Par Sam Reeves
Sur les pistes du site de ski nordique d'Alpensia des Jeux de Pyeongchang (Corée du Sud), Kim Jong Hyon et Ma Yu Chol participent aux épreuves de ski de fond des Paralympiques 2018, en catégorie assis. Encouragés par les spectateurs sud-coréens, ils ont toutefois terminé aux dernière et avant-dernière places de leur première course (15 kilomètres), à près d'une demi-heure du vainqueur, n'ayant découvert les sports d'hiver il y a seulement trois mois. Mais l'essentiel est ailleurs… C'est en effet la première fois de son histoire que la Corée du Nord envoie une délégation aux Jeux paralympiques d'hiver ; un geste vu comme une nouvelle ouverture de la dictature sur la question du handicap.
Une initiative saluée par l'Onu
"Je pense qu'il s'agit d'un bon signe sur la façon dont la Corée du Nord veut soutenir la participation des personnes handicapées", a souligné pour l'AFP Catalina Devandas-Aguilar, rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées auprès du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme (HCDH). "Le gouvernement est très fier de son soutien à la participation des personnes avec un handicap dans le sport", a-t-elle ajouté. Si la Corée du Nord a participé à sa première édition des Jeux olympiques en 1964 -dans la version hivernale à Innsbruck (Autriche)-, il aura fallu attendre plus d'un demi-siècle et 2012 pour que le pays s'aligne aux Paralympiques -estivaux- à Londres.
Placés dans des camps
La dictature nord-coréenne a souvent été épinglée pour son traitement de la question des personnes handicapées, avec notamment un rapport de l'ONU en 2006 qui l'accusait de les éloigner de la capitale Pyongyang, vitrine du régime, et de les placer dans des camps où ils étaient affectés selon la nature de leur déficience. Les témoignages des personnes handicapées ayant réussi à fuir le Nord donnent du crédit à ces accusations. "La vie est vraiment difficile pour les personnes handicapées en Corée du Nord. Et la façon dont les gens regardent les handicapés n'est pas vraiment agréable", affirme ainsi Choi Kwang-hyouk, joueur de l'équipe de Corée du Sud de hockey sur luge aux Paralympiques-2018 à Pyeongchang, ancien Nord-Coréen et transfuge au Sud.
Défilé séparé
Toutefois, la participation nord-coréenne aux Paralympiques 2018 est vue par certains comme le dernier signe d'une ouverture de Pyongyang dans son traitement des personnes handicapées. En décembre 2016, la Corée du Nord a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et Catalina Devandas-Aguilar a été autorisée à se rendre au Nord en mai 2017, une première pour un expert indépendant désigné par le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU. À son retour, elle a positivement accueilli certaines améliorations, comme la reconnaissance du langage des signes comme langue officielle, tout en soulignant qu'il y avait encore des progrès à réaliser. Mais contrairement aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, où les deux Corées ont défilé ensemble lors de la cérémonie d'ouverture sous la bannière de l'unification, les Paralympiques ont donné lieu à un défilé séparé pour l'ouverture (article en lien ci-dessous).
Un message fort de paix ?
Pour Robert King, ancien émissaire américain pour les droits de l'Homme en Corée du Nord, le régime de Pyongyang s'est amélioré sur la question du handicap mais y voit un domaine où il est facile de faire des réformes pour parer les critiques internationales. "Cela ne représente pas un coût politique énorme pour eux", a-t-il expliqué à l'AFP, ajoutant que cela n'empêchait pas la dictature de contrôler étroitement le pays. Quelles que soient les intentions du régime nord-coréen, les organisateurs des Paralympiques 2018 ont loué la présence de deux parafondeurs. "La participation de la Corée du Nord et de deux fondeurs est extrêmement importante et envoie un message fort de paix via le sport", s'est ainsi réjoui Andrew Parsons, président du Comité international paralympique.