Y-a-t-il urgence à venir au secours de la psychiatrie en cette période confinée ? L'Académie de médecine semble le penser puisque, le 21 avril 2020, elle se fend d'un communiqué pour déplorer sur une situation « alarmante » qui pourrait avoir des conséquences « majeures ». Elle fait ainsi écho de l'appel au secours d'une centaine de médecins qui, dans une tribune publiée le 8 avril dans Le Parisien, s'inquiétaient du sort des 2,5 millions de personnes prises en charge en psychiatrie (article en lien ci-dessous). « Ce sont les grands oubliés de la crise », avait martelé Marion Leboyer, directrice de FondaMental, fondation dédiée aux pathologies mentales.
Des fragilités accentuées
Les patients atteints de troubles psychiques (bipolarité, schizophrénie, dépression sévère…) présentent une « fragilité particulière » liée à la fréquence des déficits organiques associés mais aussi à la difficulté de leur faire respecter les gestes barrières. Du fait de l'inhibition due à leur pathologie et à leur traitement, ils peineraient également à recourir aux soins lorsque leur état de santé le nécessite. L'Académie déplore également « l'application difficile des mesures de confinement en chambre chez les malades mentaux (sic) hospitalisés quand la prévention de la contagion l'exige ». En parallèle, elle constate un « risque important de rupture du suivi et des soins, donc de rechute », chez les personnes suivies en ambulatoire puisque, depuis le début du confinement, on observe des problèmes pour accéder aux consultations. Cette pénurie pourrait avoir des conséquences sur leur état de santé mais aussi sur leur entourage. Face à la fermeture de certains services, elle recommande qu'une prise en charge ambulatoire soit également organisée sur chaque site, par téléconsultation ou consultation téléphonique, avec des praticiens hospitaliers et libéraux.
Pénurie de protections
Par ailleurs, le risque de transmission nosocomiale du Covid-19 est présent dans les établissements psychiatriques comme dans tous les établissements de santé. L'instance appelle donc à « ne pas négliger les professionnels en charge de la santé mentale » lors de la mise à disposition des matériels de protection (masques, tenues et lunettes de protection, gels hydroalcooliques...). Elle entend alerter les Agences régionales de santé (ARS) et les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) sur la possible « discrimination » des demandes émises par les structures de soins psychiatriques et les éventuels « retards ».
Un tri des malades ?
Enfin, les patients suspectés d'être atteints de Covid-19 bénéficient-ils d'une surveillance médicale efficace à domicile ? « Il faut s'en assurer », poursuit l'Académie, réaffirmant qu'ils devront pouvoir « en cas d'aggravation » accéder sans délai et sans stigmatisation aux soins médicaux hospitaliers, voire à l'hospitalisation en soins intensifs et réanimation. Face aux remontées de terrain qui affirmaient que, compte tenu de la saturation des urgences, un « tri des malades », notamment atteints de handicap psychique, était opéré, Olivier Véran, ministre de la Santé, avait dû prendre publiquement la parole, le 4 avril, pour réaffirmer que le handicap ne devait « pas être un critère de refus aux soins » (article en lien ci-dessous).
Des droits respectés ?
« L'ampleur de la situation épidémique actuelle » expose les personnes souffrant d'une pathologie mentale à « une perte de chance consécutive à un éventuel abandon des soins », conclut l'Académie de médecine. Selon elle, « cette préoccupation majeure concerne aussi tous les sujets présentant des symptômes de souffrance psychique favorisés par les conditions de confinement » ; cela peut se manifester par de l'anxiété, une dépression, des angoisses, voire des bouffées délirantes ou des pensées suicidaires. A ce titre, la Fondation FondaMental a lancé la plateforme CovidEcoute (article en lien ci-dessous). L'objectif : répondre aux détresses émotionnelles immédiates mais aussi prévenir les troubles dépressifs ou de l'humeur et le stress post-traumatique liés à cette crise sanitaire exceptionnelle.
In fine, « particulièrement exposés à des mesures de contention, d'enfermement, de privation de liberté en général », selon l'Académie, les droits de ces patients sont-ils toujours respectés ?