90 % des personnes vivant avec un stade avancé de la maladie de Parkinson présentent des troubles de la marche invalidants, qui résistent bien souvent aux traitements actuellement disponibles. Face à ce constat, des chercheurs français et suisses* ont conçu une neuroprothèse qui a permis à un patient de marcher avec fluidité, confiance, sans chute. Sa particularité ? Elle est constituée d'un champ d'électrodes placé contre la région de la moelle épinière qui contrôle la marche et d'un générateur d'impulsions électriques implanté sous la peau de l'abdomen. Une étude prometteuse publiée dans la revue scientifique Nature medicine en novembre 2023.
Marc remarche « presque normalement »
Marc, 62 ans, originaire de Bordeaux, vit avec la maladie depuis trois décennies. C'est le premier humain à avoir testé cette neuroprothèse. Il a ainsi subi une intervention neurochirurgicale de précision en 2021 au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), à Lausanne (Suisse). « Grâce à la programmation ciblée des stimulations de la moelle épinière qui s'adaptent en temps réel à ses mouvements, il a rapidement vu ses troubles s'estomper, se félicitent les scientifiques. Après une rééducation de quelques semaines, il a retrouvé une marche presque normale. »
Réduire les chutes et le phénomène de freezing
En 2016, l'équipe franco-suisse, dirigée par Erwan Bézard, neuroscientifique à l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), avait déjà mené des travaux montrant l'efficacité d'une interface cerveau-moelle épinière, dite « neuroprothèse », pour restaurer le fonctionnement d'un membre paralysé à la suite d'une lésion de la moelle épinière. En effet, ces dispositifs électroniques ou électromécaniques reliés au système nerveux permettent de remplacer un organe défectueux. Dans cette nouvelle étude, les scientifiques ont mis au point une neuroprothèse comparable pour pallier les chutes et le phénomène de « freezing » (quand les pieds restent collés au sol pendant la marche) parfois associé à la maladie de Parkinson. Neurodégénérative, cette maladie se caractérise par la destruction progressive de certains neurones dans le cerveau, entraînant notamment des troubles moteurs, de la santé mentale et du sommeil.
« Contrairement aux traitements conventionnels, qui ciblent les régions du cerveau directement touchées par la perte des neurones producteurs de dopamine, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l'activation des muscles des jambes pendant la marche, qui n'est a priori pas directement affectée par la maladie de Parkinson, explique l'Inserm. Néanmoins, la moelle épinière est sous le contrôle volontaire du cortex moteur, dont l'activité est modifiée par la perte des neurones dopaminergiques. »
Tests fructueux sur un primate
Pour commencer, l'équipe a testé la neuroprothèse sur un modèle de primate non humain reproduisant les déficits locomoteurs dus à cette pathologie. Verdict : réduction des déficits locomoteurs et des phénomènes de « freezing ». « Des tentatives précédentes de stimulation de la moelle ont échoué car elles stimulaient en bloc les centres locomoteurs sans tenir compte de la physiologie. Dans le cas présent, il s'agit d'une stimulation qui se superpose au fonctionnement naturel des neurones de la moelle en stimulant, avec une coordination spatiotemporelle, les différents groupes musculaires responsables de la marche », précisent Grégoire Courtine et Jocelyne Bloch, codirecteurs de NeuroRestore, le centre de recherche installé en Suisse romande. Ces résultats encourageants ont permis d'ouvrir la voie à un développement clinique...
Bientôt une version commerciale ?
Toutefois, à ce stade, « ce concept thérapeutique a démontré son efficacité chez une seule personne, avec un implant qui doit encore être optimisé pour un déploiement à grande échelle », nuancent-ils. Les chercheurs travaillent donc à la mise au point d'une version commerciale intégrant toutes les fonctionnalités indispensables pour une utilisation quotidienne optimale. Des essais cliniques sur six nouveaux patients doivent démarrer dès 2024. « Notre ambition est de généraliser l'accès à cette technologie innovante », concluent-ils, afin d'améliorer significativement la qualité de vie des 9 millions de personnes atteintes de la maladie de Parkinson dans le monde.
* Des neuroscientifiques de l'Inserm, du CNRS et de l'université de Bordeaux en France, avec des chercheurs et neurochirurgiens suisses (EPFL/CHUV/UNIL)
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