Handicap.fr : Vous êtes le parrain de l'association DFD (Dyspraxie France Dys). A quelle occasion ce lien s'est-il tissé ?
Renan Luce : La dyspraxie, je n'en avais jamais entendu parler. Et puis j'ai rencontré le papa d'une jeune fille dys qui m'a longuement expliqué les particularités de ce trouble des apprentissages souvent invisible et pourtant difficile à vivre. Il a éveillé ma curiosité et j'ai eu envie de m'engager. J'ai du mal à comprendre qu'un tel handicap, qui impacte à ce point la vie sociale et professionnelle, soit encore si méconnu. On prétend que ces enfants sont maladroits, paresseux, négligents, difficiles à vivre... Or c'est un trouble neurologique qu'ils ne sont pas en mesure de contrôler. Il reste beaucoup d'étapes à franchir pour que leurs difficultés soient adoucies. J'ai eu la chance de rencontrer des enfants attachants et pleins de vie qu'il me tarde de retrouver.
H.fr : Etre parrain, ça signifie quoi ?
RL : Etre présent lors des manifestations organisées par l'association, assurer le relais dans les medias et surtout faire plaisir à ces enfants et leur donner un peu de courage. Ils sont souvent surpris et touchés qu'une autre personne que leurs parents ou les personnels de santé qui les entourent s'intéresse à eux... A fortiori lorsque c'est un chanteur.
H.fr : « Handicap », pour vous, ça a quel sens ?
RL : Claire, ma sœur ainée, a un trouble psychomoteur qui a perturbé sa scolarité et l'empêche aujourd'hui de trouver un emploi. A 34 ans, elle vogue de stage en stage et travaille un peu dans le cabinet de mon père qui est médecin. Alors, le handicap, c'est pour moi une sorte de normalité que je côtoie depuis ma plus tendre enfance. Mais c'est aussi ce qui a nourri un profond sentiment d'injustice car il entrave bien des parcours. Les personnes handicapées ont besoin, comme tout un chacun, de se sentir valorisées et d'accéder à l'indépendance.
H.fr : Le handicap inspire-t-il parfois vos chansons, comme cela fut le cas pour certains de vos confrères (Grand Corps malade, Calogero...) ?
RL : Non, je ne suis pas encore tombé sur le hasard qui m'ait donné envie de le faire. Et puis je me vois mal composer une sorte d'hymne au handicap, même si, en réalité, l'idée me traverse parfois l'esprit. Mais, pour le moment, je ne sais pas vraiment comment l'aborder...
H.fr : Le 29 mai 2013, vous étiez présent lors de la journée organisée par L'ADAPT à la Bellevilloise, à Paris, consacrée aux jeunes handicapés ? Votre implication auprès des enfants dyspraxiques risque de faire de vous le chanteur qu'on s'arrache dans la sphère handicap ?
RL : J'ai en effet quelques sollicitations mais je ne compte pas me disperser. Apporter mon soutien aux enfants dyspraxiques prend du temps et je ne veux pas faire les choses à moitié. L'ADAPT, c'est un peu différent. J'ai découvert cette association en 2010 alors que je participais à la journée des Dys. Le 10/10/10, forcément ! Je savais qu'elle avait engagé des actions dans ce domaine, j'ai apprécié sa démarche, et c'est donc tout naturellement que j'ai accepté de parrainer cette belle rencontre à la Bellevilloise.
H.fr : Votre notoriété est un atout de taille pour aller à la rencontre des autres, et donc côtoyer les différences...
RL : Oui, je fais un métier où j'ai l'occasion de rencontrer beaucoup de monde, lors des tournées. Je découvre, à travers le témoignage de ces personnes dites « différentes », à quel point il est leur difficile de se faire entendre. C'est pourquoi j'ai accepté de leur tendre la main. En croisant ces parcours de vie si différents du mien, je me questionne aussi, en tant que citoyen, sur la situation de ceux qui ne naissent pas avec les mêmes atouts.
H.fr : Vos fans handicapés sont-ils présents lors de vos concerts ?
RL : Oui, bien sûr. Cela dépend des salles mais les spectateurs en fauteuil roulant ou handicapés sont parfois placés juste devant la scène. Et même avec les projos dans les yeux, j'arrive à percevoir leur enthousiasme. J'en reçois parfois après le concert et j'ai des retours plutôt humains et chaleureux. Ils manifestent le besoin de partager leurs émotions, dans un contact direct, franc. Je me souviens d'une personne aveugle qui semblait très émue par les paroles de « L'iris et la rose ». « Une guêpe s'envole, se pose, butine. Et l'image cogne à ma rétine. Mais déjà mon regard est loin. Je n'sais plus voir le quotidien ». Il n'est pas question de cécité dans cette chanson mais elle lui avait fait du bien et avait répondu à certaines de ses interrogations.
H.fr : Récemment, j'assistais à un spectacle où des personnes handicapées mentales, placées au premier rang, ont interpelé à plusieurs reprises les acteurs, avec une spontanéité plutôt touchante, les obligeant à improviser quelques répliques... C'était insolite et aucun spectateur n'a semblé se plaindre de cette situation !
RL : Evidemment lorsqu'on a un texte à dire, ça peut devenir compliqué. Mais, en musique, nous sommes souvent demandeurs de cette spontanéité. J'aime les imprévus, les cassures, briser la frontière entre le public et le chanteur. C'est important pour les personnes handicapées de sentir qu'elles ont pleinement leur place, en toutes circonstances.
H.fr : Le monde du spectacle vous semble-t-il encore réticent à recevoir du public en situation de handicap ?
RL : Je ne pense pas qu'il y ait la moindre réticence ; le monde de la musique me parait assez ouvert. Non, c'est plutôt une question de moyens, et la mise en place de certains aménagements s'avère parfois difficile pour des petites salles. Même si rendre une salle accessible, c'est, de toute façon, obligatoire ! Il faut, en même temps que le chemin soit fait par tous ; les personnes handicapées doivent oser sortir, s'affirmer, s'ouvrir à la culture et aux autres.
H.fr : DFD peut compter sur l'homme mais aussi sur l'artiste. Avez-vous d'autres projets en faveur des enfants dyspraxiques ?
RL : Oui, je serai présent à une prochaine table ronde. Et puis, à plus long terme, il y a un projet de documentaire sur la dyspraxie et l'importance de bien accompagner les enfants qui en sont porteurs. Je compte être présent sur le tournage et, pourquoi pas, réaliser la bande son...
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