En quinze ans, le nombre d'élèves en situation de handicap a triplé, atteignant 430 000 en 2021. Mais, pour certains, l'école inclusive n'est pas encore au RV... Cette même année, le réseau des médiateurs de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur a reçu 480 saisines à ce sujet, sur un total de 16 138 (article complet en lien ci-dessous), soit deux fois plus qu'il y a dix ans. Manque d'accompagnants (AESH), professeurs non formés, refus de scolarisation à l'entrée en maternelle... Le 22 juillet 2022, le Comité national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) s'inquiétait de « l'aggravation de ces difficultés, d'autant plus redoutée que les chantiers lancés lors du précédent quinquennat sont toujours en cours (coopération, livret de parcours inclusif...) » et sommait le gouvernement d'organiser un comité national de suivi pour « redonner un souffle » à l'école inclusive.
Un comité national de suivi
Il fut organisé trois jours plus tard, en présence notamment des trois ministres concernés : Pap Ndiaye (Education nationale), Jean-Christophe Combe (Solidarités, Autonomie et Personnes handicapées) et Geneviève Darrieussecq (Personnes handicapées). L'occasion de rappeler « leur engagement à renforcer encore l'accessibilité de l'école et à garantir à tous les élèves l'accès au savoir, à la connaissance et aux apprentissages » et d'identifier les axes majeurs à travailler à l'approche de la rentrée 2022. « La scolarisation de tous les élèves en situation de handicap sera une priorité de mon action », annonce Pap Ndiaye en préambule.
Soutenir les AESH
Préoccupation majeure ? La situation des accompagnants des élèves en situation de handicap. Près de 120 000 AESH sont mobilisés pour permettre la scolarisation en milieu ordinaire des enfants à besoins particuliers. Un nombre « en augmentation constante », se félicitent les ministres qui annoncent la création de 4 000 nouveaux postes pour la rentrée prochaine. « Des mesures ont été prises pour améliorer leur situation économique, réduire leur précarité et rendre ce métier plus attractif, affirment-ils dans un communiqué. Un travail sera mené, en lien avec les collectivités territoriales, pour permettre à ceux qui le souhaitent d'aller vers un temps plein. » Les postulants seront-ils au rendez-vous ? Pour le CNCPH, au vu des difficultés actuelles de recrutement du système éducatif, « ces postes ne seront sans doute pas tous pourvus ». Réponse dans un peu plus d'un mois...
Mais tous ne misent pas seulement sur les AESH. Pour réussir, certains élèves ont uniquement besoin d'un investissement pédagogique particulier, différencié, adapté. « Chaque situation est unique et évolutive, expliquent les ministres. Une réflexion sur le fonctionnement de l'inclusion scolaire dans son ensemble sera engagée afin de mieux rapprocher les besoins des élèves et les capacités pour y faire face. »
Coopérer avec le secteur médico-social
Selon le CNCPH, « il faut également repenser simultanément les missions et l'articulation des ressources internes de l'école avec les ressources externes que sont les acteurs médico-sociaux, sanitaires, libéraux et associatifs, ainsi qu'avec les familles, les élèves et les étudiants ». « Une coopération étroite entre les secteurs scolaire et médico-social est déjà en œuvre partout en France pour faciliter l'accès à l'école », répond le gouvernement. Ainsi, une feuille de route partagée entre les trois ministères a été élaborée avec trois objectifs : garantir l'adaptation des projets personnalisés de scolarisation (PPS), poursuivre les actions de formation des personnels, mais aussi renforcer les espaces de concertation au niveau national. Pour rappel, 67 000 jeunes sont scolarisés dans des établissements hospitaliers ou médico-sociaux. C'est trop ?...
Développer les Ulis
« Certains élèves, en fonction de leurs troubles (du développement intellectuel ou du spectre de l'autisme, notamment) sont de plus en plus orientés en instituts médico-éducatifs (IME) au détriment des Unités localisées pour l'inclusion scolaire (Ulis), selon des critères opaques et au motif qu'ils n'ont pas le niveau requis », estime le CNCPH. La faute au manque de place ? Pour changer la donne, « 303 nouvelles Ulis seront créés », d'ici à la rentrée 2022, promet le gouvernement, portant leur total à 10 272 de l'élémentaire au lycée. De nouvelles unités d'enseignement pour les enfants polyhandicapés sont également programmées. De même, pour poursuivre les objectifs de la Stratégie nationale autisme et troubles du neuro développement, 84 nouveaux dispositifs destinés aux jeunes avec des troubles du spectre de l'autisme (TSA) sont créés, en maternelle comme à l'école élémentaire (UEMA, UEEA).
Renforcer le dialogue avec les familles
Pour renforcer le dialogue avec les familles, plusieurs dispositifs ont été mis en place dernièrement, notamment un numéro vert unique qui permet de joindre une cellule départementale ou nationale au 0 805 805 110 (du lundi au vendredi de 9h à 17h). 4 000 situations ont été traitées cette année par la plateforme nationale. Il est actif toute l'année, y compris durant les vacances d'été. Autre nouveauté : le livret numérique parcours inclusif qui, via une appli, vise à faciliter la mise en place précoce d'aménagements et la coopération entre les acteurs du parcours scolaire. Pour rappel, les élèves bénéficient également à la rentrée d'un entretien d'accueil avec les familles, l'enseignant et l'AESH, le cas échéant, afin d'échanger sur les modalités de scolarisation mises en œuvre pour l'année scolaire. « Ces dispositifs seront maintenus en septembre 2022 », annoncent les ministres, tandis que d'autres devraient voir le jour au fil du prochain quinquennat. Au total, la loi de finances 2022 consacre 3,5 milliards d'euros à l'école inclusive, soit 211 millions d'euros de plus que l'année précédente.
Leitmotiv ? « Faire de notre société une société plus juste et plus inclusive, c'est commencer par l'essentiel : permettre la scolarisation de tous les enfants en situation de handicap », estime Jean-Christophe Combe, qui s'engage à « réduire les inégalités et soutenir les familles ». Selon Geneviève Darrieussecq, l'autre enjeu majeur est de sensibiliser. « L'école est le creuset où doit se construire, pour les générations futures, une nouvelle manière d'appréhender les situations de handicap », conclut-elle, incitant à « agir ensemble ».