Violences, accidents, catastrophes naturelles, attentats, deuils brutaux… Autant d'événements traumatisants qui peuvent entraîner des séquelles profondes. Particulièrement exposées, les personnes en situation de handicap présentent un risque accru de troubles psychotraumatiques, souvent plus intenses et complexes que dans la population générale.
Pour changer la donne, l'association Coactis santé a publié, fin 2024, une nouvelle fiche-conseils (N°S7c) sur Handiconnect.fr, qui vient compléter celle consacrée aux violences conjugales et sexuelles faites aux adultes en situation de handicap, publiée en 2023. Objectif ? Offrir aux professionnels de santé des outils concrets pour repérer des signaux souvent discrets, accompagner le patient et alerter lorsque cela est nécessaire.
Les femmes handicapées touchées de plein fouet
Les femmes, les enfants et les personnes avec autisme sont particulièrement touchés par les psychotraumatismes. Ainsi, près d'une femme handicapée sur cinq indique avoir déjà été violée, soit une proportion nettement supérieure à celle de l'ensemble des femmes (9 %), des hommes handicapés (9 %) et de l'ensemble des hommes (3 %), selon une enquête Ipsos/Ladapt de 2022. Ce chiffre bondit à 9 femmes sur 10 pour celles porteuses d'autisme, selon une étude publiée dans la revue scientifique Frontiers in behavioral neuroscience la même année (9 femmes autistes sur 10 victimes de violences sexuelles).
Des troubles sous-estimés
« Pourtant, le diagnostic de ces troubles reste sous-estimé, faute de signes évidents ou de difficultés de communication mais aussi par méconnaissance du monde médical et en raison de préjugés discriminatoires. Ces victimes demeurent invisibles », déplore Coactis santé, qui œuvre depuis 2010 en faveur de l'accès aux soins des personnes en situation de handicap.
Ne pas confondre psychotrauma et handicap !
« Une jeune femme non oralisante ne parvenait plus à s'asseoir sur son fauteuil roulant. On a mis en cause la qualité de son assise et changé son coussin. En réalité, elle était victime de viol », illustre Marie Rabatel, président de l'Association francophone des femmes autistes. « Les proches et médecins ont tendance à mettre la plupart des comportements en lien avec le psychotrauma sur le compte du handicap », observe cette experte du groupe de travail Handiconnect.fr sur les violences. En effet, certains troubles psychotraumatiques, comme le « repli sur soi, les troubles du sommeil ou de l'alimentation, peuvent facilement être confondus avec des manifestations liées au handicap, entraînant, de ce fait, des soins inadaptés », souscrit l'association.
Reconnaître cette « souffrance masquée »
En outre, « certaines victimes expriment parfois leur détresse sans mots, uniquement via le langage corporel ». Cette « fiche-conseils » offre aux soignants des repères pour reconnaître les comportements qui traduisent une souffrance masquée. « En tant que professionnels, nous avons la responsabilité de reconnaître ces signes et devons à ces victimes une écoute et une réponse adaptées à leur traumatisme. Ne pas le prendre en compte est un déni d'humanité », martèle Marie Rabatel.
17 centres régionaux de psychotrauma
Au-delà de l'identification, cet outil permet d'orienter vers les ressources spécialisées. En France, 17 centres régionaux de psychotrauma (CRP) -« encore en nombre insuffisant », selon Coactis santé- accueillent les victimes grâce à des équipes médicales et psychologiques expertes. « L'enjeu est d'autant plus crucial que le traumatisme psychologique peut aggraver le handicap et la vulnérabilité, impactant la santé psychique et somatique, augmentant le seuil de tolérance à la douleur et exposant les victimes à des violences répétées », insiste l'association.
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