« Le jour de la rentrée, mon fils malvoyant a appris qu'il n'aurait pas d'AESH (ndlr : accompagnant d'élève en situation de handicap) cette année. Suite à une communication téléphonique avec la MDPH (ndlr : Maison départementale des personnes handicapées), il m'est confirmé qu'il devrait bien avoir un accompagnement pour l'année scolaire en cours ». Ce témoignage fait partie des 16 138 saisines reçues en 2021 par le réseau des médiateurs de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur. Il témoigne, selon Catherine Becchetti-Bizot, la Médiatrice de l'institution, d'un « hiatus entre l'autorité qui met en œuvre ces préconisations et celle qui notifie les moyens d'accompagnement ». Elle s'exprime le 25 juillet 2022 à l'occasion de la présentation du rapport annuel 2021 (en lien ci-dessous). 69 médiateurs répartis sur tout le territoire ont pour mission de « Renouer le dialogue » -c'est le titre de ce rapport- « avec neutralité » entre les services administratifs de l'Education nationale, les équipes pédagogiques et les usagers mais aussi « d'accompagner les requérants dans leurs démarches parfois complexes » et enfin de « faire des recommandations aux ministres pour améliorer le système éducatif » (article en lien ci-dessous).
480 saisines concernent le handicap
Même constat qu'en 2020, en 2021, la crise sanitaire a fait émerger des situations de tensions inédites autour de l'éducation et notamment du projet d'école inclusive -l'un des trois thèmes priorisés dans ce rapport-. En cause, la persistance de règles sanitaires contraignantes, la fatigue des personnels mais aussi l'exigence de plus en plus marquée de parents et élèves envers le système scolaire. Résultat, le nombre de saisines a doublé en dix ans. Le handicap figure parmi les plaintes récurrentes, soit 480 sur 16 138. 78 % des réclamations appuyées par le médiateur ont abouti à un succès total ou partiel.
Plus de moyens dédiés aux AESH
En cinq ans, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a augmenté de 19 %, avec un renforcement du budget consacré à l'école inclusive atteignant 3,5 milliards d'euros en 2022, le nouveau ministre Pap Ndiaye ayant annoncé la création de 4 000 emplois supplémentaires dédiés à la rentrée 2022 (article en lien ci-dessous). Mais il « reste des progrès à faire », consent Catherine Becchetti-Bizot. A commencer par les moyens attribués aux AESH. « La plupart des réclamations concernent soit le manque d'AESH soit l'insuffisance des horaires alloués à l'accompagnement des élèves. Deux situations qui peuvent conduire à une déscolarisation partielle », alerte-t-elle. Pour éviter d'en arriver là, la Médiatrice recommande de « rendre la profession d'AESH plus attractive en améliorant leur formation et leur encadrement, en continuant à stabiliser la situation matérielle et financière de ces personnels, en favorisant notamment les contrats à temps plein et des emplois du temps moins morcelés, en leur donnant accès à la prime REP et REP+ et en veillant au remboursement de leurs frais de déplacement s'ils exercent sur plusieurs lieux » mais aussi en changeant les représentations sur la profession et en « renforçant l'information des candidats potentiels ».
Des solutions individualisées
« Mais on ne peut pas faire reposer l'inclusion de l'élève uniquement sur l'AESH », complète la Médiatrice. En effet, une part essentielle du bien-être de l'élève repose sur l'accessibilité de l'environnement scolaire. Or c'est encore souvent à l'enfant de s'adapter aux contraintes matérielles et pédagogiques du système éducatif alors que l'inverse devrait être de mise. De plus, le rapport soulève un problème de discontinuité entre les aménagements (qui ressemblent plutôt parfois à des « allégements ») mis en place durant la scolarité et les examens et concours. « Voulant bien faire, on a, par exemple, dispensé des élèves avec troubles du langage des cours de langues. Sauf que, dans certains concours de l'enseignement supérieur, l'apprentissage de l'anglais est un passage obligé », déplore Catherine Becchetti-Bizot. Autre constat du côté des écoles de cinéma qui ont bien souvent « oublié » les étudiants aveugles qui pourraient très bien suivre le programme grâce à l'audiodescription. « Il faut savoir trouver une solution individualisée », confie la rapporteure.
Renforcer la communication
Si le décret du 4 décembre 2020 a simplifié la procédure de demandes d'aménagements d'examens et concours, quelques difficultés persistent durant la période « transitoire » de mise en application des textes, particulièrement en ce qui concerne les plans d'accompagnement personnalisé (PAP) pour les élèves atteints de troubles dys. A ce sujet, Catherine Becchetti-Bizot préconise de renforcer la communication sur les nouvelles dispositions de ce décret en direction des chefs d'établissement, familles, médecins désignés par la Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) qui participent à la rédaction des PAP. Elle conseille également de prévoir un entretien entre les familles et les équipes pédagogiques pour préparer l'accueil dans l'établissement, « ce qui soulagera les AESH », et propose enfin de renforcer la formation des enseignants à la prise en charge des besoins spécifiques des élèves. « Trouver une solution pour ces enfants, c'est permettre de faire progresser le système éducatif dans sa globalité », conclut-t-elle.
A quoi ressemblera la rentrée 2022 ?
Le nouveau gouvernement ne semble pas avoir attendu les préconisations de ce rapport pour avancer sur ce sujet lors de la première réunion du Comité national de suivi de l'école inclusive de l'équipe Borne. Le même jour, les ministres de l'Education nationale et chargés du Handicap (Jean-Christophe Combe et Geneviève Darrieussecq) ont défini quatre priorités à l'horizon 2022-2023 : « l'amélioration des conditions de travail des AESH », « l'évaluation des besoins des élèves, des accompagnants et des adaptations pédagogiques », la « nécessaire coopération entre les acteurs » et le « dialogue renforcé avec les familles ». Nouveautés de la rentrée 2022, le gouvernement a annoncé la création de 303 nouveaux dispositifs d'unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), 84 nouveaux dispositifs pour les enfants avec troubles du spectre de l'autisme (TSA) et de nouvelles unités d'enseignement pour les enfants polyhandicapés dont l'effectif n'a pas été précisé. « La scolarisation de tous les élèves en situation de handicap sera une priorité de mon action. C'est pour cela que j'ai tenu, avec mes collègues Jean-Christophe Combe et Geneviève Darrieussecq, à ce que ce comité se tienne en amont de la rentrée scolaire 2022 et alors que mes équipes sont mobilisées sur sa préparation », a déclaré Pap Ndiaye. Verdict après les vacances…