Paralysie cérébrale: bienfaits du peau à peau pour les préma

Réguler la fréquence cardiaque et le sommeil, atténuer le stress, favoriser le lien d'attachement parent-enfant... Le peau à peau offre de nombreux bienfaits, a fortiori pour les bébés nés prématurément qui présentent un risque de paralysie cérébrale

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Une maman à l’hôpital fait du peau à peau avec son bébé né prématurément.

55 000. C'est le nombre d'enfants qui naissent prématurément, c'est-à-dire avant 36 semaines d'aménorrhées, chaque année en France. L'immaturité de leurs organes, de leur cerveau notamment, les rend vulnérables. De ce fait, certains d'entre eux développeront des troubles du neurodéveloppement parmi lesquels une paralysie cérébrale, première cause de handicap moteur chez l'enfant. La moitié des enfants avec une paralysie cérébrale sont nés prématurément. Pour limiter l'impact sur leur développement, le « peau à peau », initié dans les services de néonatologie, fait partie des méthodes recommandées, particulièrement pour ces nouveau-nés, soumis à un stress conséquent.

Olivier Baud, vice-président de la Fondation paralysie cérébrale et néonatalogiste (médecin spécialisé dans les soins des nouveau-nés à risques ou dont l'état s'est dégradé après la naissance), dévoile les avantages de la « méthode kangourou ».

H.fr : En quoi consiste le « peau à peau » précisément ?
Olivier Baud : Cette méthode consiste à placer l'enfant nu, ou avec une couche, sur le torse ou le ventre de l'un de ses parents, afin de lui permettre d'entrer en contact sensoriel avec le parent (odeur, chaleur, toucher, vibration de la voix, etc…).

Ce contact rapproché apporte du confort, du réconfort et permet la diffusion de certaines hormones, comme l'ocytocine. Appelée « hormone de l'amour » ou du « bonheur », elle joue un rôle crucial dans les moments de connexion humaine, notamment entre une maman et son bébé. Le fait d'induire cette modification hormonale, liée à l'émotion que peut susciter le peau à peau, est très important car les nouveau-nés prématurés sont hospitalisés dans un contexte qui peut être très anxiogène. Ce stress va alors engendrer de nombreuses modifications physiologiques et favoriser l'inflammation, un processus biologique de défense, qui peut interférer avec la maturation de certains organes, et notamment du cerveau.

H.fr : Quels sont les autres bénéfices ?
OB : Pour tous les bébés, cette méthode contribue à apporter du bien-être mais aussi à réguler les rythmes respiratoire et cardiaque ainsi que la température et le sommeil. Les constantes physiologiques vont alors se normaliser face à une situation stressante. Tous ces bienfaits sont démultipliés chez le nouveau-né prématuré, qui est particulièrement exposé au stress. Ce moment privilégié favorise, en outre, les interactions parents-bébés.

H.fr : À quel moment le pratiquer ?
OB : Dès la naissance. L'idée est de placer immédiatement l'enfant sur l'un de ses parents, si son état respiratoire et ses fonctions vitales le permettent, avant de l'installer dans son incubateur (ndlr : ou couveuse). Des études, notamment scandinaves, démontrent que le concept de « zéro séparation » permet un attachement parental plus important et plus précoce. Or le système actuel implique de séparer ces bébés de leurs parents au moment de leur prise en charge en salle de naissance, ce qui engendre des interférences sur le plan de l'attachement physiologique. Certains parents se sentent ainsi « dépossédés » de leur rôle, au profit des soignants.

H.fr : Durant combien de temps l'enfant doit-il rester au contact de la peau de ses parents ?
OB : Sa durée n'est pas limitée, plus il y en a, mieux c'est ! Mais il faut évidemment tenir compte de la problématique d'organisation des soins, tous les enfants ne peuvent pas bénéficier d'un peau à peau 24h/24, parce que leur état clinique est trop instable. Pour en ressentir tous les bénéfices, il doit être pratiqué a minima 1 à 2 heures par jour, mais il peut se prolonger pendant 4, 6 ou 8 heures. Mais l'idée n'est pas de l'imposer aux parents, ce doit être un souhait et un moment de plaisir.

H.fr : En quoi cette méthode contribue-t-elle à limiter les conséquences des lésions cérébrales ?
OB : Pour l'instant, ce que l'on peut affirmer c'est que l'état physiologique de l'enfant se stabilise mieux quand le peau à peau est effectué et que l'attachement parental est favorisé. On sait que cet attachement et l'environnement familial, après la sortie de l'hôpital, jouent un rôle majeur dans le développement de la plasticité cérébrale et dans la réduction du risque de handicap ultérieur. Concrètement, le peau à peau n'a pas d'effet direct sur la réduction du taux de lésions cérébrales sévères, toutefois il peut modifier positivement le neurodéveloppement ultérieur en favorisant la maturation et la plasticité cérébrales (à l'âge de 2 ans, de 5 ans).

H.fr : Et cela s'explique « simplement » par ce lien d'attachement qui se crée avec le parent ?
OB : Entre autres. Mais, finalement, les effets du peau à peau sont assez mal connus. On sait ce qu'il induit sur le plan de la fréquence cardiaque ou respiratoire, de la saturation en oxygène, du comportement de l'enfant avec son parent, puisque ce sont des données cliniques. Ce que l'on sait beaucoup moins, en revanche, ce sont les bases biologiques ou neurobiologiques qui sont à l'origine de ces modifications comportementales ou cliniques. Même si l'on commence à mieux les connaître, notamment le rôle de certaines hormones, comme l'ocytocine, qui ont une action anti-inflammatoire et réduisent le stress.

H.fr : Quelle est l'origine des lésions cérébrales chez les nouveau-nés prématurés ?
OB : Il en existe différents types. Durant les premiers jours de vie, peuvent apparaître des lésions hémorragiques, notamment liées à l'instabilité respiratoire ou cardiaque, que j'évoquais précédemment. Des lésions de la substance blanche (ndlr : qui assure la conduction de l'influx nerveux) peuvent intervenir plus tardivement, dans les trois premières semaines. Ces dernières sont davantage causées par une inflammation persistante, systémique, détectable dans le sang, voire une neuroinflammation (une inflammation au niveau du cerveau). Je le répète, le peau à peau ne va pas tant prévenir les lésions les plus importantes chez un enfant extrêmement malade mais plutôt contribuer à la réduction des conséquences plus tardives de ces atteintes.

H.fr : Quelles conséquences ces lésions peuvent-elles entraîner ?
OB : Elles peuvent provoquer des paralysies cérébrales, des retards cognitifs, des troubles comportementaux ou psychopathologiques, entre autres.

H.fr : A quel moment les bénéfices du peau à peau pour les nouveau-nés prématurés ont-ils été démocratisés ?
OB : Le « kangaroo care » (ou méthode kangourou) a été lancée il y a plus de 25 ans à Bogota, en Colombie, comme élément d'une démarche parallèle aux soins habituels à l'Unité de soins intensifs néonatals (USIN) pour les nourrissons avec un petit poids de naissance, en réponse aux pouponnières surpeuplées, aux ressources rares et coûteuses, comme les incubateurs, et aux taux élevés d'infection et de mortalité néonatales. Les premières études sur le sujet, notamment celles de la pédiatre franco-colombienne, Nathalie Charpak datent de 1997 donc ce n'est pas si récent !

H.fr : Existe-t-il d'autres méthodes qui permettent de limiter le risque de paralysie cérébrale ?
OB : Oui, notamment le sulfate de magnésium, administré à la future maman juste avant la naissance de l'enfant. Ce médicament a une efficacité partielle mais démontré sur la prévention de la paralysie cérébrale. On peut également prévenir les lésions du cerveau via une gestion la moins invasive possible, des problèmes respiratoires, la prévention des infections secondaires, nosocomiales (ndlr : contractées au cours d'un séjour dans un établissement de santé), l'optimisation de la nutrition, etc...

H.fr : Vers qui les parents d'enfants prématurés peuvent-ils se tourner pour être accompagnés ?
OB : Ils peuvent tout d'abord s'appuyer sur l'équipe soignante du service de néonatologie où ils ont été admis, puis, par la suite, sur diverses associations spécialisées, comme SOS préma ou encore la Fondation paralysie cérébrale, en cas d'apparition de troubles moteurs.

© Fondation paralysie cérébrale

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"Tous droits de reproduction et de représentation réservés.© Handicap.fr. Cet article a été rédigé par Cassandre Rogeret, journaliste Handicap.fr"
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