Johannesburg, 26 fév 2014 (AFP)
Oscar Pistorius, icône du sport mondial et source d'inspiration pour des millions de handicapés dans le monde, est jugé à partir de lundi à Pretoria pour le meurtre de sa compagne Reeva Steenkamp, en présence de centaines de journalistes attirés par ce cocktail de gloire, d'amour et de sang.
Un opérateur de télévision a créé une chaîne spéciale entièrement dédiée au procès, et qui retransmettra en direct une large partie des débats. Jusqu'au 20 mars, le tribunal devra chercher les éléments de réponse à une question somme toute assez simple: le Sud-Africain de 27 ans, premier athlète handicapé à avoir participé aux Jeux olympiques avec les valides, à Londres-2012, a-t-il assassiné sa compagne de sang-froid, comme le croit l'accusation? Ou l'a-t-il abattue par méprise en la prenant pour un cambrioleur, thèse de la défense?
Le drame s'est joué sans témoin, en pleine nuit du 13 au 14 février 2013, dans la maison luxueuse où vivait Pistorius, au coeur d'un complexe hautement sécurisé de Pretoria, entouré de murs et gardé par des vigiles. Seuls éléments connus avec certitude: il est trois heures (01h00 GMT) du
matin dans cette nuit de la Saint-Valentin. Reeva Steenkamp, une populaire top-modèle de 29 ans, est enfermée dans les toilettes. Soudain, Oscar Pistorius saisit son arme, tire quatre balles à travers la porte. La jeune femme décède peu après. Lui affirme qu'il était sorti sur le balcon lorsqu'il a entendu un bruit dans les toilettes. Qu'il a pensé qu'un cambrioleur s'était introduit par la fenêtre de la salle de bain. Et que, pris de panique, il a fait feu sans sommation. Sans vérifier si Reeva était encore au lit.
Le procureur Gerrie Nel tentera de démontrer que ce scénario n'est pas crédible. Que Pistorius et Reeva Steenkamp s'étaient disputés, et que le champion olympique a bien assassiné sa compagne en toute connaissance de cause.
Cris de femme
Aux enquêteurs, Pistorius a affirmé que sa relation avec Reeva Steenkamp était sans nuages. Ce soir-là, a-t-il dit, "elle faisait des exercices de yoga et je regardais la télévision au lit. Mes prothèses jambières étaient ôtées. Nous étions très amoureux et je ne pouvais pas être plus heureux. Je sais qu'elle ressentait la même chose. Elle m'avait donné un cadeau pour la Saint-Valentin mais demandé de ne l'ouvrir que le lendemain". Une centaine de témoins seront cités au procès. Des voisins, affirmant avoir entendu des cris de femme juste avant les coups de feu. Des proches de la victime, faisant état d'une relation parfois tendue entre les deux jeunes gens. Ou d'anciennes conquêtes de Pistorius, appelées à décrire son caractère.
Surnommé "Blade Runner" en raison de ses prothèses de carbone, l'homme était aussi un passionné d'armes à feu, parfois violent et enclin à perdre facilement son sang-froid, comme il est apparu dans les enquêtes des médias depuis le meurtre. Pour le reste, les experts, balistique, médicaux et scientifiques, auront la part belle. A eux de dire si Reeva Steenkamp a été tuée par la première balle, de sorte qu'elle n'a pas pu signaler sa présence. A eux de tirer des conclusions de l'angle de tir, pour déterminer la position de Pistorius. A eux aussi de faire parler les téléphones portables des deux protagonistes, ou de dévoiler à quelle heure et sur quel site internet a surfé Pistorius la nuit du meurtre.
Oscar Pistorius, fils d'une riche famille blanche sud-africaine, bénéficie des services de l'un des meilleurs avocats du pays, Barry Roux, que l'on dit très grassement rémunéré. Dans les jours qui ont suivi le drame, Roux avait réussi à tailler en pièces la première enquête de police, en mettant en lumière failles et négligences. Puis il avait obtenu la libération sous caution de Pistorius. C'est ce même avocat qui, lors d'audiences préliminaires juste après les faits, a exposé avec conviction la thèse de l'accident. Thèse qui ne ferait pas de Pistorius un innocent, mais qui à coup sûr atténuerait la sévérité du juge à son égard.
Le parquet, de son côté, n'a pas levé le voile sur son dossier.