Numéro d'urgence : les coulisses du 114 avec un agent sourd

Mis en place en 2011, le numéro d'urgence destiné aux personnes déficientes auditives et à leur entourage reste méconnu. Un agent de régulation non-entendant dévoile les coulisses du 114 à l'occasion de la Journée mondiale des sourds du 28 septembre.

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Deux agents de régulation répondent à un appel d’urgence en visio en LSF.

Handicap.fr : En moyenne, combien d'appels le 114 reçoit-il par jour ?
Christophe Gérout, cadre de santé du Centre national relais 114
 : Ce service public d'urgence gratuit, disponible 24h/24h et 7j/7, reçoit au total 110 dossiers par jour environ, dont une vingtaine est relayée vers les numéros d'urgence 15, 17 et 18 (et autres numéros partenaires). Ce chiffre est en constante augmentation depuis l'ouverture du service en septembre 2011. Il y a d'abord eu une première hausse en 2018 avec la mise en place des appels en visio, une seconde lors de la pandémie de Covid-19, puis de nouveau lors du confinement et l'arrivée du traitement des « appels discrets ».

H.fr : Est-il exclusivement dédié aux personnes déficiences auditives ?
CG : Il est principalement dédié aux personnes sourdes, sourdaveugles, malentendantes ou aphasiques ainsi qu'à toutes celles qui rencontrent des difficultés à entendre ou à parler temporairement. Mais il s'adresse aussi à l'entourage au sens large : aidants, famille et amis, médecins, pharmaciens, praticiens paramédicaux, écoles adaptées et associations, interprètes en langue des signes, services publics de proximité... Tous peuvent le faire connaître aux principaux intéressés.

H.fr : Quel est le profil des répondants ?
CG : Installée au cœur du CHU Grenoble-Alpes, la plateforme de réception d'appels compte 22 agents qui travaillent en binômes (sourd/entendant), ce qui leur permet d'agir efficacement auprès des appelants, d'une part, et des services d'urgence d'autre part. Nous avons tous suivi une formation initiale de six semaines, qui comprend l'apprentissage de la Langue des signes française (LSF) et la prise en charge de tous les types d'urgence. En complément, des formations continues nous permettent d'évoluer en permanence.

H.fr : Comment se déroule un appel ?
CG 
: Toute personne victime ou témoin d'une situation d'urgence (accident, agression, malaise, incendie...) peut contacter le 114 par SMS ou en visio via l'application « Urgence 114 » (L'appli 114 en cas d'urgence pour les sourds est lancée !). Le répondant reçoit l'appel sur son poste informatique et l'échange commence, en SMS ou en visio. Selon les situations, il peut avoir de nombreuses questions à poser afin déterminer la localisation de l'incident, les circonstances précises, l'identité des témoins ou des victimes...

Une fois ces informations récoltées, les agents de régulation préviennent par téléphone les services d'urgence du département (SAMU, police ou gendarmerie, sapeurs-pompiers). Ce sont les secours locaux qui décident alors de l'action à entreprendre (intervention, conseil, etc.), comme ils le font habituellement pour tout appel téléphonique d'urgence.

La durée est relativement équivalente à celle d'un appel aux numéros de secours classiques (pour un entendant), entre deux et trois minutes.

H.fr : Quel est la cause principale des appels ?
CG : Les appels d'entendants restent majoritaires. Près de la moitié des appels relèvent de besoins médicaux (fièvre de l'enfant, douleurs abdominales) et sont relayés vers le Samu (15). Beaucoup d'appels de personnes sourdes sont également liés à la difficulté de prendre directement rendez-vous avec un médecin généraliste en raison du handicap.

H.fr : Selon la 2e édition du baromètre Viavoice, réalisé en juin 2024, seuls 15 % des Français ont déjà entendu parlé du 114 et, plus préoccupant, 20 % des familles concernées par la surdité. Comment expliquer que, dans une communauté sourde au sein de laquelle l'information circule rapidement, le numéro 114 souffre encore d'un déficit de notoriété ?
CG : Le 114 reste, effectivement, méconnu (114, N° d'urgence pour sourds : pas assez connu!) mais nous mettons régulièrement en place des actions de communication pour permettre à la population cible de se l'approprier et de l'utiliser directement au moment de l'urgence.

H.fr : Avez-vous observé une évolution/détérioration de la santé mentale des personnes sourdes au fil des années ?
CG : Nous ne pouvons pas parler d'évolution mais le recours au 114 pour des problématiques de « santé mentale » devient effectivement plus fréquent.

H.fr : Un suivi est-il proposé à l'issue de l'échange ?
CG : Le 114 est un numéro d'urgence, de ce fait, il n'implique pas de suivi. Nous réorientons toutefois, et quand cela et nécessaire et possible, les requérants vers les services partenaires : 3919 (Violences femmes info), UASS (Unité d'accueil et de soins pour les sourds), 3114 (Suicide écoute), 115 (Numéro d'urgence sociale), 119 (Enfance en danger)...

© 114

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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