Dix minutes. C'est le temps qu'il aura fallu à Philippe Ribière pour venir à bout du mythique rocher Es Pontas, surplombant la Méditerranée sur l'île de Majorque, aux Baléares. Premier handi-escaladeur à oser l'exploit, c'est avec brio que le Spiderman français est parvenu à la cime de l'obstacle de calcaire. Champion de handi-escalade, Philippe Ribière vit à 100 à l'heure malgré sa force amoindrie et ses bras déformés.
Un exploit et une gueule
Il y a 41 ans, il venait au monde en Martinique avec plusieurs malformations congénitales. Mardi, il a grimpé sans corde les quelque 30 m de la grande arche espagnole plantée dans l'eau, avec des prises friables encore plus difficiles à saisir pour lui, dont les bras sont réduits de moitié. Un style très décontracté, la réplique facile teintée d'humour, Philippe Ribière a aussi ce qu'on appelle "une gueule". Les marques d'un bagage un peu lourd livré à la naissance qui ont fait de lui un gars pas comme les autres. "Je ne vais pas faire un déni sur ce qui est réel, j'ai un handicap, point barre. Mais je ne veux pas être un ambassadeur des handicapés. Je suis Philippe Ribière, qui a ses deux jambes, ses deux bras, certes déformés. Je suis amoureux, fâché, j'ai des émotions, je vais aux toilettes", souligne-t-il à l'AFP. Son handicap, il préfère l'évacuer d'entrée dans les conversations. "Mes avant-bras sont plus courts que mes bras. Mes poignets sont fixes donc déjà dans la vie de tous les jours c'est compliqué pour moi de prendre des objets. Ma force physique représente 20% de celle d'une personne normale", raconte-t-il avant de s'emballer pour ce qui l'anime pleinement : l'escalade.
Une sacrée revanche
Abandonné à la naissance avant d'être adopté par un couple - un infirmier et une institutrice - quand il avait 4 ans, il s'est passionné pour le vélo. Mais il y a renoncé à l'âge de 15 ans après avoir été durement accueilli par le gérant d'un club près de chez lui dans le Gard, qui en le voyant, lui avait lancé : "Je ne veux pas de handicapé chez moi". Une semaine après, il poussait la porte d'un club d'escalade, une pratique qu'il avait découverte en colonie de vacances et pour laquelle un moniteur lui avait dit qu'il était doué. Et là, ce fut le coup de foudre. "J'étais adolescent, j'avais des problèmes existentiels avec mes parents, c'était une échappatoire", confie Ribière, qui trouve en l'escalade le moyen de s'épanouir. "J'ai toujours cru que j'étais un boulet. J'ai compris que je pouvais plaire. A des filles, à des photographes. J'en ai longtemps douté jusqu'à je tombe amoureux à 20 ans".
Un champion au sommet
En 2001, il décroche une médaille aux Championnats du monde. En 2003, il crée un événement réunissant valides et handicapés : le Handi-Grimpe, puis s'en va faire un tour de l'Europe sur le thème du handicap. Depuis 25 ans, il n'a jamais cessé de grimper. "Il y a une revanche par rapport à ceux qui se sont moqué de moi dans la rue, ceux qui m'ont jeté des pierres. L'escalade ne m'a pas sauvé non plus mais c'est mon moyen d'expression", dit ce pro, qui vit essentiellement de l'allocation adulte handicapé. "Les sponsors c'est du beurre dans les épinards. Après, on m'invite beaucoup, je suis une personnalité dans l'escalade", relève ce passionné de photos qui s'est lancé un nouveau défi : faire des courses de trail.