« Depuis un an, ce dispositif révolutionnaire a déjà changé des vies et il peut vous aider à votre tour, si vous en avez besoin. » Sur Twitter, les mots de François Braun, ministre de la Santé, sont dithyrambiques au sujet de « MonParcoursPsy ». Cette plateforme, en ligne depuis le 5 avril 2022, permet le remboursement de huit séances chez un psychologue, par l'Assurance maladie, à toute personne de plus de trois ans en souffrance psychique d'intensité légère à modérée (Lire : Dès le 5 avril, 8 séances de psy remboursées!). MonParcoursPsy a ainsi bénéficié à plus de 90 000 Français ces derniers mois, se félicite le ministère. En revanche, du côté d'une large majorité de psychologues, le son de cloche est différent. L'initiative gouvernementale déplaît depuis ses débuts. Nombre de séances insuffisant, forfait jugé irréaliste, risque de rupture de soins figurent parmi les principales critiques. Le 29 mars 2022, plus de 2 000 thérapeutes signaient déjà une tribune dans Le Monde, appelant au boycott de la plateforme et estimant notamment que le dispositif exclut les troubles psychologiques les plus graves. Un an plus tard, la colère n'est pas retombée.
Un échec selon le Syndicat national des psychologues
Dans un communiqué publié début avril 2023 à l'occasion de ce premier anniversaire, le Syndicat national des psychologues (SNP) parle du dispositif comme d'un véritable « échec », allant « à l'encontre de ce qu'il a toujours défendu », complète-t-il dans une lettre ouverte adressée au Délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier. « Si l'idée d'œuvrer dans le sens d'un remboursement de séances chez un psychologue est louable, les modalités retenues pour ce dispositif ne correspondent pas au cadre d'une prise en charge en libéral, instaurant un faux-semblant préjudiciable au public concerné », poursuit le syndicat. Ce dernier estime que le dispositif « ne répond pas aux besoins du public » en offrant un choix restreint de professionnels, « disqualifie les psychologues », « ubérise la profession » et « privatise les soins psychiques tout en martyrisant les services publics ». Services publics qui proposent déjà ce type de prestations mais qui, faute de moyens, ne peuvent les exercer à grande échelle. « La prise en charge de séances avec un psychologue existe déjà, et ce, depuis 1960 », détaille le SNP qui ne mâche pas ses mots, déplorant un « service public de psychiatrie laissé à l'abandon, voire en lambeaux, par les derniers gouvernements, y compris l'actuel ».
MonParcoursPsy : l'arbre qui cache la forêt ?
Une prise en charge gratuite, c'est en effet ce que proposent les Centres médico-psychologiques (CMP), qui regroupent des spécialistes de la santé mentale depuis 1986. Or, à l'image de la psychiatrie publique, les CMP manquent de moyens depuis plusieurs années, peinent à recruter, saturent et se retrouvent avec des listes d'attente de plus en plus longues. MonParcoursPsy serait-il donc l'arbre qui cache la forêt ? « Faut-il s'acharner à financer ce dispositif qui, à l'issue des huit séances, réadresse les personnes vers ces mêmes structures publiques, venant ainsi encore plus dégrader leur situation de souffrance au prétexte de les soulager », répondent les professionnels en colère. Autre point de tension : la rémunération, jugée « indigne », « qui ne peut conduire qu'à travailler dans des conditions qualitatives très amoindries, en termes de durée et de nombre de séances, laissant les personnes les plus précaires, qui sont pourtant ici visées en priorité, face à leur souffrance psychique ». Pour une majorité de professionnels, MonParcoursPsy contribuerait ainsi à « creuser les inégalités sociales et géographiques d'accès aux soins psychologiques ». En cause ? La lettre d'adressage (nécessaire pour prendre rendez-vous) fournie par le médecin traitant, que certains patients peinent à trouver dans les déserts médicaux. Enfin, les critères d'éligibilité au dispositif posent question. « La notion même de souffrance psychique légère ou modérée montre la méconnaissance du ministère quant au travail des psychologues et au public en souffrance psychique de manière générale », affirme le SNP.
93 % des psy libéraux contre le dispositif
Résultat, 93 % des psychologues libéraux disent aujourd'hui « non » à ce dispositif qui n'a réussi à convaincre que 2 200 psychologues volontaires sur les 70 790 recensés en France (chiffres 2022). Les opposants proposent au gouvernement, hermétique selon eux « à toute discussion », plusieurs solutions : le renforcement des services publics déjà existants et des dispositifs de droit commun (type CMP, hôpital…) avec « la création massive » de postes de psychologues. Ils réclament également « la mise en place d'un véritable dispositif de consultation chez les psychologues libéraux qui implique un accès direct de la population sans passage par un médecin, sans restriction des motifs de consultations et avec des tarifs cohérents avec ceux pratiqués par les professionnels sur le terrain ». Sourd depuis un an aux différentes revendications du syndicat, le ministère de la Santé n'a pas encore réagi à ses dernières propositions. La prochaine évaluation du dispositif n'est prévue qu'en… 2024.