Nicolas Pousset a 35 ans, habite à Rennes et se déplace uniquement en fauteuil roulant électrique car il est atteint d'une maladie génétique évolutive. Il a besoin d'une assistance respiratoire et doit donc être accompagné en permanence par une auxiliaire de vie. C'est écrit noir sur blanc sur sa carte d'invalidité. Le hic, c'est qu'elle est périmée ! Le mardi 29 janvier 2019, ce grand voyageur a pris place comme à l'accoutumée avec son accompagnatrice en TGV lorsqu'il est contrôlé. Sa carte a en effet expiré le 31 octobre 2018. « J'ai vite compris que ce contrôleur n'allait pas faire preuve de bienveillance », regrette Nicolas, qui a alors la présence d'esprit d'enregistrer la conversation qu'il diffuse dans une vidéo (ci-contre). Le contrôleur exige alors que Nicolas achète un billet plein tarif pour son accompagnateur. Mais la facture est salée : 126 euros… au lieu des 3 euros habituels.
Du travail bien fait ?
Le contrôleur zélé lui explique « qu'il ne fait qu'appliquer le règlement », refusant de tenir compte de la situation de handicap manifeste, ajoutant « il fallait faire votre demande à temps ». Nicolas a pourtant déposé son dossier de renouvellement auprès de sa MDPH début juin, quatre mois plus tôt, imaginant que le délai serait suffisant : « C'est un simple renouvellement, explique-t-il. C'est quand même pas aussi compliqué qu'une demande d'aide humaine dans le cadre de la PCH (prestation de compensation du handicap). » Quoi qu'il en soit, la MDPH d'Ille-et-Vilaine a reconnu qu'il avait besoin de la présence d'une tierce-personne 24h sur 24. « Donc, comme par miracle, au 1er novembre, je n'aurais plus besoin d'accompagnant », ironise Nicolas. Carole Guéchi, directrice de l'accessibilité du groupe SNCF, répond dans un tweet que le contrôleur « a bien fait son travail. Tout autre voyageur dans une situation comparable (absence de carte commerciale donnant droit à un tarif réduit par exemple) aurait pris une amende ».
Un peu d'intelligence
« Face à certaines situations, il faut quand même fait preuve d'intelligence, rétorque Nicolas. Les autres contrôleurs voient bien que je suis lourdement handicapé et ne me réclament jamais ma carte. L'un d'entre eux, que j'ai l'habitude de croiser lors de mes voyages, m'a d'ailleurs apporté son soutien public sur les réseaux sociaux ». Peu de temps avant, Nicolas a fait renouveler sa carte de transport, à Rennes, en présentant sa carte, pour le moment périmée, sans que cela ne pose le moindre problème. De retour chez lui, le jeune homme tente de contester sur la page dédiée mais, dans la mesure où il n'a pas écopé d'une « amende », il n'arrive pas à engager cette procédure. Le contrôleur lui avait conseillé de faire valoir ses arguments dans un courrier. Dans sa vidéo, Nicolas assure qu'il « ne se rend pas compte des démarches que l'on peut faire et du temps que cela prend ».
Une simplification indispensable
Une illustration des lourdeurs administratives qui pénalisent sans cesse les personnes en situation de handicap ? Les mesures de simplification promises par le gouvernement ont désormais pour objectif d'éviter ce genre de situation. Elles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019 et permettent aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement de bénéficier de droits à vie. Cela concerne, notamment, la Carte mobilité inclusion (CMI). « Il faut qu'on arrête de demander aux Français de devoir prouver leur handicap jusqu'à dix fois dans leur vie, a expliqué Sophie Cluzel, secrétaire d'État au handicap. On va alléger énormément cette preuve permanente (…) qui crée un sentiment de défiance. » Cette affaire rappelle celle dont le nageur Philippe Croizon a été victime en septembre 2017, obligé, lui, aussi, de justifier de son handicap lors d'un contrôle dans un train (article en lien ci-dessous). Rappelons qu'il est… amputé des quatre membres. Son tweet « TER Rouen Paris quand un contrôleur demande ma carte d'invalidité pour vérifier si je suis bien handicapé ? #triste », avait déclenché une avalanche de réactions, y compris celle de Guillaume Pépy, directeur de la SNCF, qui avait appelé personnellement Philippe Croizon pour lui présenter des excuses au nom de sa société.
Nicolas aura-t-il droit aux mêmes égards ? En attendant, il se dit déterminé à aller jusqu'au bout et, s'il n'obtient pas gain de cause auprès de la SNCF, il a décidé d'envoyer la note de frais… à sa MDPH. « Après tout, le problème vient de chez eux », conclut-il.
Dernière minute : le groupe SNCF, mobilisé par son président, annonce que le billet sera bien remboursé.