Par Sophie Laubie
"On a des temps partiels imposés. La plupart des AESH (ex-AVS) travaillent 24 heures par semaine et les salaires sont en-dessous du seuil de pauvreté", énumère Sylvie Serrano accompagnante dans un lycée professionnel des Hautes-Pyrénées, représentante à la FSU, l'un des syndicats à l'origine de la mobilisation aux côtés de la CGT, de FO, Sud, du SNALC et du SNLC. Des rassemblements sont organisés le 19 octobre 2021 dans plus de 80 villes, après des mobilisations déjà, en avril et juin 2021.
Une profession en grande précarité
"La formation initiale et continue est ridicule et on a des statuts précaires", détaille-t-elle, alors que les AESH même en Contrat à durée indéterminée (CDI) n'ont pas le statut de fonctionnaire de l'Education nationale et n'ont que 60 heures de formation initiale. "Le salaire moyen est d'environ 760 euros et l'évolution de carrière est misérable", renchérit Anne Falciola, AESH dans un collège de l'Ain et représentante CGT. "Quand j'arrive à mettre de l'essence et à payer mes charges, je m'estime heureuse". Salaires, statut, formation, conditions de travail... : la liste des motifs d'insatisfaction est longue. Une profession "à 90% féminine", "en grande précarité" mais pourtant "indispensable à la vie des écoles", souligne Guislaine David, secrétaire générale du Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire.
Une augmentation de 35% en 5 ans
Les AESH étaient 125 500 à la rentrée, soit une augmentation de 35% en cinq ans, selon les chiffres du ministère de l'Education, tandis que plus de 400 000 élèves en situation de handicap étaient scolarisés dans les écoles et établissements. Le ministère a mis en place une grille indiciaire rénovée pour leurs rémunérations, mais "largement insuffisante" selon les syndicats. Il a aussi annoncé la création de 4 000 nouveaux emplois d'AESH pour la rentrée 2022, mais là aussi jugée bien en-deçà des besoins. "Il y a toujours beaucoup d'enfants qui n'ont pas d'AESH", constate Marion Aubry, vice-présidente de l'association TouPI, qui défend les droits des personnes handicapées. "On est en situation de pénurie et on court toujours après le train sans le rattraper", ajoute-t-elle, regrettant "la faible attractivité du métier".
Les PIAL sur la touche
Les AESH sont en outre unanimes pour dénoncer une dégradation de leurs conditions de travail depuis la création des PIAL, ces Pôles inclusifs d'accompagnement localisés mis en place en 2019 et généralisés depuis pour mieux coordonner leurs interventions, mais qui leur imposent de suivre souvent davantage d'élèves. Ils ont contribué à "déshumaniser cette fonction", estime Katia Batailler, AESH dans les Deux-Sèvres. Les syndicats réclament leur abandon, comme celui de la "mutualisation systématique des moyens". "Depuis l'arrivée des PIAL, suivre quatre ou cinq élèves c'est courant, et ça l'est aussi qu'un élève puisse avoir plusieurs AESH", témoigne Sylvie Serrano, qui fustige "des emplois du temps complétement fragmentés". Car si certains enfants ont droit à un accompagnant individuel, beaucoup doivent désormais se partager un accompagnant, dit "mutualisé". "On nous superpose des gamins avec des handicaps différents dans la même classe. On doit jongler", raconte Véronique, accompagnante dans l'Oise. "Quand on a trois élèves à gérer dans une même classe, un autiste, un avec des troubles de l'attention et un jeune avec des troubles dys, la recette n'existe pas", déplore Anne Falciola.
Des parents exaspérés
Du côté des parents également, l'exaspération est grande alors que beaucoup d'enfants sont privés de tout ou partie des heures d'accompagnement auxquelles ils ont droit. Certaines familles n'hésitent pas à se tourner aujourd'hui vers la justice, comme Laetitia Sarre, qui a obtenu en juin la condamnation de l'académie d'Aix-Marseille pour non-respect du nombre d'heures d'accompagnement de son fils autiste à Marseille. "C'est un parcours du combattant terrible pour avoir ces moyens auxquels ils ont droit", dit-elle. "Seize ans après la loi de 2005 sur l'inclusion, on ne peut pas être à ce niveau de médiocrité pour l'accompagnement de ces élèves" résume Virginie Schmidt, AESH en collège en Lorraine et représentante CGT. "C'est vraiment tout le système qui part à la dérive".