Afin de favoriser autonomie des enfants avec paralysie cérébrale ou polyhandicapés, le gouvernement a adopté, le 12 novembre 2022, dans le cadre de l'examen du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, la création d'un parcours coordonné de rééducation et de réadaptation, via des cabinets de spécialistes en ville, financé par l'Assurance maladie. Leitmotiv ? Ces soins, « mis en place dès le plus jeune âge et sur un rythme régulier et intensif, sont essentiels dans la prise en charge de ces troubles ». Rappelons qu'un enfant naît toutes les six heures avec des lésions cérébrales, en France, soit 1 500 chaque année. Ils vivent, pour la plupart, avec des troubles moteurs et doivent faire face aux troubles associés : cognitifs, sensoriels, du langage, comportementaux... Au total, près de 40 000 jeunes ont une paralysie cérébrale ou sont polyhandicapés.
Facteur clé du développement de la motricité
Les parcours seront organisés par des établissements hospitaliers ou médico-sociaux, désignés par les Agences régionales de santé (ARS), qui pourront conclure à cet effet des contrats avec les professionnels libéraux concernés (kinésithérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues...). L'Assurance maladie doit maintenant définir le montant du forfait permettant de financer ces interventions. « Nous connaissons les difficultés d'accès à ces soins. Les actes non remboursés par l'Assurance maladie coûtent cher et les parcours sont complexes pour les familles, qui peinent à réunir autour de leur enfant les professionnels qualifiés », constate Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, qui se dit « convaincue que cette mesure permettra l'accès à une rééducation et une réadaptation régulière, facteur clé du développement de la motricité ».
« Ces travaux engagés à la suite de la Conférence nationale du handicap de 2020 ont permis de définir, en concertation avec les acteurs concernés, les besoins des enfants et des professionnels », affirme le gouvernement dans un communiqué. Le Groupe polyhandicap France (GPF) a été « informé » plus que « concerté », précise Marie-Christine Tezenas, sa présidente. « Nous avons alerté très tôt sur le nombre de conditions à respecter pour que ce dispositif fonctionne mais je ne suis pas certaine que toutes nos remarques aient été prises en compte », poursuit-elle, pointant « beaucoup d'incompréhension lors de ces réunions ».
Un « premier pas utile mais pas un aboutissement »
Pour Alain Chatelin, président de la Fondation paralysie cérébrale, « c'est une bouffée d'oxygène » pour les professions dont les actes n'étaient, jusqu'alors, pas remboursés, comme les ergothérapeutes et les psychomotriciens. S'il estime, plus globalement, que « cet amendement est un premier pas utile », il n'est toutefois « pas un aboutissement ». « La rééducation est en crise : les familles ne savent plus vers qui se tourner, les établissements n'arrivent pas à recruter, les libéraux ne s'engagent plus dans ce domaine car la rémunération à l'acte est dérisoire. S'occuper d'un enfant ou d'un adulte avec paralysie cérébrale suppose un investissement fort en formation, du temps à consacrer en individuel pendant les séances et périodiquement pour se coordonner avec les autres interventions », explique-t-il.
La nécessité d'une vision globale
Pour répondre « effectivement » aux besoins des personnes avec paralysie cérébrale, Alain Chatelin recommande d'« organiser des Pôles de compétence et de confiance en région, comme le réclame le Livre blanc de la paralysie cérébrale ». « Seuls ces pôles seront à même d'animer les compétences d'un territoire et la coordination des intervenants autour des objectifs d'activité et de participation définis avec chaque enfant, chaque adulte. Leurs parcours de santé et de vie sont indissociables », poursuit-il. Développement des compétences en lien avec les nouvelles recommandations de la Haute autorité de santé (HAS), coordination des interventions, financement des interventions et de la coordination... « Tant que les mesures proposées ne porteront pas cette vision globale, elles laisseront les familles dans le désarroi », insiste Alain Chatelin.
Un complément, oui, un remplacement, non !
Pour Marie-Christine Tezenas, cette option est une « bonne idée car elle permet de pallier le manque de kinés et autres professionnels dans les établissements médico-sociaux et d'être accompagné le week-end ou durant les vacances sans le problème de la double prise en charge, ce qui change tout » mais « elle doit venir en complément du système actuel et non en remplacement », pour trois raisons majeures. Tout d'abord, « c'est une perte de temps considérable de faire déplacer les enfants polyhandicapés jusqu'à un cabinet en ville, sans compter que, pour eux, les séances sont bien plus longues que pour un patient lambda. Le temps de les sortir de leur coque, de les déshabiller, de les installer, il faut compter 15 à 20 minutes de plus en moyenne », explique-t-elle. Ensuite, « il faut mobiliser un véhicule adapté et un accompagnant, et je ne vous apprends rien en vous disant qu'actuellement, ça ne court pas les rues », raille-t-elle, à moins qu'à nouveau, « on doive solliciter les parents qui, par conséquent, ne pourront plus aller travailler ». Enfin, une prise en charge exclusivement libérale « ne risque-t-elle pas de limiter l'échange transdisciplinaire entre professionnels », parce qu'un « kiné de ville n'aura pas forcément le loisir d'échanger avec l'ergothérapeute, l'orthophoniste ou même les éducateurs » ? Mme Tezenas pointe par ailleurs des délais bien trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un orthophoniste, notamment « au moins un an à Paris ! ».
Favoriser la double prise en charge
En bref, si, sur le papier, l'idée « a l'air plutôt bonne », elle semble compliquée à appliquer, notamment en raison du manque « criant » de professionnels et du fait que les enfants polyhandicapés sont fatigables et qu'il est difficile de les sortir de leur lieu de vie, selon la présidente d'association, qui déplore par ailleurs que « les adultes aient, une nouvelle fois, été oubliés ». Alors quelle solution idéale ? « Favoriser la double prise en charge, à la fois en libéral et au sein des institutions, et permettre aux professionnels paramédicaux d'être convenablement payés afin d'avoir envie de revenir dans les établissements médico-sociaux et ainsi d'éviter aux enfants de se déplacer », répond Marie-Christine Tezenas. Reste encore à déterminer le montant de ce forfait, actuellement en débat... « C'est là où tout va se jouer... », affirment les associations. L'offre sera-t-elle convenable ? Rappelons qu'en 2019, le forfait intervention précoce dédié aux enfants présentant un trouble du neuro-développement faisait grincer les dents des ergothérapeutes, jugeant le montant de leur prestation fixée par le gouvernement « insuffisant » (article en lien ci-dessous).