« Nous sommes une exception en Europe et en même en France », s'insurge Sylvain Nivard, président de l'association Valentin Haüy au service des aveugles et des malvoyants. « Paris est la seule capitale européenne où les rames de métro ne sont pas 'vocalisées' (ndlr : avec une annonce par haut-parleur avant l'arrivée dans chaque station) », ajoute-t-il, tandis qu'en province (Toulouse, Rennes, Lyon, Strasbourg…), sur des réseaux certes plus récents, toutes les lignes le sont.
Une action à Duroc
Pour alerter, des militants, réunis sous l'égide de la Confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes (CFPSAA), se sont donc donné rendez-vous le 22 juin 2023 à la station Duroc, située juste en face de l'Inja (Institut national des jeunes aveugles). La date n'est pas choisie au hasard puisqu'il s'agit des 71 ans de l'entrée de Louis Braille, l'inventeur du braille, au Panthéon (Lire : 22 juin : 70 ans après, Louis Braille célébré au Panthéon). Ils en profitent d'ailleurs pour demander que cette station emblématique, dans un quartier qui rassemble de nombreuses associations dédiées, soit renommée Duroc-Louis Braille.
En début d'après-midi, une délégation a rencontré le PDG de la RATP, Jean Castex, et la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse. « Nous avons évoqué plusieurs solutions telles que l'annonce des stations depuis les quais, dès que les portes du métro s'ouvrent », indique Thibaut De Martimprey, vice-président de l'association Accompagner, promouvoir, intégrer les déficients visuels (APIDV).
Des reports trop lointains
Depuis sa création en 1900, le réseau du Métro s'est étendu, le matériel s'est modernisé mais celles qu'on appelle les ASVA (Annonces sonores et visuelles automatiques), pourtant essentielles pour le déplacement des personnes aveugles, sont les grandes oubliées. Aujourd'hui, selon les associations, seules « 40 % des lignes sont vocalisées », alors que la RATP avance le chiffre de 66 %, soit 10 lignes de métro sur 14, ainsi que toutes les lignes de RER. « Peu importe le pourcentage, nous on milite pour que 100 % du réseau le soit », affirme Sylvain Nivard. Cette technologie devait être généralisée pour les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 mais un nouveau calendrier avait été fixé qui repoussait l'échéance en 2031 (Lire : Métro Paris : généralisation des annonces sonores en... 2031 !). Or la RATP et Ile-de-France Mobilité ont indiqué, lors de l'entretien du 22 juin, que l'ensemble du réseau serait équipé d'installations sonores à l'horizon... 2036 ! « C'est beaucoup trop tard, regrette Thibaut De Martimprey. On va continuer notre lutte pour que le métro parisien soit accessible pour tous dès 2024, pour accueillir les Jeux ».
Stress et fatigue !
Pour les personnes concernées, ne pas pouvoir entendre le nom des stations est une épreuve, qui exige une attention permanente et du stress. Impossible de s'assoupir, de lire, d'écouter de la musique ou un podcast. Et lorsqu'on a un chien-guide, les caresses et conversations qui naissent naturellement font perdre le fil. Il faut alors demander mais « pas toujours facile le soir, le dimanche ou les jours fériés lorsque le métro est plus vide », confie un usager qui souhaiterait également que les lignes en correspondance soient énoncées à chaque station.
Du bonus pour tous
« Bien sûr, nous militons pour les personnes malvoyantes mais rendre le métro parlant est une véritable avancée pour tout le monde, avance Stéphane Gaillard, directeur de l'Inja. Ce système peut aussi faciliter la vie des personnes qui ne savent pas ou plus lire, de petite taille dans les rames bondées, de celles qui ne parlent pas notre langue et de tous les étourdis ».