Réforme pension invalidité : les indus ne sont pas réclamés!

Petite victoire pour les pensionnés d'invalidité lésés par la nouvelle réforme. Ils n'auront pas à rembourser les trop-perçus depuis avril 2022 réclamés par l'Assurance maladie. Pour le reste, les négociations se poursuivent...

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DERNIERE MINUTE DU 17 MAI 2023
Un projet de Décret rectificatif du décret 2022-257 est dans les tuyaux, présenté à la Caisse nationale d'assurance maladie le 17 mai 2023 et également soumis au CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées). Il propose de passer le plafond du PASS de 1 à 1,5, soit un cumul pension d'invalidité théorique + salaire à 65 988 euros brut par an.


Cette proposition n'est néanmoins « pas pleinement satisfaisante » pour le collectif des Oubliés de la réforme 2022-257, même s'il consent qu'il « va sortir une grande majorité des pensionnés de la galère » (Lire : Réforme pension invalidité: 1200€ de perte (mois) en moyenne). Car, pour les autres, même avec des salaires plus élevés, le problème de fond est loin d'être réglé. Et ceux pour qui la pension d'invalidité sera maintenue à 0, c'est en fini de la rente prévoyance, des assurances de prêt et des points retraite (Lire : Retraite, prêt, rente : réforme invalidité, autres dommages!). Les associations réclamaient le maintien d'une pension à 1 euro pour que ces droits ne disparaissent pas. Or cette disposition ne figure pas dans ce projet de décret rectificatif.


Par ailleurs, même s'il est écrit qu'il s'applique « au lendemain de sa publication », aucune rétroactivité n'est mentionnée. Or le décret initial pénalise les pensionnés depuis le 1er avril 2022. « Par défaut, il peut y avoir des mesures d'accompagnement quand cela entraîne des indus », tentent de se rassurer les associations. Rien n'est donc pour le moment définitif, les discussions se poursuivent…

DERNIERE MINUTE DU 13 AVRIL 2023
France Assos Santé a rencontré à plusieurs reprises la Direction de la Sécurité sociale (DSS) et la CNAM (Caisse nationale d'Assurance maladie) et a également déposé un recours gracieux auprès de la Première ministre pour en demander la réécriture du décret 2022-257 litigieux. « Un nouveau rendez-vous avec le ministère début avril nous a confirmé que le décret serait bien en réécriture avec, à ce stade, une hausse du plafond à 1,5 PASS, soit 65 988 euros, au lieu d'1 PASS aujourd'hui, soit 43 992 euros, mais nous n'avons pour le moment aucune confirmation de la date et de l'aspect rétroactif de celui-ci », explique l'association.

Pour autant, la hausse à 1,5 PASS lui semble « insuffisante pour répondre à l'ensemble des situations des pensionnés lésés par ces nouvelles dispositions, que ce soit en termes de montant mais aussi au regard d'autres difficultés, notamment liées à l'allongement de la période de revenus prise en compte, qui est passée de 6 à 12 mois ».

France Assos Santé a transmis au ministère une note complète et globale des typologies de difficultés remontées via son service d'écoute juridique et sociale, Santé Info Droits, pour demander leur prise en compte, à la fois dans le cadre du futur décret mais aussi par le biais d'une circulaire plus générale sur l'application des textes, au regard des pratiques hétérogènes et parfois surprenantes de certaines caisses.

Quelles difficultés majeures ?

Les principales difficultés transmises portent sur :

• La réduction importante des revenus allant à rebours de l'intention de favoriser la reprise d'activité avec l'application du plafonnement.
• Les conséquences en cascades en matière de prévoyance entraînant des pertes financières substantielles pour certains assurés.
• Les salaires perçus au titre de l'activité précédant l'invalidité susceptibles d'être retenus dans la rédaction actuelle.
• La prise en compte des indemnités de licenciement ou rappel de salaire qui vient mécaniquement réduire, voire suspendre, la pension.
• La question du renoncement de l'indu pour la période d'avril à octobre pas toujours appliqué par les caisses.
• Des suspensions ou réduction de pensions d'invalidité intervenant en l'absence de reprise d'activité alors qu'il s'agit d'une condition obligatoire pour la prise en compte des revenus.
• La mauvaise application des dispositions relatives à la prise en compte des revenus de remplacement, qui ne doivent être retenus que lorsqu'ils sont versés au titre d'une activité postérieure à la mise en invalidité.
• La prise en compte par certaines caisses de la prévoyance versée pour l'invalidité, conduisant à une situation absurde qui revient à actionner le régime complémentaire avant le régime de base.

France Assos Santé demande donc « une réponse rapide à l'ensemble de ces difficultés qui entraînent des situations catastrophiques et en contradiction avec la volonté affichée de favoriser le maintien en emploi ».

ARTICLE INITIAL DU 3 MARS 2023
Cela fait quatre mois que les oubliés de la réforme 2022-257 relative aux règles de cumul de la pension d'invalidité, des revenus professionnels et de ressources alertent le gouvernement. Si elle s'avère favorable à la plupart des personnes cumulant pension d'invalidité et emploi -environ 65 000-, elle laisse sur le carreau des milliers d'autres -probablement 8 000-, notamment celles avec des revenus supérieurs au plafond de la Sécurité sociale (PASS), soit 43 992 euros brut par an. Pour certains, la perte s'élève à plusieurs milliers d'euros par an. Notre média a déjà relayé cette « injustice », à lire en détail dans l'article : Réforme pension d'invalidité : les perdants vont en justice.

8 mois d'indus

L'un des points critiques concerne le calendrier d'application de cette réforme ; ses contours n'ont été précisés dans un décret qu'en décembre 2022 mais, la mauvaise surprise, c'est que cette mesure s'applique rétroactivement, à compter du 1er avril 2022. Les pensionnés impactés ont donc continué à toucher leur pension d'invalidité comme à l'accoutumée, durant huit mois, avant que leur caisse d'Assurance maladie ne refasse le calcul, certaines réclamant alors le remboursement des indus (c'est-à-dire des trop-perçus). La confusion est telle que chaque caisse fait comme bon lui semble, certaines exigeant cet indu, d'autres pas, certaines finissant par annuler la dette, d'autres pas.

Une réponse le 1er mars

Très tôt, la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail) se saisit de ce dossier plus qu'épineux, déposant d'ailleurs, face à une situation jugée « au point mort », un recours auprès du Conseil d'Etat le 25 janvier. En parallèle, un collectif, « Les oubliés de la réforme 2022-257 », composé de pensionnés motivés par l'urgence de leur situation personnelle réunis dans un groupe privé sur Facebook, monte au créneau, produisant un document de 27 pages qui analyse très concrètement, chiffres et calculs à l'appui, les méfaits de cette réforme. En attente d'une réponse de la part des autorités, la Fnath avait encouragé les personnes concernées à ne surtout pas payer ces indus.

Conscient de l'urgence, le cabinet de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, avait promis de se pencher sur la question. Le 1er mars, une réunion est donc enfin organisée, en présence de la Fnath et des équipes de la DSS (Direction de la Sécurité sociale). Petite victoire ! Cabinet et DSS assurent d'une même voix que les pensionnés impactés n'auront pas à rembourser les sommes réclamées.

Une consigne nationale

La CNAM (Caisse nationale d'Assurance maladie) confirme lors de cette réunion qu'elle a produit depuis plusieurs semaines un modèle de lettre informant ses caisses qu'elles ne doivent pas réclamer les indus d'avril à fin novembre. Ce document est malheureusement diffusé uniquement en interne, ce qui ne permet pas aux particuliers de s'en saisir pour faire valoir leurs droits. « Et pourtant, certaines caisses n'en ont pas tenu compte, regrette Sophie Crabette, chargée de plaidoyer au sein de la Fnath, et ont fait des calculs complètement apocalyptiques et ubuesques ». Pour elle, désormais, la situation est « claire et va se réguler ». Elle prend tout de même la peine de préciser que cette décision vaut « évidemment dès lors que la situation est liée à la réforme des pensions. Pour tous les autres indus en cours, c'est autre chose ! »

En cas de problème ?

Que se passe-t-il si une caisse continue à faire la forte-tête, vers qui se retourner ? « Vers la Fnath, répond-elle. Nous ferons tous les courriers nécessaires pour accompagner les personnes et rétablir la situation. Mais j'espère qu'il n'y aura maintenant plus besoin d'en passer par-là. » Ajoutons à cela que Geneviève Darrieussecq, en séance publique à l'Assemblée fin février, a déclaré devant les députés que ces indus ne seraient pas réclamés. « Cela fait beaucoup de confirmations, insiste Sophie Crabette. Impossible de faire marche arrière. C'est quelque chose sur lequel on peut communiquer avec certitude. »

Et maintenant, pour les pensions à venir ?

Si le problème semble réglé pour les pensions d'avril à fin novembre, qu'en est-il pour les suivantes ? L'enjeu des négociations est maintenant de permettre aux pensionnés concernés de maintenir leur activité sans prendre le risque de voir leur pension réduite ou supprimée. « Des propositions ont été faites par le gouvernement mais nous sommes encore en discussion et espérons pouvoir faire bouger les lignes face à des situations parfois critiques, à la fois financièrement et humainement, conclut Sophie Crabette. N'oublions pas que ces pensionnés sont en situation de handicap. Ils ont peut-être des situations financières correctes mais ils ont cotisé pour cela, et leurs droits méritent d'être défendus, surtout à une époque où l'emploi des personnes handicapées semble valorisé de tous les côtés. »

CNH, l'occasion de passer des bons messages ?

Alors que la Fnath et le Collectif des oubliés poursuivent la bataille, qu'en est-il du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) ? Si la Fnath admet que le sujet est « très compliqué, très technique », certains pensionnés s'étonnent que le conseil n'ait pas pris position d'un point de vue « politique »... « Peut-être parce que l'emploi n'est pas la priorité, avancent-ils. Les associations se mobilisent facilement pour l'école mais, après, il y a aussi le travail... » Ils espèrent que la Conférence nationale du handicap, prévue à l'Elysée au printemps 2023, sera l'occasion de « passer les bons messages ». 

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