La décision de la justice européenne sur l'obésité qui peut être considérée comme un "handicap" au travail, ne changera pas la donne en France en matière de discrimination car le droit est déjà protecteur, selon le Défenseur des droits, des associations pointant de leur côté un "paradoxe".
Relève de la notion de « handicap »
La Cour de justice de l'Union européenne avait été saisie par la justice danoise sur le cas d'un assistant maternel qui estimait avoir été licencié parce qu'il était obèse (lire article en lien ci-dessous). Pour la Cour européenne, si le droit européen n'interdit pas explicitement la discrimination fondée sur l'obésité, il interdit en revanche la discrimination basée sur le handicap. Or l'obésité peut "relever de la notion de handicap", a jugé le 17 décembre 2014 la Cour si elle rend difficile la vie professionnelle de la personne qui en souffre.
Le point du vue du Défenseur des droits
Du côté du Défenseur des droits, qui peut être saisi par toute personne qui s'estime victime de discrimination, on souligne que les normes européennes s'appliquent à la France, donc que cette décision s'appliquera. Mais, explique l'autorité, "pour nous ce n'est peut-être pas aussi symbolique que dans d'autres pays puisque nous avons 21 critères qui sont éligibles au titre de la discrimination et il y a à la fois le handicap, l'apparence physique et l'état de santé". En clair, les personnes obèses sont déjà protégées des discriminations.
Freiner les embauches ?
Me Eric Rocheblave, avocat en droit social dit "que l'obésité soit handicapante ou pas, on ne peut pas licencier quelqu'un pour ce motif". "C'est la théorie, mais dans la pratique, ça ne se passe pas comme ça", affirme de son côté Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses (CNAO). "C'est évident qu'il y a de la discrimination que ce soit à l'embauche ou après ; vous ne décollez pas de la case où on vous a mis. L'obésité est aussi un motif de licenciement, "même si ce n'est pas dit comme ça". La décision européenne, "je ne sais pas si c'est une bonne chose"," j'ai un peu peur que ça freine les embauches, le paradoxe est là", dit-elle.
1.4 milliard de personnes concernées
Sylvie Benkemoun, vice-présidente de l'association Gros (Groupe de réflexion sur l'obésité et le surpoids), souligne de son côté que cela "peut aider des personnes qui sont en grande difficulté, mais le risque c'est, dans un climat de stigmatisation et de discrimination, que ce soit la porte ouverte au refus d'une personne obèse en disant qu'elle est handicapée". Selon l'OMS, le nombre de cas d'obésité a doublé depuis 1980. Le surpoids concerne 1,4 milliard de personnes de 20 ans et plus, parmi lesquelles plus de 200 millions d'hommes et près 300 millions de femmes sont obèses.
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