La France respecte-t-elle la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées des Nations unies ? Encore quelques jours pour le savoir… Les 18, 20 et 23 août 2021, elle devra répondre aux questions du Comité dédié. Composé d'experts indépendants, pour la grande majorité en situation de handicap, issus des cinq continents, il est chargé de surveiller l'application de la Convention par les Etats parties. Il tient deux sessions par an. Six autres pays doivent être examinés dans le cadre de sa 25e session, du 16 août au 10 septembre 2021. La France devait être entendue en 2020 mais, Covid oblige, la date a été repoussée. Une délégation officielle devait se rendre à Genève (Suisse) mais, Covid oblige, l'audition se fera en visio-conférence, diffusée sur la web TV des Nations unies de 12h30 à 14h30, traduite en LSF et sous-titrée, disponible également en replay (en lien ci-dessous).
La délégation française
Composée et conduite par Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, la délégation française comprend une quinzaine de personnes, notamment Claire Compagnon, déléguée à la stratégie autisme, certains des hauts fonctionnaires dédiés au handicap dans chaque ministère ainsi que la secrétaire générale du CIH (Comité interministériel du handicap), l'ambassadeur de France en Suisse ou encore Matthieu Annereau en tant qu'élu en situation de handicap… Un représentant du Défenseur des droits sera également présent, chargé de porter la parole des personnes handicapées et des associations, sorte de « partie civile » même si cette audition n'a rien d'un « procès » ; la délégation sera tenue de faire un état des lieux de l'application des 33 articles de la Convention en France, qui fait suite au premier rapport rendu par notre pays en 2016. C'est la première fois qu'il est auditionné par l'ONU depuis qu'il a ratifié la Convention en 2010.
2 rapports sans langue de bois
En 2017, après sa visite dans l'Hexagone, Catalina Devandas-Aguilar, rapporteure de l'ONU, avait rédigé un rapport préliminaire (article en lien ci-dessous). Sans langue de bois, elle y saluait des avancées mais faisait également part de ses vives inquiétudes, assurant que la France devait fournir de gros efforts. Puis, en 2019, un second opus fut publié, plus détaillé. Vingt-deux pages au total pour passer en revue les « lacunes et les domaines dans lesquels des améliorations doivent être apportées » et formuler « des recommandations pour aider le gouvernement à transformer la société française ». Est maintenant venu le temps de la confrontation…
Des axes d'amélioration
De nombreux « points de fragilité » sont encore à l'ordre du jour, notamment en matière d'accessibilité mais également sur la question de la « désinstitutionalisation ». Madame Devandas avait jeté un pavé dans la marre en affirmant que, « par définition, un bon établissement n'existe pas », nourrissant l'ensemble de son discours d'une volonté farouche d'accorder aux personnes handicapées leur pleine citoyenneté en milieu ordinaire, au risque d'ébranler un système français bien rodé où la vie en institution est le plus souvent la norme. La mise en cause de l'organisation de notre offre médico-sociale avait eu le don de fâcher les grandes associations gestionnaires, qui, selon le rapport, siègent encore « trop majoritairement » au sein du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH).
Une loi handicap en-deçà des attentes
La rapporteure avait également donné un coup de canif à la loi handicap de 2005, pourtant présentée comme un texte fondateur, ne la jugeant pas « pleinement conforme à la Convention » et avec « une portée plus limitée », puisqu'elle ne fait « pas référence aux droits fondamentaux tels que les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne… ». Pour le Collectif handicaps, qui rassemble une cinquantaine d'associations françaises, « malgré des avancées certaines (...) le chemin vers une société permettant aux personnes en situation de handicap de choisir librement leur mode de vie est pour le moins semé d'embûches ». L'ONU concluait qu'en France, les personnes handicapées sont « mises à l'écart ». L'institution réclamait également, faisant écho aux revendications des associations françaises de personnes handicapées, une grande campagne nationale de sensibilisation dans les médias ; elle est désormais programmée pour l'automne 2021 (article en lien ci-dessous).
Vers des réformes plus profondes ?
Ce rapport adresse, au total, une quarantaine de recommandations. Ont-elles été suivies d'effet ? C'est tout l'enjeu de cette audition, dont les questions ne sont pas connues à l'avance et qui, sur trois jours, devrait prendre le temps de passer au crible notre politique handicap. La délégation française devra apporter des réponses concrètes. A l'issue, des recommandations seront formulées par le Comité onusien en septembre 2021. S'il ne se satisfait pas de ce bilan, serait-ce l'occasion d'engager des réformes plus profondes ? « Nous serons attentifs à ses conclusions », a prévenu le Collectif handicaps.
Des prérequis indispensables
Ce dernier rappelle que, pour atteindre l'horizon d'une société dite inclusive, les politiques publiques doivent :
- rendre accessibles les services y compris numériques, les équipements, l'information, les bâtiments publics à tous les types de handicap selon les principes de la conception universelle (Article 2 de la Convention) ;
- permettre aux personnes en situation de handicap et à leur famille de disposer de ressources et de moyens de compensation suffisants pour vivre de manière indépendante au-dessus du seuil de pauvreté (Article 28) ;
- offrir un choix effectif et une gamme de services d'accompagnement et d'appui de qualité en nombre suffisant, pour les personnes en situation de handicap, leur famille et proches aidants (Article 19).