Cela fait quatre mois que les oubliés de la réforme 2022-257 relative aux règles de cumul de la pension d'invalidité, des revenus professionnels et de ressources alertent le gouvernement. Si elle s'avère favorable à la plupart des personnes cumulant pension d'invalidité et emploi -environ 65 000-, elle laisse sur le carreau des milliers d'autres -probablement 8 000-, notamment celles avec des revenus supérieurs au plafond de la Sécurité sociale (PASS), soit 43 992 euros brut par an. Pour certains, la perte s'élève à plusieurs milliers d'euros par an. Notre média a déjà relayé cette « injustice », à lire en détail dans l'article : Réforme pension d'invalidité : les perdants vont en justice.
8 mois d'indus
L'un des points critiques concerne le calendrier d'application de cette réforme ; ses contours n'ont été précisés dans un décret qu'en décembre 2022 mais, la mauvaise surprise, c'est que cette mesure s'applique rétroactivement, à compter du 1er avril 2022. Les pensionnés impactés ont donc continué à toucher leur pension d'invalidité comme à l'accoutumée, durant huit mois, avant que leur caisse d'Assurance maladie ne refasse le calcul, certaines réclamant alors le remboursement des indus (c'est-à-dire des trop-perçus). La confusion est telle que chaque caisse fait comme bon lui semble, certaines exigeant cet indu, d'autres pas, certaines finissant par annuler la dette, d'autres pas.
Une réponse le 1er mars
Très tôt, la Fnath (Fédération nationale des accidentés du travail) se saisit de ce dossier plus qu'épineux, déposant d'ailleurs, face à une situation jugée « au point mort », un recours auprès du Conseil d'Etat le 25 janvier. En parallèle, un collectif, « Les oubliés de la réforme 2022-257 », composé de pensionnés motivés par l'urgence de leur situation personnelle réunis dans un groupe privé sur Facebook, monte au créneau, produisant un document de 27 pages qui analyse très concrètement, chiffres et calculs à l'appui, les méfaits de cette réforme. En attente d'une réponse de la part des autorités, la Fnath avait encouragé les personnes concernées à ne surtout pas payer ces indus.
Conscient de l'urgence, le cabinet de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée aux Personnes handicapées, avait promis de se pencher sur la question. Le 1er mars, une réunion est donc enfin organisée, en présence de la Fnath et des équipes de la DSS (Direction de la Sécurité sociale). Petite victoire ! Cabinet et DSS assurent d'une même voix que les pensionnés impactés n'auront pas à rembourser les sommes réclamées.
Une consigne nationale
La CNAM (Caisse nationale d'Assurance maladie) confirme lors de cette réunion qu'elle a produit depuis plusieurs semaines un modèle de lettre informant ses caisses qu'elles ne doivent pas réclamer les indus d'avril à fin novembre. Ce document est malheureusement diffusé uniquement en interne, ce qui ne permet pas aux particuliers de s'en saisir pour faire valoir leurs droits. « Et pourtant, certaines caisses n'en ont pas tenu compte, regrette Sophie Crabette, chargée de plaidoyer au sein de la Fnath, et ont fait des calculs complètement apocalyptiques et ubuesques ». Pour elle, désormais, la situation est « claire et va se réguler ». Elle prend tout de même la peine de préciser que cette décision vaut « évidemment dès lors que la situation est liée à la réforme des pensions. Pour tous les autres indus en cours, c'est autre chose ! »
En cas de problème ?
Que se passe-t-il si une caisse continue à faire la forte-tête, vers qui se retourner ? « Vers la Fnath, répond-elle. Nous ferons tous les courriers nécessaires pour accompagner les personnes et rétablir la situation. Mais j'espère qu'il n'y aura maintenant plus besoin d'en passer par-là. » Ajoutons à cela que Geneviève Darrieussecq, en séance publique à l'Assemblée fin février, a déclaré devant les députés que ces indus ne seraient pas réclamés. « Cela fait beaucoup de confirmations, insiste Sophie Crabette. Impossible de faire marche arrière. C'est quelque chose sur lequel on peut communiquer avec certitude. »
Et maintenant, pour les pensions à venir ?
Si le problème semble réglé pour les pensions d'avril à fin novembre, qu'en est-il pour les suivantes ? L'enjeu des négociations est maintenant de permettre aux pensionnés concernés de maintenir leur activité sans prendre le risque de voir leur pension réduite ou supprimée. « Des propositions ont été faites par le gouvernement mais nous sommes encore en discussion et espérons pouvoir faire bouger les lignes face à des situations parfois critiques, à la fois financièrement et humainement, conclut Sophie Crabette. N'oublions pas que ces pensionnés sont en situation de handicap. Ils ont peut-être des situations financières correctes mais ils ont cotisé pour cela, et leurs droits méritent d'être défendus, surtout à une époque où l'emploi des personnes handicapées semble valorisé de tous les côtés. »
CNH, l'occasion de passer des bons messages ?
Alors que la Fnath et le Collectif des oubliés poursuivent la bataille, qu'en est-il du CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) ? Si la Fnath admet que le sujet est « très compliqué, très technique », certains pensionnés s'étonnent que le conseil n'ait pas pris position d'un point de vue « politique »... « Peut-être parce que l'emploi n'est pas la priorité, avancent-ils. Les associations se mobilisent facilement pour l'école mais, après, il y a aussi le travail... » Ils espèrent que la Conférence nationale du handicap, prévue à l'Elysée au printemps 2023, sera l'occasion de « passer les bons messages ».