familial qui offre la perspective d'un avenir serein « pour continuer à vivre ensemble ». Rien n'était pourtant gagné pour Marie-Madeleine. Cette jeune femme trisomique a longtemps été couvée par sa mère à la suite d'une agression en 2016 qui lui a laissé des séquelles psychologiques et une phobie sociale. « Si je disparaissais d'un instant à l'autre, elle est tellement habituée à moi que ce serait dramatique. J'aimerais beaucoup, de mon vivant, la voir dans un endroit où elle est bien », espère Annie au moment de faire les cartons pour Boistissandeau. Une fois installées, difficile pour Maddie de se faire à la collectivité et au changement de vie. Le duo passe en effet d'une grande maison avec jardin à un studio d'une trentaine de mètres carrés avec chambres séparées et accès aux espaces de vie communs à tous les résidents. Le prix à payer « pour enfin souffler », selon Annie.

« Dans notre suite de ligne de vie, il fallait que nous restions ensemble. Je ne me voyais pas moi dans une maison de retraite et lui ailleurs », poursuit Anne. Quitte à signer pour un mode de vie particulier en « vase-clos avec d'autres personnes handicapées », avec aussi quelques moments de répit. Parents et enfants sont en effet accompagnés par une équipe pluridisciplinaire, des aides-soignants et éducateurs spécialisés qui se relaient. Des sorties sur la côte Atlantique ou dans les jardins du parc du château s'organisent pour libérer les parents quelques heures.

Apprendre l'autonomie

Si ces derniers semblent regarder l'horizon d'un œil apaisé, il s'avère plus difficile pour leurs enfants, en quête d'autonomie, d'envisager de faire route seuls. « Quand j'aurai plus maman, où est-ce que je vivrai ? Dans la rue ? Si elle s'en va, la famille ne veut pas de moi parce que je suis handicapée », se désole Armelle, 56 ans. Une séance dans la salle Snoezelen où sont diffusées une musique douce et une lumière tamisée permet de calmer les inquiétudes. Un temps… Car lorsque l'heure de la séparation sonne, de nouveaux repères sont à reconstruire. Odette, 103 ans, a étiré sa vie le plus longtemps possible pour accompagner Pascal, 63 ans. L'homme à la barbe blanche est songeur depuis que sa mère a quitté la chambre mitoyenne. Au moment de ramasser les effets personnels de la matriarche, Franck, le frère de Pascal, raconte que sa mère a vécu « ses plus belles années » à Boistissandeau car « savait que Pascal était à l'abri ». « Il prendra exemple sur ses copains copines », relativise une résidente. Comme Thierry, 49 ans, fier de raconter qu'il « prend désormais sa vie en main, seul ». Un documentaire poignant sur un sujet de société rarement abordé à l'écran avec autant de justesse et de pudeur.

Manque de places dans les établissements 

Avec l'augmentation de l'espérance de vie, « de plus en plus de personnes handicapées atteignent 60 ou 70 ans, et c'est tant mieux », explique Luc Gateau, le président de l'Unapei, l'une des principales associations de familles dans le domaine du handicap intellectuel ou cognitif. Mais on manque « cruellement » de places en établissements pour les prendre en charge, ce qui génère beaucoup d'inquiétude pour les parents, souligne ce responsable. Depuis une vingtaine d'années, les pouvoirs publics ont certes commencé à créer des structures spécialisées pour les adultes handicapés vieillissants, parfois sous la forme de sections dédiées dans des maisons de retraite. Mais l'offre reste largement inférieure à la demande, explique la sociologue Muriel Delporte, qui a écrit sa thèse sur la retraite des travailleurs handicapés. Si bien que de nombreuses personnes concernées sont contraintes de partir, dès la soixantaine, dans un Ehpad, où la prise en charge n'est pas adaptée à leur profil. Le problème sera encore plus aigu dans quelques années, car « les effets du vieillissement vont se cumuler avec ceux du handicap », note Mme Delporte, qui recommande « d'anticiper les besoins », pour éviter d'avoir à chercher une solution en urgence au moment du décès des parents.

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Clotilde Costil, journaliste Handicap.fr"
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