Menace dans nos placards ? L'exposition à certains produits chimiques ménagers très courants pourrait augmenter le risque de maladies neurologiques, comme la sclérose en plaques, ou de troubles neurodéveloppementaux (TND), comme l'autisme ou le TDAH (trouble déficit de l'attention), en hausse constante au cours de la dernière décennie. C'est ce qui ressort d'une étude américaine, menée par la faculté de médecine de Case western reserve, publiée dans Nature Neuroscience en mars 2024.
Quels produits ?
Certains produits chimiques environnementaux sont concernés, répartis en deux classes. Tout d'abord les retardateurs de flamme organophosphorés (RFOP), résistants au feu, utilisés dans la fabrication de colorants, de vernis, de textiles, de résines, mais aussi les composés d'ammonium quaternaire (QAC), « omniprésents dans de nombreux produits de soins personnels, comme les shampoings, et désinfectants », selon les auteurs de l'étude.
Ils endommageraient des cellules cérébrales vitales appelées oligodendrocytes. Initiées au stade fœtal et se développant tout au long de la vie, elles ont pour fonction de fabriquer et maintenir la gaine de myéline qui protège les cellules nerveuses et accélère la transmission de l'influx nerveux.
300 produits cytotoxiques sur 1 800
Lors des tests, ces cellules ont été exposées à 1 823 produits chimiques différents. Conclusion : si plus de 80 % n'ont eu aucun effet sur le développement des oligodendrocytes, 292 se sont avérés « cytotoxiques » (c'est-à-dire toxiques pour les cellules), avec des « effets indésirables sur le développement neurologique ». Même si l'étude utilise un modèle de souris et des cultures en laboratoire, elle pourrait avoir de profondes implications sur la santé humaine. En effet, les chercheurs ont ensuite évalué les niveaux d'organophosphates chez des enfants de trois à onze ans en analysant leur urine. Résultat, ceux ayant les niveaux les plus élevés étaient deux à six fois plus susceptibles d'avoir des besoins éducatifs spéciaux ou un dysfonctionnement moteur.
Des alternatives moins nocives
Objectif de cette étude ? Alerter afin de réduire l'exposition à ces produits pour les publics les plus fragiles (femmes enceintes, enfants et personnes atteintes de maladies chroniques), alors même que leur consommation a explosé depuis la pandémie de Covid, notamment en ce qui concerne les désinfectants (QAC). Des alternatives ? Les acides caprylique et citrique, le vinaigre blanc, le savon noir, le bicarbonate de soude et d'autres ingrédients actifs tels que le peroxyde d'hydrogène et l'alcool.
Faire preuve de prudence !
Le Dr Sarkar, professeur adjoint de médecine environnementale et de neurosciences au centre médical de l'Université de Rochester, cité par le media ma-clinique.fr, recommande malgré tout de « faire preuve de prudence lors de l'interprétation des résultats », tout en convenant qu'ils « pourraient servir de base à de futures études ». Les auteurs de l'étude soulignent, eux aussi, « la nécessité d'un examen plus approfondi des impacts de ces composés sur la santé humaine ».
Porté par de nombreuses équipes
Selon Etienne Pot, délégué interministériel aux TND, « l'étude de facteurs environnementaux, pouvant contribuer, in utero, à l'apparition de troubles du neurodéveloppement, est porté par de nombreuses équipes à travers le monde ». « On sait que l'exposition à des toxiques majeurs pendant la grossesse peut être un facteur de risque, raison pour laquelle nous l'avons fait apparaître dans le livret de dépistage destiné aux 0-7 ans » (Autisme, TND : repérage systématique dans le carnet de santé).
Des causes multifactorielles
« Comme le souligne les auteurs, on ne peut toujours rien conclure avec certitude, si ce n'est réaffirmer que l'autisme et les autres TND sont bien présents dès la naissance et que les causes sont probablement multifactorielles, incluant une part génétique », ajoute-t-il. La recherche se poursuit et c'est aussi l'intérêt de la Cohorte Marianne, lancée en France en 2023 (Marianne : une cohorte géante pour saisir l'origine des TND). « Le plus important étant de rappeler que les parents et leur façon de se comporter les premiers mois de vie n'ont rien à voir dans l'apparition des TND », conclut Etienne Pot.
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