Des personnes paraplégiques, paralysées depuis des années, ont retrouvé des sensations et le contrôle partiel de leurs jambes, voire pour certains une vie sexuelle, des résultats "sans précédent" obtenus grâce à une rééducation cérébrale et physique innovante, ont annoncé le11 août 2016 des chercheurs. "Jusqu'à présent, personne n'avait observé la récupération de ces fonctions chez un patient tant d'années (3 à 13 ans) après un diagnostic de paralysie complète" des membres inférieurs, assure le Dr Miguel Nicolelis, spécialiste des neurosciences de l'université américaine Duke (Caroline du Nord) qui a dirigé cette étude publiée dans la revue Scientific Reports.
Une interface cerveau-machine
Ces avancées "surprenantes" et "sans précédent" ont été obtenues au bout d'un an avec ce qu'on appelle une interface cerveau-machine (système de liaison directe entre le cerveau et un ordinateur), sans aucune implantation de puce, d'électrodes ou de stimulateur dans le corps. Chacun des huit patients paralysés des deux jambes a dû s'imaginer en train de marcher à l'aide d'un avatar virtuel. Ce qui a permis de faire réapparaître la représentation des membres inférieurs dans son cerveau, ont constaté les chercheurs qui mènent ce projet au Brésil. La rééducation a probablement réactivé des nerfs de la moelle épinière qui avaient survécu au traumatisme à l'origine de la paraplégie (accident de voiture, chute...). "Il peut s'agir d'un petit nombre de fibres nerveuses résiduelles, mais suffisantes pour véhiculer des signaux de la zone du cortex moteur du cerveau à la moelle épinière", explique le Dr Nicolelis.
Avec le soutien d'un exosquelette
La rééducation a combiné une immersion intensive dans la réalité virtuelle, renforcée par des signaux visuels et tactiles (donnant la sensation de toucher le sol) reçus par le patient et des exercices physiques, notamment sur tapis roulant. Le matériel inclut également des exosquelettes, des structures de soutien du corps pour la marche activées par la pensée. Un casque d'électrodes sur le crâne du patient permet de capter les signaux associés aux mouvements envoyés par le cerveau, afin de permettre aux logiciels informatiques de les déchiffrer.
Des mouvements volontaires
Avec cet entraînement, les patients ont pu effectuer des mouvements volontaires. Au bout d'un an, les sensations et le contrôle musculaire de quatre patients s'étaient suffisamment améliorés pour que les médecins requalifient le niveau de leur paralysie, de paraplégie totale à partielle. Au bout de vingt mois, ce nombre est passé à sept, a précisé le responsable de l'étude. La plupart des patients ont également bénéficié d'une amélioration du contrôle de leur vessie et du fonctionnement de leur intestin, réduisant ainsi leur dépendance aux laxatifs et aux sondes, et donc le risque d'infections, l'une des principales causes de décès parmi eux.
Sentir son bébé
Les meilleurs résultats ont été enregistrés chez deux femmes, paralysées depuis plus de dix ans et sans aucune sensation dans la partie inférieure de leur corps. Une vidéo montre l'une d'entre elles bouger volontairement ses jambes, soutenue par une sorte de harnais. Une de ces patientes peut maintenant s'asseoir et conduire. L'une d'elles a aussi pu, "pour la première fois, sentir son bébé (son 2e enfant) et les contractions" lors de son accouchement, selon le chercheur. Des patients masculins ont également fait état d'une amélioration de leurs performances sexuelles. "Certains d'entre eux ont récupéré la possibilité d'avoir des rapports sexuels, des érections", a ajouté le Dr Nicolelis. Une autre étude est prévue pour déterminer combien de temps il serait souhaitable de poursuivre cette rééducation, même allégée.
Un bénéfice pour d'autres pathologies
Récemment, un tétraplégique américain de 24 ans, Ian Burkhart, était parvenu à utiliser sa main pour saisir un objet ou prendre son café, à l'aide d'un logiciel et d'une puce implantée dans son cerveau pour convertir sa pensée en action. Ce qui impliquait aussi des câbles encombrants, contrairement à cette nouvelle méthode. Celle-ci pourrait être testée dans l'avenir sur des patients paralysés depuis peu. Elle pourrait par ailleurs bénéficier à d'autres pathologies (AVC, maladies dégénératives), selon les chercheurs, qui prévoient une réduction de son coût pour permettre sa diffusion.
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