Sourde et muette, Geeta est coincée depuis 13 ans au Pakistan, incapable de rentrer dans son Inde natale car incapable d'expliquer d'où elle vient. Mais la jeune femme a désormais espoir, Delhi a plaidé pour son rapatriement après le succès d'un film évoquant son histoire déchirante. Le film "Bajrangi Bhaijaan", tourné à Bollywood avec les superstars Salman Khan et Kareena Kapoor, a ému le sous-continent indien en racontant, par un jeu de miroir, l'histoire de Geeta, devenue dans la superproduction indienne une jeune Pakistanaise sourde et muette coincée en Inde. La popularité de cette production de Bollywood, qui caracole en tête du box-office depuis sa sortie à la mi-juillet, a poussé les autorités à Delhi à plaider pour la première fois pour le rapatriement de cette jeune femme qui tente de retracer les fils de son histoire.
Risque de maltraitance en prison
Agée d'une vingtaine d'années, Geeta vit à Karachi (sud), dans un refuge pour femmes géré par la fondation Edhi, plus importante organisation caritative du Pakistan, après avoir été retrouvée, gamine, sans papier et totalement désorientée à Lahore (est) dans un train en provenance de l'Inde. "A l'époque, les autorités nous ont dit qu'elle allait être maltraitée en prison et qu'elle allait devoir passer au travers d'interminables procédures administratives", raconte Faisal Edhi, directeur des opérations de la fondation éponyme qui a finalement pris la jeune fille anonyme sous son aile et lui a donné son nom, Geeta. Mais les circonstances qui ont conduit la jeune indienne au Pakistan rival demeurent floues et d'autant plus nébuleuses qu'elle peine à la fois à se souvenir de sa propre histoire et à communiquer.
Des signes improvisés
Sourde et muette, Geeta s'exprime par des signes improvisés et parvient à écrire quelques mots comme "Telangana", nom d'un Etat du sud de l'Inde, "Peddavura", le nom d'un village, et le nombre 193 qui pourrait correspondre à l'adresse de sa maison familiale. Son cas, resté dans l'ombre pendant des années, avait fait surface en 2012. Interrogée à l'époque par l'AFP, elle affirmait alors avoir quitté son village après une dispute avec ses parents mais, cette semaine, elle a plutôt confié avoir perdu sa famille dans un grand festival hindou.
Vivre d'espoir
Dans un refuge pour femmes de la vieille ville de Karachi, Geeta garde précieusement des images de divinités hindous, fait brûler de l'encens et sonne les cloches d'un mini-temple. "Elle prie ses dieux au temple et prie également avec ses consoeurs musulmanes, elle fait même le jeûne pendant le mois du ramadan", explique M. Edhi, dont l'organisation n'a jamais réussi à retrouver la trace de la famille de Geeta en Inde, puissance nucléaire rivale du Pakistan. "En 2013, un diplomate indien est venu ici pour s'enquérir du sort de Geeta, tout en nous prévenant qu'elle risquait de croupir en prison en Inde car elle n'a aucun document de voyage ou d'identification", dit-il. "Nous avons donc préféré la garder ici plutôt que de la plonger dans une autre épreuve".
"J'aime ma maison là-bas"
Mais le succès de la comédie romantique "Bajrangi Bhaijaan" a changé la donne. Le 5 août 2015, le Haut-commissaire indien au Pakistan, T.C.A Raghavan, a rencontré Geeta à Karachi. Peu après, la ministre indienne des Affaires étrangères, Shushma Swaraj, a twitté : "Nous allons ramener Geeta en Inde". La principale intéressée a elle vu le film romancé sur sa vie et éclaté en sanglots lorsque l'héroïne retrouve sa mère au terme de son odyssée dans les limbes. "J'aime ma maison là-bas", exprime Geeta, les yeux scintillants, en faisant un signe de "coeur" avec ses mains.
Par Ashraf Khan