Romain, 8 ans, trépigne d'impatience. Il rêve de courir avec son chien. Ou, à défaut, de pouvoir au moins utiliser sa main pour lui lancer la balle. Mais, atteint d'une hémiplégie du côté droit depuis la naissance, il peine à trouver l'équilibre et à s'emparer des objets. Pour changer la donne, « on peut commencer par des jeux de balle avec l'enfant en position statique, puis augmenter progressivement la difficulté des exercices pour travailler à la fois la préhension et l'équilibre », explique Rodolphe Bailly, coordinateur du projet « Team & Co » et kinésithérapeute-chercheur. « Petit à petit, la motricité s'améliore par la pratique répétée d'activités proposées sous forme de jeux en fonction des besoins et des envies propres à chaque enfant. »
85 % des objectifs atteints grâce aux thérapies motrices intensives
Bien développées à l'étranger, les thérapies motrices intensives commencent à se faire une place de choix en France. Soutenu par la Fondation paralysie cérébrale, ce dispositif pilote s'adresse aux enfants de 2 à 17 ans. Au centre Ty Yann de la fondation Ildys à Brest, les jeunes stagiaires sont accueillis pour une durée de 15 jours. Au programme, des journées bien remplies, durant lesquelles un à deux thérapeutes par enfant proposent toutes sortes de jeux pour améliorer leurs capacités motrices. Ballons, trottinettes, pâtes à modeler, puzzles... « Il faut s'accorder sur des objectifs réalistes fixés au préalable par leurs parents et l'équipe médicale, souligne Rodolphe Bailly. Au moins 85 % des objectifs sont atteints à l'issue du stage. » Fermer ou ouvrir le zip de son blouson, couper seul sa viande à la cantine, marcher sans aide sur une courte distance... Autant de petits exploits pour ces enfants vivant avec un handicap depuis leur plus jeune âge. Maya, 17 ans, a eu la chance de participer à l'aventure. Elle exulte de pouvoir enfin attacher ses cheveux en queue-de-cheval !
La HAS recommande ces méthodes basées sur le jeu
« Six heures trente de rééducation par jour, c'est long pour des enfants, précise Rodolphe Bailly. Mais ça fonctionne car la démarche repose surtout sur le jeu. L'ambiance est plus celle d'un centre aéré que celle d'un service de soins. » Celle-ci nécessite néanmoins la mobilisation d'une équipe pluridisciplinaire (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, psychomotriciens et autres professionnels de santé) dûment formée auprès d'un référent Thérapie pour l'enfant basée sur l'apprentissage moteur et centrée sur les objectifs (Team & Co). Recommandées par la Haute autorité de santé (HAS) depuis 2021, ces thérapies sont notamment basées sur les méthodes HABIT-ILE (Hand-arm bimanual intensive therapy including lower extremities), HABIT (Hand-arm bimanual intensive therapy) et TCIM (Thérapie par contrainte induite du mouvement).
Des méthodes à l'efficacité reconnue
Initiée en 2011 par la Professeure Yannick Bleyenheuft, chercheuse en sciences de la motricité à l'université catholique de Louvain en Belgique, en collaboration avec l'université de Columbia à New York, la méthode HABIT-ILE, prolongement de la méthode HABIT, offre l'avantage de stimuler constamment, de manière concomitante, l'ensemble du corps. En novembre 2024, la très sérieuse revue scientifique internationale de pédiatrie Jama Pediatrics confirmait son efficacité auprès des enfants de 1 à 4 ans – âge auquel la plasticité corticale est maximale – davantage encore qu'avec des enfants de plus de 6 ans. Nombre de parents, en recherche de solutions, vantent aussi les mérites de ces séjours intensifs.
La co-construction entre parents et soignants
Autre innovation majeure : l'implication parentale dans la co-construction d'un projet qui s'adaptera aux spécificités de l'enfant. Car vivre avec un enfant atteint de paralysie cérébrale, c'est connaître dans les moindres détails ce qui le heurte et le blesse le plus au quotidien. L'aider à communiquer et exprimer son mal-être. Pas toujours facile pour lui d'évoquer ses difficultés à l'école ou encore auprès du corps médical. Ainsi, Mathias, 13 ans, a fini par avouer à ses parents qu'il préférait s'abstenir de manger de la viande à la cantine en raison de la gêne ressentie à demander de l'aide à ses camarades pour la couper. « Les parents ont ce savoir expérientiel qui en font des partenaires essentiels des soins, insiste Rodolphe Bailly. Team & Co les rend acteurs à part entière au même titre que les professionnels de santé pour avancer tous ensemble sur le chemin de l'autonomie. »
Bientôt un déploiement sur l'ensemble du territoire ?
« Cette année, d'autres stages ont eu lieu à Angers et Lyon, centres porteurs du projet avec Brest, mais également à Toulouse, Reims et Saint-Denis de la Réunion, complète Emmanuelle Fily-Sarr, ergothérapeute et cheffe de projet national Team & Co. Auparavant, ces stages étaient rares et organisés dans le cadre de la recherche, mais un guichet national en ligne permet désormais de s'inscrire et d'ouvrir des possibilités à un plus grand nombre de familles. » De fait, ce projet bénéficie, pour la première fois, d'un financement de l'Assurance maladie à hauteur de 10,8 millions d'euros investis pour 60 stages sur quatre ans et demi, pour plus de 600 enfants sur tout le territoire. « La plate-forme permet d'informer sur les critères d'éligibilité et de répartir les demandes dans les différents centres, poursuit Emanuelle Fily-Sarr. Elle offre aussi la possibilité de recenser les besoins en thérapie motrice en France et de recruter des professionnels intéressés par la démarche. Reste à évaluer la pertinence des modèles économiques et organisationnels pour espérer une généralisation au profit des 10 000 à 15 000 enfants et adolescents potentiellement concernés en France. »
Première cause de handicap moteur chez l'enfant
En France, la paralysie cérébrale concerne quatre nouvelles naissances chaque jour. Première cause de handicap moteur chez l'enfant, elle en touche 125 000 dans l'Hexagone. Parmi les causes principales de ces lésions irréversibles qui surviennent, le plus souvent, sur le cerveau du fœtus ou du nourrisson, figurent la grande prématurité, les maladies ou les infections pendant la grossesse ou encore les accouchements difficiles. Les conséquences peuvent être plus ou moins sévères allant d'une légère difficulté à marcher d'un côté du corps à une atteinte grave des quatre membres, entraînant l'usage d'un fauteuil roulant. Ses manifestations s'associent parfois à des douleurs et des déficiences moins visibles comme des troubles visuels, des apprentissages ou de la parole, une épilepsie, voire une déficience intellectuelle. Tous ne seront pas forcément éligibles au projet Team & Co. Il n'empêche. La démarche redonne de l'espoir puisqu'elle démontre aussi que certains enfants porteurs de lésions neurologiques peuvent faire des progrès fulgurants.
© Fondation Ildys