Orthoprothésistes en crise : 850 000 Français en danger?

"Nous ignorer, c'est ignorer 850 000 Français handicapés." Traversant une "crise sans précédent", les orthoprothésistes lancent une campagne coup de gueule, réclamant une revalorisation de 10% pour sauver la profession... et les patients.

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L’affiche montrant un homme amputé en équilibre sur une jambe sans prothèse.

« Sans mon orthoprothésiste, ma vie va vite devenir un enfer. » Le ton est grave, le slogan percutant. Se disant « en danger », l'Union française des orthoprothésistes (Ufop) lance, le 5 mars 2024, une campagne afin d'alerter les pouvoirs publics sur la crise « sans précédent » que traverse cette profession « de plus en plus sollicitée », en raison du vieillissement de la population, et « particulièrement indispensable » en cette année paralympique.

Tarifs bloqués depuis 2017 !

Les orthoprothésistes sont doublement impactés par l'inflation qui sévit depuis 2022 et le gel des tarifs en ortho-prothèses bloqué par les pouvoirs publics depuis… 2017 ! « Concrètement nous subissons de plein fouet l'augmentation des tarifs des composants prothétiques et orthétiques, la flambée des prix des matières premières (plastique, carbone, silicone...), l'augmentation des charges, des loyers, de l'énergie et la hausse des prix du carburant qui impacte fortement nos nombreux déplacements sur les lieux de vie », déplore Jean-François Cantero, son président.

Une perte de chance pour les patients

Selon lui, cette situation « critique » montre déjà des effets sur le terrain : regroupement ou fermeture de cabinets, spécialisation sur certains types d'appareillages... Or, « à chaque fois qu'un orthoprothésiste met la clé sous la porte, c'est une perte de chance importante pour les 850 000 patients en situation de handicap ou en perte d'autonomie suivis, martèle-t-il. Nous ignorer, c'est ignorer tous ces Français ! » « Seuls les pouvoirs publics ont les moyens de sécuriser notre profession et nos patients », poursuit-il. La solution, selon lui ? Revaloriser a minima de 10 % les tarifs règlementaires en ortho-prothèse (Les orthoprothésistes réclament une hausse de leurs tarifs). « Trente deux millions d'euros, c'est l'épaisseur d'un trait pour les finances publiques ! C'est le minimum requis pour assurer l'avenir de la profession et pérenniser l'efficience des patients. »

Sortir de l'invisibilité ?

A situation inédite, action inédite ! « Cette campagne est une première pour nous. Notre profession s'est faite violence pour sortir de son invisibilité, de sa discrétion habituelle », confie Jean-François Cantero, espérant ainsi « déclencher une vraie prise de conscience ». « Nos patients ne peuvent pas se passer d'appareillage, cela permet d'amortir le handicap. L'objectif est d'aller aux toilettes, de faire ses courses, de porter son bébé..., explique Florian Ferrando, orthoprothésiste et directeur régional du groupe Orthoway. Pour certains enfants, l'absence d'un corset siège serait tout bonnement catastrophique ! » Dans le cadre d'un handicap de naissance, d'un accident de la vie ou encore d'une maladie de longue durée, de plus en plus de personnes sollicitent ces professionnels de santé pour concevoir et fabriquer des appareillages répondant spécifiquement à leurs besoins. Une mission chronophage et délicate.

Des appareils vendus à perte ?

« Le temps moyen consacré à un patient est de cinquante minutes, contre quinze pour un médecin généraliste, souligne Florian Ferrando. Impossible de compter les minutes, tout est fait sur-mesure. » « Cela me prend parfois une demi-journée pour faire un réglage sur des prothèses ou lames de course », renchérit Romain Seguin, orthoprothésiste. Pourtant, pour maintenir « le reste à charge zéro », « on va devoir intervenir sur le temps passé, les matériaux... », présage M. Ferrando, indiquant que certains professionnels vendent, depuis plusieurs années, des appareils à perte. Leitmotiv ? « La dignité, l'autonomie et l'intégration » des patients est en jeu.

« Mon ortho, un membre de mon équipe ! »

« Sans Romain, mon ortho' depuis cinq ans, j'aurais une vie et un parcours complètement différent, abonde Pierre-Antoine Bel, para triathlète, appareillé depuis l'âge de six ans. Il fait pleinement partie de mon équipe et booste mes performances grâce à ses réglages particulièrement fins et sa présence constante. » A six mois des Jeux paralympiques de Paris 2024, l'enjeu est donc particulièrement important, estime l'Ufop. A fortiori lorsque le gouvernement annonce en 2023 que la prise en charge par la Prestation de compensation du handicap (PCH) des prothèses sportives sera améliorée, en particulier celle des lames de course. Un effet d'aubaine qui risque d'intensifier le nombre de demandes...

Allié indispensable des para athlètes

« Que deviendrait le paralympisme sans un suivi et un accompagnement personnalisé des para athlètes ? Sans les orthèses et les prothèses que nous concevons, sans les lames de sport qui sortent de l'ombre et que les athlètes arborent désormais fièrement, ces hommes et ces femmes d'exception ne pourraient pas être ceux qu'ils sont, des athlètes remarquables en quête de performances toujours plus fortes », interpelle Jean-François Cantero.

Pour sauver ce « maillon essentiel du parcours de santé et de vie des personnes handicapées », l'Ufop lance une pétition sur Change.org, exhortant le gouvernement à les « inclure dans ses priorités ».

© Campagne de l'Ufop

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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